Les pouvoirs du Christ

Les Pouvoirs du Christ

manuscrit de Bertrand Dugré

Le 22 mai 2013

Bonne lecture: l’action se déroule au Québec, sur la planète Terre .

Résumé: Un bipolaire fait une découverte et part pour les étoiles. Allégorie sur ce que pourrait être l’Humanité si…

   La bipolarité

         Le réveil est pénible de ce temps-ci. La lourdeur des pensées, leur incessante insistance à une fin abrupte. Mourir. Je serais si bien. Plus de problème. Pas une punition pour mes actes passés, pas une évasion dans un monde meilleur, pas un désespoir de la condition humaine, pas la fin des soucis financiers. Juste disparaître, ne plus être.

            Ainsi commence une autre interminable journée. Rien qu’un pot de café n’aidera pas à chasser temporairement. J’allume l’ordinateur, mon premier café commençant à me sortir de la brume de la dépression. assommé de pensées morbides, j’essaie de m’intéresser à mon dernier projet.  Entrepris il y a une dizaine d’années, délaissé puis repris à de multiples occasions, l’idée de trouver une façon de déjouer la loterie a occupé une grande partie de mon temps. Cette bouée de sauvetage dans l’immensité du temps dont je dispose me permet de maintenir mes facultés mentales et me procure certaines satisfactions dans des journées autrement vides de sens. Heureusement que je suis créatif et curieux. Je me compare aux autres bipolaires que je connais et je me console de m’en sortir aussi bien. Tributaire de mes dérangements hormonaux, mes longs épisodes de dépression et de manie, j’avance tranquillement sans échéancier. Extirpant du temps, des satisfactions fugaces mais suffisamment nombreuses pour entretenir une certaine bonne humeur générale.

            Aujourd’hui je n’ai pas de transport à faire. Je fais du bénévolat auprès des personnes âgées. C’est une excellente chose et j’y tire un gros profit. Premièrement ça me fait sortir de chez moi et avoir des interactions sociales. Deuxièmement ça me permet, avec mes faibles moyens financiers, d’avoir une automobile. N’utilisant celle-ci que pour les transports et mes rendez-vous chez les médecins, la majorité des frais inhérents à la possession d’une automobile sont payés par l’argent que je reçois en compensation des transports que j’effectue pour mes passagers. Je donne mon temps, mais j’en ai à profusion. De plus, ma grande activité intellectuelle me permet de pouvoir attendre des heures dans mon automobile, le temps que mes clients vaquent à leurs occupations. L’ordinateur portable que m’a donné une de mes clientes et amie bien posé sur mes genoux, j’ai un monde au bout des doigts. J’ai plein de films, de livres, de projets dans mon ordinateur.

            Globalement je ne suis pas si mal que ça. Je dirais même que je suis privilégié. Pour autant que je me tienne éloigné des échéanciers  et des contraintes de temps, je suis assez fonctionnel. Le temps est mon ennemi. Je ne dois projeter rien, de sorte que je ne peux que vivre l’instant présent en en planifiant que peu de jours à la fois. Les seul ancrages dans le temps sont les rendez-vous pour les transports. Premier arrivé, premier servi. Pas de décisions, pas de tergiversations. Du moment que j’accepte un transport, il est inscrit dans mon agenda. Je ne prend qu’un rendez-vous par jour. Qu’il soit prévu pour une demi-heure ou trois heures. Pas de contraintes de temps qui me feraient perdre la boussole. Depuis que j’ai découvert que le temps est mon ami et mon ennemi je fonctionne beaucoup mieux. Je n’ai plus d’agressivité, ma patience s’est multipliée, ma raison fonctionne à plein, je ne perd pas les pédales. Voilà pourquoi je me sens privilégié. Je vis simplement et mes besoins sont, somme toute, modestes. Aurais-je trouvé le secret du bonheur, relatif, pas perpétuel?

            Être bipolaire aura-t-il été la grande chance de ma vie? Ces longs épisodes de dépression, durant de une à cinq années, suivis de certaines périodes de grande excitation, ou peut-être est-ce le contraire? La surexcitation suivie par la dépression? Je ne saurais dire mais c’est le cheminement qu’a suivi ma vie. Sentiment de vivre à toute allure, suivi de pensées morbides assaillant mon moral. La constante qui m’a servi à garder un certain cap, ce sont les valeurs que mes parents m’ont inculquées. Réussite après le travail, planification avant d’agir, charité et respect des autres, empathie, toutes des choses dont j’ai été le témoin chez mes parents. Qui m’ont baignées toute mon enfance et que j’ai absorbées, telle une éponge. Cela a donné un mélange unique et original. Comme on dit, je suis un personnage. Difficile à prévoir et surprenant. Alors que j’enseignais on m’a souvent dit que j’avais du charisme. L’intensité de mes humeurs faisait en sorte que je vivais de façon intense. D’où probablement ma grande expressivité.  Bien des expériences m’ont démontrées que je percevais les choses plus rapidement et plus intensément que la plupart des gens. Un prof m’a même demandé de lui donné des cours pour penser vite. J’étais bien en peine de lui montrer un talent que je possédais de façon innée. Toujours est-il que mon comportement était teinté par mes variations d’humeur.

            C’est avec cet harmonieux mélange de talents et de travers que je navigue depuis 45 ans sur la planète. J’ai fait de la vente, j’ai géré un commerce, j’ai fait de la consulation et j’ai enseigné et j’ai programmé un système de communication pour enfants handicapés. Tout ça en 15 ans. J’avais, pendant ces années, de longues périodes d’intense énergie. J’avais bien quelques fois des pannes, mais de courte durée et de faible intensité. Donc ce n’est qu’à 35 ans, lorsque je fus diagnostiqué bipolaire, que j’ai eu ma première grande dépression. Elle a duré 5 ans. 5 ans de pensées morbides, de traîner ma carcasse péniblement au jour le jour. La psychiatrie n’est pas une science exacte. C’est un art. La succession d’essais et erreurs de médicaments, ayant chacun ses limites d’effets bénéfiques et ses indéniables effets secondaires, est un chemin sinueux et rempli d’espoirs et de déceptions. C’est un processus long et pénible qui a mené à ce que j’aie encore des variations d’humeur bien qu’elles soient de moins grande amplitude. De plus le niveau de mon humeur s’en va en diminuant lentement. Jeune j’avais plus de hauts et moins de bas. Les hauts étaient plus hauts et les bas moins bas. Mais en vieillissant la courbe générale descend. Ce qui fait qu’aujourd’hui J’ai des dépressions plus basses et presque plus de hauts mais des périodes de relative normalité. Il faut dire que l’introduction d’un antipsychotique a grandement aidé. Je n’ai pas fait souvent de psychoses mais j’en ai eues. Maintenant ça fait longtemps que je n’en ai plus. Petit effet secondaire le médicament m’a causé le diabète. Mais on vit avec. J’ai dû abandonner le lithium suite à une overdose médicamenteuse. Mon cervelet a subi une attaque qui a mené à un manque d’équilibre. Je ne pouvais plus tenir debout. L’abandon du médicament a ramené un équilibre suffisant pour fonctionner mais je ne peux plus rester debout et fermer les yeux. Il m’est impossible maintenant de passer un alcootest classique, comme de marcher en ligne droite ou me mettre en petit bonhomme. Je tombe immédiatement.

            Comment je vis avec tout ça? Très bien. La contrainte de temps enlevé des paramètres, je vis à un rythme lent, où l’imprévu est réduit au minimum. Je réagis très mal en situation d’urgence.  Soit je gèle, soit je devient frénétique. Pas de milieu. Je me dois de raisonner tout. Particulièrement mes états émotifs. Mon seul outil contre les états émotifs est la relativisation. Remettre les choses en perspectives. Hausser mon point de vue. Synthétiser. Il devient donc naturel pour moi d’avoir une activité calme pour occuper mon temps. Je l’ai trouvée. La pêche. Je me suis établi à l’Île-Perrot, sur le bord de la rivière des Outaouais. J’ai donc accès par l’eau au lac St-Louis, en aval, et au lac des Deux-Montagnes  en amont. Mon appartement situé à proximité d’un quai municipal, je peux pêcher toute la saison estivale. J’y fait aussi de nombreuses rencontres qui me permettent des échanges sociaux agréables.

            Aujourd’hui, 5 mai, sera la première sortie de l’année avec ma chaloupe. De longues recherches m’ont permis de trouver une chaloupe usagée en bon état relatif, et aussi trouver un moteur hors-bord en mauvais état que j’ai démonté en pièces et remonté dans ma cuisine cet hiver. Heureusement je n’ai pas de conjointe, elle n’aurait pas apprécié le capharnaüm de mon appartement, surtout la cuisine. Je suis donc outillé pour une belle saison de pêche, pendant laquelle je pourrai avoir de belles rencontres avec les gens que j’amènerai dans ma chaloupe. Ayant préparé mon bardas pendant toute la semaine passée, me voilà apte à réaliser mon rêve. Voguer lentement sur l’eau calme , pêchant à la traîne langoureusement, une cigarette au bec et un café à portée de la main. Hier j’ai amené la chaloupe sur son support pour la mise à l’eau. Tout est prêt. Je me charge du sac à dos, de mon équipement de pêche et du moteur et je m’en vais inaugurer, ce que j’espère, la plus belle année de ma vie.

Découverte

            Il est 7 heures du matin. Je suis assis dans ma chaloupe, calmement flottant sur l’eau froide. Je me verse un café et j’allume une cigarette. Moment de plénitude. Aboutissement de longues recherches et d’attentes qui m’ont permis d’aboutir de ce projet grandiose, compte tenu de mes faibles ressources financières de l’aide sociale. Dérivant lentement le long des berges de la rivière, j’en suis rendu à devoir choisir mon itinéraire. Toute mon énergie et mes pensées avaient été dépensées à créer ce moment. J’y suis. Je vais où maintenant? Il n’y a pas de vent, circonstance rare en mai, un soleil radieux. J’ai confiance en mon équipement mais s’il arrivait quelque chose je serais beaucoup mieux d’aller en amont. Ainsi, en cas de pépin, il est plus facile de descendre le courant que de remonter celui-ci. De plus le vent dominant est d’ouest. Si celui-ci se lève, il me poussera dans la bonne direction si je dois ramer. C’est donc cap sur le lac des Deux-Montagnes. L’instant de grâce est arrivé. Mon moteur part à la deuxième tentative. Il a un son doux, et vibre très peu. Je suis extrêmement satisfait de mon achat et de mes efforts. Il me faut être prudent. Il n’y a pas de circulation marine à ce temps de l’année. Je ne peux espérer de renfort en cas de pépin. Je prends la direction voulue et j’avance doucement sur l’eau, propulsé par un petit tourbillon à l’arrière de la chaloupe. Je remonte le courant intense de la crue du printemps et je passe devant la ville de Sainte-Anne-de-Bellevue. Il est trop tôt dans la saison pour que les terrasses soient bondées. Mais si mai continue d’être aussi clément, celles-ci accueilleront les touristes à profusion. Sur le pont la circulation est intense. Les nomades matinaux exécutent leur pèlerinage quotidien au travail. Je suis vraiment béni des dieux. Assis dans ma chaloupe, voguant allègrement sur la rivière, l’âme tranquille et l’esprit libéré des pensées sombres. Ce qu’on peut être bien quand nos besoins sont comblés. Dans le fond on n’a pas besoin de grand chose. Manger, dormir, s’abriter des conditions climatiques et une occupation agréable de son temps. Les attentes disparaissent et l’on jouit pleinement de l’instant présent. J’ai dû augmenter le régime du moteur pour gravir les turbulences de l’eau sous le pont. Le courant y est intense et la dénivellation est accentuée. Il doit bien y avoir une pente de 2 mètres entre le niveau des deux côtés du pont. Ça brasse vigoureusement. J’ai de la puissance à revendre et j’effectue le passage avec des tressaillements agréables. C’est comme une randonnée dans un manège de cirque. Petites sensations fugaces d’excitation et de vie.

            Me voici rendu sur le lac des Deux-Montagnes. Devant Senneville et ses majestueuses maisons à droite, ou devrais-je plutôt dire à tribord. Les bouées du chenal n’ont pas été posées encore. Mais, pour mon frêle esquif, les eaux ici ne sont pas périlleuses, elles sont plus que suffisamment profondes. Ça fait une heure que je suis parti il est temps de faire un état de la situation. Pour ce qui est du moteur, pas de problème. Il fonctionne bien, répond graduellement à la torsion de la poignée, l’eau de refroidissement s’évacue librement et pleinement. Tout est beau. Pour ce qui est de la chaloupe ce n’est pas aussi parfait. Elle prend un peu d’eau. Je dois avoir un ou deux gallons d’eau embarquée depuis la mise à l’eau. Rien de préoccupant. Ce sera même un avantage cet été. Mes pieds trempés refroidiront mon sang qui irrigue un corps durement éprouvé par la chaleur. Je suis conçu pour la température froide, ce qui fait que l’été je dois tremper ma chemise et ma casquette à l’eau pour me tenir à une température que je peux endurer. Je ne m’attendais pas à une étanchéité parfaite. Je ne suis donc pas déçu. Il me faudra cependant conserver mes bottes de caoutchouc tant que l’eau sera froide. Globalement, c’est la satisfaction.

            Je prépare mon attirail de pêche et organise ma ligne avec un poisson nageant afin de pêcher à la traîne. Un beau leurre bleu brillant au soleil, des hameçons bien pointus, un bon nœud bien effectué et le tour est joué. Je redémarre le moteur, déroule ma ligne et commence une lente progression vers le pont de l’île-aux-Tourtes. Du point de vue de la prise de poisson, c’est une pure perte de temps. Je ne suis pas en territoire productif et de plus la saison n’est pas encore débutée. Mais loin de moi cet objectif.. Pour moi, le but de la pêche, c’est d’être sur l’eau, de voguer doucement, et d’être en paix. Le poisson c’est accessoire et de toute façon il faut le remettre à l’eau, car la saison de la pêche est fermée.  Je me laisse donc absorber par le calme, le doux ronronnement du moteur, le bercement langoureux de la chaloupe.  Mes pensées défilent aussi lentement que le paysage. Fixant par moment certains points de vue ou au contraire balayant l’horizon au loin. Je progresse ainsi jusqu’à l’Île-Cadieux. Le trajet m’a pris deux heures trente. J’ai faim. Je sors de mon sac le repas que je me suis préparé pour l’inauguration de ma saison de pêche. En temps normal je m’apporte, à part du café, des sandwichs au beurre d’arachides et de l’eau. Mais aujourd’hui je fête. C’est donc un festin de légumes, de viandes froides et de fromage. Dans le silence total, je me laisse dériver en mangeant doucement. Quel bonheur. Mes yeux me piquent. L’avant-midi m’a amené à une douce torpeur et j’ai le désir de dormir. Qu’à cela ne tienne. Je vais m’installer pour dormir. Bien calé dans la pince de la proue de la chaloupe, les jambes étendues et croisées, les bras ramenés sur ma poitrine telle une momie égyptienne, je me laisse aller sur l’eau au gré du courant. Ça prendra au moins une heure trente pour être ramené au pont. Je me laisse donc aller au sommeil sans prendre la précaution de mettre à l’ancre.

            Un léger choc me réveille. Je regarde l’heure et je m’aperçois que j’ai dormi deux heures. Je fais le tour d’horizon et m’aperçois que j’ai dérivé vers les hauts fonds de la Baie de Vaudreuil. Je suis échoué sur le sable et il n’y a que quelques pouces d’eau. Je suis en plein centre de la baie. Un petit vent du nord-ouest s’est levé, ce qui a accéléré ma dérive et dirigé l’embarcation dans la baie. Si je n’avais pas levé mon moteur je serais resté au début du haut-fond. Mais là j’ai dérivé une longue distance.Pas de presse. Je m’allume une cigarette et je scrute les environs.  Une étrange pierre attire mon attention. Elle est carrée. Curieux.  Je débarque de la chaloupe et l’eau vient juste au-dessus du pied de mes bottes. Je vais tirer celle-ci vers le large et reprendre ma navigation.  Mais je me dirige d’abord vers la pierre noire comme le jais. Peut-être mon ami Jean voudra-t-il la mettre dans sa rocaille?

            Ceci n’est pas une pierre. C’est un objet façonné, un artefact. Les arrêtes sont franches et ce qui dépasse de l’eau est carré avec une coupole inversée au centre avec une barre qui le traverse. De toute évidence c’est une poignée qui sert à transporter l’objet. Je saisis l’objet et, sans grande difficulté, l’extirpe de la vase.  Premier étonnement. Aucune trace de vase ou d’eau. L’objet, ayant l’apparence d’une enceinte de stéréo, est lisse comme de la vitre, d’un couleur noire chatoyante, mais non réfléchissante. Le cube comme je le nomme, est  léger. Comme s’il était vide. Il pèse environ 5 livres. Je n’ai jamais vu un objet de ce genre. Comment a-t-il atterri dans le milieu de la baie? Mystère. En tout cas je le dépose dans la chaloupe et je reprends ma progression vers le large afin de rejoindre l’eau libre.

            Assis dans ma chaloupe, en plein milieu du chenal, le moteur ronronnant doucement, j’étends de nouveau ma ligne et prends lentement le chemin de la maison. J’inspecte visuellement le cube. Il mesure environ, au sommet, un carré de 40 cm de côté et a une hauteur d’environ 80 cm. On dirait presque que la surface est liquide. D’un noir parfait, aucune tache, aucune ligne d’eau ou de vase. On dirait qu’une main patiente vient juste de le polir à la perfection et qu’un vernis frais vient d’être appliqué méticuleusement. Pourtant quand je l’ai touché, il était sec. Un objet si gros, pesant si peu, c’est surprenant. À le voir j’estimerais son poids à une quarantaine de livres, pourtant il ne m’a semblé peser que 5 livres quand je l’ai pris. Ça doit être vide et les parois doivent être minces. C’est drôle car la poignée donne l’impression d’avoir été bâtie pour un grand effort. Elle est massive et assure une bonne poigne. Qui a pu produire un objet aussi intrigant et dans quel but? Est-ce purement esthétique ou est-ce que ça a une utilité? Bah! J’ai tout le temps d’investiguer.

            Une grande tension se fait sentir sur le bout de ma ligne. Et bien on dirait que j’ai attrapé quelque chose. Ayant laissé filé une bonne longueur de ligne, le combat avec le poisson me prend un peu de temps et je lui laisse des occasions de se reposer, quitte à ce qu’il s’évade. De toute façon je ne le garderai pas pour le manger, la saison de pêche n’étant pas en vigueur actuellement. Je ramène doucement le poisson à la chaloupe et je m’aperçois que j’ai attrapé un petit maskinongé de 80 cm environ. Il doit peser 3 ou 4 livres. Il est plutôt sombre, n’arborant pas sa belle robe d’été. Heureusement il n’a pas gobé le leurre au fonds de la gorge. J’extirpe l’hameçon de sa lèvre et avec beaucoup de précautions lui ventile les ouïes dans l’eau. Doucement le poisson s’enfonce dans l’eau et reprend sa route. Ce fut agréable. Ma journée d’inauguration est parfaite. J’ai eu le gâteau et le glaçage en plus. Je vais accélérer mon retour à la maison. J’ai un faible sentiment de culpabilité suite au filet d’huile que je dissémine dans l’eau. J’aimerais posséder un moteur 4 temps. Mais, avec mon budget, je suis bien heureux d’avoir trouvé un aussi bon moteur 2 temps. L’inconvénient c’est le litre d’huile qu’il faut incorporer à l’essence et qui se retrouve dans l’eau. Comme je dis c’est la seule ombre au tableau, comme quoi la perfection n’est pas de ce monde.

            Arrivé à mon débarcadère, je sors tout l’équipement de la chaloupe et m’occupe à remonter celle-ci sur son support et remonte le support au dessus de l’eau. Cette installation est nécessaire pour préserver l’état de la chaloupe des différents éléments et aussi prévenir le vol. La précarité de l’installation prévient quiconque d’embarquer dans la chaloupe pour voler le moteur. D’une solidité à toute épreuve, ma concoction mécanique ne paie pas de mine. Ça a l’air très instable mais dans le fond c’est stable et solide. Tout en tensions, c’est léger et bien conçu.

            J’ai à me charger comme un mulet. Bien que beaucoup d’équipement demeure dans la chaloupe, je dois enfiler  mon sac à dos, saisir mon équipement de pêche et prendre le cube. Je suis donc bien pesant pour remonter à mon appartement. Ayant passé la journée immobile dans la chaloupe, les jambes sont lourdes et maladroites. Tout bonheur a son prix à payer.

            C’est donc en soufflant et fatigué que je pénètre dans l’appartement frais et aéré parce que j’avais laissé les fenêtres ouvertes en partant ce matin. C’est le beau temps de l’année pour moi. Bientôt la chaleur viendra me harceler. Je suis heureux d’être au mois de mai, encore juin pour être bien avant les canicules de l’été. Je me paie deux luxes avec mon budget. La chaloupe et l’air climatisé. Impossible pour moi de passer l’été sans air climatisé. Ayant remisé mon attirail de pêche et vidé mon sac à dos des déchets de la journée, je dépose le cube dans un coin de mon salon et je m’assieds pour récupérer. Assis à côté de la porte-patio, avec une belle vue du quai et de la rivière, je revis ma journée. La paix intérieure m’habite et mes pensées se déroulent lentement, et je suis très bien. C’est donc totalement heureux que j’envisage une saison de pêche agréable. J’essayais de ne pas avoir trop d’attentes face à mon équipement de fortune. Mais cette journée fabuleuse a dépassée mes espérances. Une chaloupe stable, qui prend quand même un peu d’eau, un moteur bien entretenu qui délivre un rendement excellent pour son âge, il a quand même une trentaine d’années. Je me sens en confiance pour l’été. Je n’ai eu qu’à écoper une fois environ 10 gallons d’eau, pendant la journée et encore 5 au moment de l’arrivée au débarcadère. Somme toute une bagatelle et encore l’eau est très froide. Le métal contractant au froid est moins étanche qu’il devrait l’être à l’eau chaude cet été. Étancher la chaloupe demanderait un gros effort financier et n’apporterait, finalement, que peu d’avantage marginal. C’est certain que je vais toujours devoir disposer les choses sur les bancs pour éviter qu’elles soient trempées. Mais en contrepartie j’aurai un système de refroidissement personnel. Les gens qui viendront avec moi devront faire avec. J’ai hâte de voir la réaction de Pierre quand il va venir avec moi. Lui qui recherche la perfection en tout, le café, le repas, l’habillement, les conventions … Pour lui il y aura toujours le problème de l’eau dans la chaloupe. Mais il s’y fera. Mon investissement total dans ce projet se situe à environ 1000$. Ce qui comprend la chaloupe, le moteur, les pièces pour réparer le moteur, le support à chaloupe et les équipements de sécurité. Un an de remboursements sur ma marge de crédit. Mais ça en vaut la peine. Les frais d’essence seront payés par les gens qui viennent avec moi et je devrais avoir un petit surplus pour payer les vers pour la pêche. Petit budget rassurant, fait promptement, qui me permet d’augurer d’un été fabuleux. Finalement j’aurai du poisson frais comme je l’aime. En effet, je ne mange du poisson que s’il a fraîchement été pêché. Ainsi j’entrevois des moments où j’irai attraper mon souper dans de courtes expéditions, simplement le temps d’aller cueillir un ou deux poissons que je passerai encore gigotant dans la poêle. Je vais passer une belle saison de pêche. Mon temps sera bien occupé de mai à novembre. La belle vie espérons que la température sera belle.

Infusion

            On a eu un été de rêve. Pour tout le monde. Du beau temps le jour, un soleil radieux, et de la pluie régulièrement la nuit. La verdure est riche et florissante, les agriculteurs sont contents, les gens ont le sourire facile. L’automne s’annonce tout aussi radieux. Pour moi le temps le plus agréable de l’année s’en vient. Frais la nuit, pas trop chaud le jour, le bonheur total. La période d’été a dépassé, et de loin,mes espérances. J’ai fait de nombreuses expéditions de pêche, seul ou avec d’autres. Mes activités nautiques se sont très bien financées. J’ai eu de belles journées avec mes amis sur l’eau. J’ai mangé régulièrement de l’excellent doré et achigan. En prime, ou est-ce l’effet de la pêche et de l’occupation, j’ai eu un répit appréciable des pensées morbides. Mon humeur stable s’est maintenue tout l’été et mes réveils étaient agréables. J’ai vraiment eu une période où l’harmonie a régné. En terme de psychiatrie j’ai passé une période euthymique, de laquelle je n’ai pas encore émergé. Pendant ce temps, j’ai très peu fait de ménage dans l’appartement, j’ai fait l’essentiel pour la salle de bain, la litière du chat et la vaisselle de temps en temps. Un vrai appartement de célibataire pas trop précautionneux. J’ai passé mes journées sur le quai ou en chaloupe, ne venant à l’appartement que pour manger et dormir.

            Il y a de la poussière partout. J’ai laissé les fenêtres ouvertes tout l’été. La grande circulation des gens qui vont au quai, nuit et jour, soulève des nuages de poussière de la rue. C’est décidé, je vais remettre à demain le ménage de l’appartement. On annonce une période de pluie et de vent. J’en profiterai pour faire le ménage. En attendant une dernière journée de pêche tranquille.

            Est-ce la température? Est-ce la fin de ma période bénie? Est-ce tout simplement un changement  hormonal? Est-ce un juste équilibre à ma maladie? En tout cas dès le réveil je me sens abattu. Les pensées sont sombres et le cerveau se débat dans un marasme gluant. Vite le café. C’est curieux comment les changements d’humeur arrivent brusquement. C’est presque toujours au réveil que je sens que mon humeur a changé. Il n’y a pas vraiment de transition. C’est brusque, je me couche le soir dans un état et je me réveille le matin autrement. Longtemps, je me suis demandé si c’étaient les événements qui causaient mes états ou si c’était mon humeur du moment qui influençait ma perception de ceux-ci. A posteriori j’ai tendance à croire que c’est moi qui crée la perception de la réalité. La médication m’a grandement aidé à devenir plus zen. La plupart du temps, quand je ressens un début d’émotion, au lieu de partir sur mes grands chevaux, ma raison embarque et je relativise les faits. Je m’emporte rarement pour un détail ou un contrariété maintenant. En tout cas c’est beaucoup plus facile de vivre en société.

            La salle de bain récurée de fond en comble, brille d’un éclat sanitaire. On jurerait que je viens d’emménager dans une salle de bain rénovée. Le bruit de la pluie forte qui tombe dehors, crée une ambiance propice au sommeil. Je vais faire l’époussetage du salon et j’irai m’étendre après. Il faut battre le frère pendant qu’il est chaud. Armé d’un plumeau synthétique et d’une bonbonne de poli à meuble, j’entreprends la corvée allègrement. J’ai passé trois coins au crible, lorsque j’arrive au cube. Resté à l’endroit où je l’avais déposé lors de ma trouvaille, il a occupé son espace docilement, sans ostentation. Une surprise m’attend. Aucune poussière. Alors que tout le salon était recouvert d’une bonne couche, là, dans ce coin, aucune trace. Même le tapis, sur une distance d’un bon pouce tout le tour du cube, était immaculé. Rien, pas de fils d’araignées, pas de poussière, pas le moindre bout de fil ou de sable. Curieux, j’inspecte visuellement tout le tour du cube et je ramène mon regard sur celui-ci. Encore la poignée, immaculée, la coupole inversée bien nette, l’apparence liquide du revêtement extérieur. Une couleur noire parfaite, chatoyante mais non réfléchissante. Je prends le cube et je l’amène à la lumière du jour, dans la cuisine. Une percée de soleil, entre les nuages, éclaire violemment la pièce. Aucune réflexion sur le cube. Aucun point d’intensité de lumière. Comme s’il absorbait totalement celle-ci. Allumant une cigarette, je regarde le cube et m’aperçois que dans le rai de lumière pénétrant de la porte patio dans l’air, autour du cube, il n’y a aucune poussière visible. Comme si le cube l’aspirait. C’est peut-être un nouveau type de purificateur d’air? L’électricité statique attire les particules de poussière. Mais, règle générale il faut essuyer régulièrement l’objet pour le nettoyer. Là, le cube est impeccablement propre. En y réfléchissant bien, ce ne peut être un purificateur d’air efficace car le salon croulait sous la poussière. Une bonne couche recouvrait les meubles et le tapis, sauf autour du cube. C’est intrigant mais la fatigue de la journée à faire le ménage me rejoint. Je ramène le cube à sa place originale et je vais m’étendre pour faire un beau dodo bien mérité.

            Ça doit bien faire deux semaines que le cube est à sa place, tranquille, immuable. L’étrangeté de l’objet me revient en mémoire. Je vais regarder autour. Toujours aussi impeccable. Des traces de poussière commencent de nouveau à s’accumuler sur les meubles. Vraiment curieux comme phénomène. Si je pouvais percer le phénomène du cube, peut-être pourrais-je bâtir un purificateur-éliminateur de poussière. Il y aurait une fortune à faire avec ça. Je passe un linge doux sur la surface du cube. Le linge en ressort parfaitement propre et sec. Aucun transfert de saleté ou de poussière. Ça fait pourtant presque 5 mois qu’il est là. Il y a évidemment un phénomène électromagnétique sous-jacent. Il repousse la poussière peut-être. En tout cas il y a un phénomène à explorer. Je prends le cube et je l’amène à proximité du sofa où je m’assieds. Je passe la main sur toutes les faces du cube, le lève dans les airs et regarde dessous. Totalement uniforme. Sauf pour la poignée sur le dessus, le cube est parfaitement lisse et uniforme. C’est comme s’il avait été coulé d’un morceau et poli à la perfection. Il n’y a aucune trace de ligne de coulée ou d’imperfections du matériau si facile à voir dans tous les objets moulés. Je saisis la poignée et j’essaie de dévisser. Un léger mouvement, tout d’abord, puis un peu plus appuyé. Ça y est ça bouge. J’ai tourné la poignée à l’inverse du sens des aiguilles d’une montre et elle m’est restée dans la main.

            Je me lève, tenant toujours la poignée. Je regarde le cube et soudain un phénomène étrange se produit. De fines lignes zébrées rouge se déplacent sur le cube dans tous les sens, sur toutes les faces. J’essaie de remettre la poignée à sa place mais rien n’y fait. Elle me reste dans la main. Le cube n’en veut pas. Je mets la poignée sur la table d’appoint à côté du sofa. Le cube, entre le sofa et la table à café, est parcouru par les fines lignes en mouvement, dans tous les sens. Je saisis le cube à deux mains et essaie de le ramener dans son coin. Pas capable de le déplacer. Il est d’une pesanteur incroyable. Je suis bâti pour déplacer les armoires mais là toute ma force n’y peut rien. Pourtant il ne pesait que 5 ou six livres quand je l’ai emporté. Tout à l’heure, quand je l’ai pris dans le coin il n’était pas pesant.

            C’est complètement abasourdi que je m’en vais dans la chambre à coucher pour m’étendre et regarder la télévision. J’ai de la difficulté à me concentrer sur l’émission. Mes pensées dérivent continuellement vers le cube. Je finis par éteindre la lumière et le chat grimpe sur moi pour sa session de caresses quotidienne, avant que je m’endorme. Peu importe où est le chat, à toutes les fois que je m’installe pour dormir, il vient sur ma poitrine, et je le caresse plus ou moins longuement. Ça fait partie du rituel. En tout cas, ce chat vient me voir à tous les soirs, et j’aime ça. Son doux ronron me porte à dormir.

L’impossible

            C’est le cerveau embrumé et les pensées au point neutre que je m’éveille lentement. Je vais dans la cuisine préparer mon café salutaire. J’existe en attendant que la cafetière fasse son œuvre. Deux ou trois gorgées de café plus tard, je sens la vie reprendre en moi. Tout à coup le cube me revient à l’esprit. Survoltage instantané. Je vais au salon, la tasse de café à la main, et j’allume la lumière. Le cube a blanchi. Pour être exact, le cube est maintenant totalement blanc, de la base jusqu’au trois quarts de sa hauteur, et la démarcation du blanc au noir est franche et contrastante. Il y a encore des lignes rouges qui parcourent la partie noire du cube. Est-ce vivant? Mais non, c’est impossible. C’est un objet inanimé. Mais qu’est-ce que veut dire ce changement de couleur? J’ai chaud. J’ouvre la porte-patio et je m’assieds sur la chaise à côté de celle-ci. J’ai dormi 6 heures. Le cube a pris ce temps pour faire le ¾ de l’ouvrage. Donc il devrait avoir fini dans deux heures, soit vers 8 heures ce matin. On verra.

            Je vais au dépanneur me chercher du pain pour le déjeuner. Ce qui devait me prendre 5 minutes a duré presque 3 heures. Daniel, le dépanneur, avait plein de questions à me poser, au sujet de sa comptabilité. Je lui ai montré à tenir ses livres lui-même. Il est logique, intelligent et il comprend bien ce qu’il fait. Mais quand il embarque dans les détails il est intarissable. Il faut décortiquer le sujet de fond en comble. C’est le fun pour moi, parce que ça me ramène au temps où j’enseignais. J’ai une grande patience pour expliquer aux esprits allumés et curieux. Les gens qui veulent comprendre un sujet et même le maîtriser m’allument. J’adore discuter.

            En entrant dans l’appartement, j’ai une surprise. Plein de papiers et d’objets jonchent le sol. Que s’est-il passé? Je dépose mes achats sur la table et je vais voir au salon. Le capharnaüm est indescriptible. Un tornade est passée dans mon salon. Mais ce n’est que le début de la surprise. Il y a deux cubes blancs totalement blancs, séparés de 10 pouces l’un de l’autre. Identiques sauf qu’un des cubes a une poignée et l’autre pas. Autre surprise. La table à café a presque toute disparue. Il n’en reste qu’un bout comme si un géant avait pris une grosse bouchée de la table. Les ¾ de celle-ci a disparu. Tu parles d’une surprise. Mes neurones, passés la stupéfaction, synapsent à toute allure. Ça vire la-dedans. Les questions affluent à un rythme effréné. On respire. Doucement. Reprenons nos esprits. Je vais à la fenêtre et je regarde dehors. Je reprend tranquillement le contrôle de mon cerveau. Il y a déjà plusieurs pêcheurs sur le quai. Le soleil est bon, malgré le froid relatif de ce mois de novembre.

            Je reviens au cube et m’assieds sur le sofa. Réfléchissons. Que s’est-il passé? Il y a maintenant deux cubes. Pourquoi? Il s’est reproduit. Mais comment est-ce possible? Le premier cube a créé un deuxième à partir de la matière qui l’environne. L’état de l’appartement démontre bien qu’il y a eu un grand souffle qui a dévasté la pièce. La seule explication logique qui me vienne à l’esprit c’est que le cube manipule la matière et a produit un double à partir des éléments qui l’entourent, air, objet et tout. Ils prend les molécules qui sont dans l’environnement pour créer un double de lui-même. Mais le cube était noir et maintenant il est blanc. Pourquoi? Aucune idée. À moins qu’il se vide de sa substance pour créer l’autre. Non. Ce serait plutôt se vider de son énergie. Le processus est violent, donc probablement presque instantané. Quelle semble être la séquence des événements?  Je tourne la poignée dans le sens contraire, celle-ci me reste dans la main. Démarre le processus de copie, et des lignes zébrées parcourent le cube. Ça dure environ 8 heures puis pouf! Un autre cube. Les deux sont blancs. Un a une poignée et l’autre pas. Essayons de remettre la poignée dans sa coupole. Je prends celle-ci qui est demeurée sur le meuble et j’essaie de la remettre en place.  Une légère force guide ma main et la poignée refait corps avec le cube. J’essaie de la tourner mais rien ne se passe. C’est solide. Ni dans un sens, ni dans l’autre. Je ne sais quoi penser. C’est fabuleux. Je crois bien que je n’en suis qu’au début des surprises avec ce cube. Devrais-je dire avec ces cubes?

            Le ménage de l’appartement m’a pris 3 heures, pendant lesquelles mon esprit a vagabondé dans les avenues les plus tordues. Ma grande consommation de romans de science-fiction m’alimente en questions et en réponses les plus farfelues. J’inspecte maintenant les deux cubes et je m’aperçois qu’ils sont tous les deux noirs, de la base à environ 1/8 de leur hauteur. C’est franc, net et uniforme. L’inverse du processus de duplication. Les cubes sont en train de se charger d’énergie. C’est tout ce que je vois comme explication. À partir de quoi puisent-ils leur énergie? Mystère. Mais ça peut être à partir de la lumière, de la matière, du rayonnement magnétique ou gravitationnel, et pourquoi pas des neutrinos, particules dotées d’une grande quantité d’énergie? Une chose s’impose lentement à mon esprit. Ça commence par une sensation nébuleuse, puis ça se précise pour devenir une évidence. Ce n’est pas terrestre. Wow! Rencontre du deuxième type et demi. Est-ce possible? D’un côté l’évidence montre que cet objet se moque de la théorie des champs unifiés d’Einstein. C’est un application directe de toutes les lois connues de la nature. On joue avec la gravité, le cube est très léger en temps normal, on joue avec la force électromagnétique,  pas de poussière et on joue avec la force faible et la force nucléaire, transformation des molécules pour créer le deuxième cube. C’est bien loin au-dessus de la compréhension actuelle du monde. Et des années-lumières en avant de notre technologie. Comme on le constate l’objet est constitué à la molécule, à l’atome et même au quark près. Voilà qui explique pourquoi le cube est si bien manufacturé.

            Curieusement je ne suis pas transporté. J’accuse le coup admirablement. L’évidence de ce que je suppose est telle que c’est tout simplement l’acceptation d’un fait réel. Et maintenant, que vais-je faire? La première question qui me vient à l’esprit est celle-ci. Pourquoi des extra-terrestres se promèneraient-ils avec un cube qui peut faire des bébés? Dans un vaisseau spatial la place est tellement restreinte que l’on n’emporte que des choses utiles, voire extrêmement utiles. La deuxième question consiste à me demander comment est arrivé ce cube dans la baie de Vaudreuil? Questions fort judicieuses mais insolubles pour tout de suite. Je ferai des recherches internet sur la deuxième question. Pour ce qui est de la première, étant donné la puissance soupçonnée de l’objet et aussi vu sa provenance, il me faut procéder à l’expérimentation dans des conditions sécuritaires et secrètes. Pas question de causer un effondrement du building avec mes expériences. Mais où aller? Comment procéder? Il me faut un endroit retiré, peu passant et accessible où je disposerai du temps pour effectuer mes recherches.  C’est difficile de trouver un endroit qui rassemble toutes ces qualités. Puis, soudain, je pense au chalet de mon oncle au grand lac Wayagamack, près de La Tuque. J’appelle mon oncle.

  • Bonjour mon oncle, c’est Benoît.
  • Bonjour Benoît. Comment ça va?
  • Moi ça va très bien et vous?
  • Très bien moi aussi mais l’état de ta tante ne s’améliore pas. L’alzheimer  fait des ravages. Ma tante en est au milieu du processus. Ce qui veut dire qu’elle a souvent des accès de conscience qui la font désespérer de sa condition et des affres qu’elle fait subir à son entourage.
  • Que c’est triste. Puis-je faire quelque chose? Vous offrir un petit répit d’une couple de jours pour vous reposer?
  • Non, Ça va bien. Merci. Mais pourquoi m’appelles-tu?
  • Votre chalet à La Tuque est-il fermé pour l’hiver?
  • Non. Pas encore je n’ai pas eu le temps de m’en préoccuper. De toute façon c’est le cadet de mes soucis.
  • Si vous voulez bien je voudrais l’occuper pour l’hiver.
  • Il n’est pas conçu pour ça.
  • Oui mais avec du bois en masse et du gaz on devrait pouvoir passer un hiver à la dure comme dans le bon vieux temps. La structure est solide et les murs épais. Avec le foyer et la truie on devrait pouvoir vivre agréablement tout l’hiver. J’ai toujours voulu passer l’hiver dans les bois. Ça serait une bonne occasion. Je veux écrire un livre et je crois que la solitude m’aiderait.
  • Qu’à cela ne tienne. Fais comme tu veux. Les installations sont propres et tu peux en profiter tout le temps que tu voudras, Dans le fond tu me tires une épine du pied.
  • Merci mon oncle. J’en prendrai grand soin. La clé est toujours à la même place?
  • Et oui. Dans la poignée de la porte ah ah.
  • Bonne chance mon oncle et n’hésitez-pas en cas de besoin. Je suis toujours là.
  • Merci et à la prochaine. Bonne saison de retraite.

            Une chose de réglée. J’ai un endroit. Planifions notre hiver maintenant. Il faut que j’appelle Pierre. Je ne peux penser que je passerai seul ces heures dans le bois.

  • Bonjour Pierre.
  • Bonjour Benoît. Comment ça va?
  • Très bien merci et toi?
  • Très bien.
  • J’ai une proposition pour toi.
  • Ah! oui? Laquelle?
  • Que dirais-tu de passer l’hiver dans la forêt au bord d’un lac dans les montagnes du nord?
  • Hein!
  • Ça surprend ce matin non?
  • Mets-en. Mais qu’est-ce qui te prend?
  • Le chalet de mon oncle n’a pas été fermé pour la saison. Ma tante ne va pas bien. J’ai alors pensé que je pourrais passer l’hiver en forêt, comme ça fait longtemps que j’y pense. Je peux donc saisir l’occasion et je me demande si tu voudrais venir avec moi.
  • Pourquoi pas?
  • J’ai rien de prévu pour un bon bout de temps. A bien y penser ce serait une belle expérience. Aura-t-on la TV et le téléphone?
  • Je crois que les cellulaires fonctionnent au chalet, que le signal entre il y a une tour pas loin. Pour ce qui est de la TV il n’y a pas l’électricité mais on peut facilement s’arranger avec une génératrice et une antenne parabolique.
  • Combien ça va coûter tout ça? J’ai pas d’argent comme tu sais.
  • Et si je te disais rien. On partagera les frais de nourriture et pour le reste je m’arrangerai. Mon oncle nous passe le chalet pour rien.
  • Quand veux-tu y aller?
  • Le plus vite possible pour faire livrer le bois, le gaz et faire une provision d’essence. De plus on a beaucoup d’achats à faire pour emmagasiner ce dont nous aurons besoin.
  • Dans le fond, je n’ai que ma valise à faire. Je peux faire les quelques téléphones nécessaires pour avertir mes sœurs  et mon fils. Disons que nous pouvons partir demain.
  • D’accord je passe te prendre vers 6 heures demain matin. On devrait être là-bas vers 2 heures de l’après-midi.

            Sur mon ordinateur j’effectue un transfert de 15 000$ de ma marge de crédit vers mon compte avec opérations. Je dispose donc de 12 000$ sur ma carte de crédit et de 17 000$ dans mon compte, ce qui fait 29 000$. De ce montant enlevons 6  000$ Pour les dépenses courantes pré-autorisées pour les 6 prochains mois. J’ai donc un budget net de 23 000$ pour l’hiver. Je passe le reste de l’après-midi à régler des détails d’intendance pour avoir l’internet accessible de mon portable par le réseau cellulaire, à faire des listes d’effets et de choses à emporter et à planifier l’occupation du chalet de mon oncle.

Dans la Nature

            Le voyage s’étant bien passé, l’installation première dans le chalet ayant procédé promptement et le tour du propriétaire n’ayant pas révélé de problème préoccupant, nous avons passé deux semaines à parcourir La Tuque afin de nous procurer tout ce dont nous avions besoin. Nous avons fait livrer 10 cordes de bois de poêle sec, 5 bonbonnes de gaz pour le poêle et l’éclairage, nous n’aurions pas besoin du réfrigérateur au gaz, acheté une génératrice de 5000 watts, un télé grand écran (on ne se refuse aucun luxe) et nous avons une provision de plusieurs fûts de 45 gallons d’essence, pour la génératrice, le véhicule et la motoneige que nous avons achetée d’occasion. Un vieux modèle lent mais fiable. Une bonne provision de courroies de transmission et de bougies pour celle-ci. Bien entendu nous avons acheté un  tas de provisions pour subsister une bonne partie de l’hiver, sans avoir à revenir à La Tuque, au moins jusqu’à février pour le luxe et mai pour le nécessaire. Le budget a été amputé de 15 000$. C’est pas si pire. Je m’attendais à un peu plus de dépenses. Il me reste 4 000$ de marge sur la carte de crédit et beaucoup d’argent, compte tenu des dépenses prévues, dans le compte de banque. J’ai donc l’esprit tranquille pour l’hiver. Tout a été prévu.

            Au coin du feu du foyer, le chat sur les genoux, je devise lentement avec Pierre, le chuintement de la lumière au gaz nous apaisant. Bientôt Noël. La neige est arrivée et nous avons laissé l’automobile au chalet d’hiver du gardien. Le chemin sera entretenu tout l’hiver jusqu’à ce point. Ce qui fait que nous avons un trajet de deux kilomètres à faire en motoneige pour rallier celui-ci. À part que de s’occuper des intendances nous avons peu échangé Pierre et moi. C’est un compagnon agréable, pas compliqué, qui aime faire à manger et s’occuper des tâches de la vie quotidienne. J’ai réussi à contenir mon enthousiasme et mes pensées pendant tout ce temps. Maintenant que nous sommes bien installés, que le chalet nous procure un havre salutaire contre les éléments et que la paix règne dans  les montagnes, il est temps d’informer Pierre de l’objet de notre séjour ici. Pierre n’est pas curieux et c’est quelque chose qui m’a bien servi jusqu’ici. Alors jetons-nous à l’eau.

  • Comment penses-tu occuper ton temps maintenant Pierre?
  • Que veux-tu dire Benoît?
  • Et bien comment vois-tu l’hiver à venir, perdu dans les bois?
  • Tranquille. Lire, écouter la TV avec le satellite que nous avons acheté, prendre des marches dans la nature, me promener sur le lac, pêcher sur la glace et plein d’autres choses.
  • Aimerais-tu participer à une expérience unique, vraiment hors de ce monde?
  • Que veux-tu dire?

            Et j’explique tout de mon aventure avec le cube. De sa découverte aux manifestations dans mon salon. Comment j’ai conçu le plan de venir ici pour m’isoler dans mes expériences. J’ai parlé que je craignais les manifestations du cube mais que, si nous étions prudents, nous pourrions trouver les utilisations de celui-ci, vu l’importance qu’il doit avoir pour faire partie de l’équipement d’un vaisseau spatial. Pierre accuse le coup de façon beaucoup plus raisonnable que je m’attendais. Il a écouté, posé très peu de questions, marché quelque peu de long en large en m’écoutant.

  • C’est fou. Complètement fou.
  • Fou comme dans…
  • Inattendu. Si tu dis vrai, et tu ne m’as jamais menti, tout ce que tu dis peut être relié à ta maladie. Tu as imaginé tout cela et tu es sur un fabuleux high de ce temps-ci. Et tu dis que ça dure depuis combien de temps?
  • J’ai découvert le cube au début mai. As-tu remarquer le moindre signe de dérangement chez moi cet été?
  • Non. Au contraire, j’ai trouvé que tu étais calme et raisonnable. Je pensais que tu étais dans une bonne phase.
  • Et je l’étais. Ce n’est qu’il y a quelques semaines que j’ai découvert le pot-aux-roses. Mais malgré tout je ne suis pas parti en peur. J’ai agi de façon très raisonnable et raisonnée. Sauf ce qui est d’emprunter 20 000$ pour passer l’hiver ici. Ce n’est pas très sain financièrement.
  • Non, en effet. Mais je me suis dit que tu avais toujours fait ce que tu pouvais pour réaliser tes rêves. Que ce n’était qu’un pas de plus et je t’envie de pouvoir faire cela. Jamais je n’aurais osé.
  • Bah! C’est une seconde nature pour moi. Ce qui me surprend c’est que je sois pas parti sur une balloune. Ce qui tend à prouver que ce ne sont pas les événements qui me tourneboulent mais bien mon système qui a ses ratés.
  • Et comment as-tu prévu procéder à tes expériences?
  • On peut déposer le cube dans la clairière du stationnement et procéder aux expériences. Il y a une bonne distance du chalet. Si mes suppositions sont justes, l’effet du cube ne peut être si étendu vu qu’il est dans un vaisseau spatial, pas si grand vu les témoignages dont on a eu vent par les gens qui ont vu des soucoupes volantes.
  • Ça fait du sens, en autant qu’on peut utiliser ce mot, dans le contexte. Quand veux-tu commencer?
  • Demain. J’ai hâte de commencer mais je suis calme. C’est nécessaire de procéder de manière réfléchie et méthodique. Ça fait un bout que je réfléchis au protocole d’expérimentation et je crois avoir fait le tour de la question. L’important c’est que l’on doit y aller lentement, précautionneusement et ne pas s’emballer peu importe les surprises.
  • Tu as raison. Mais le surréalisme de la situation me pénètre lentement. Si ce que tu dis est vrai? C’est une découverte dont les conséquences sont nombreuses et incalculables. Ça m’étourdit.
  • Moi ce qui me surprend, c’est que j’ai pas perdu les pédales. J’en reviens pas d’avoir réagi de façon aussi ordonnée. Aussi calmement.
  • Ça ne me surprend pas tant que ça. C’est d’ailleurs le point qui me surprend le moins. Tu as posé beaucoup de gestes hors du commun dans ta vie. Le fantastique ne t’as jamais surpris.
  • C’est peut-être vrai. Mais en tout cas, je suis certain que nous vivons une période extraordinaire et que nous en sommes quittes pour de bonnes surprises, du moins de grands étonnements.

            Perdus dans nos pensées nous nous occupons du feu et de partir la truie pour la nuit. En fait ce n’est pas une truie. Mais un poêle à combustion lente de grande qualité. Mon oncle a vraiment équipé ce chalet avec ce qu’il y a de mieux. Nous allons passer l’hiver dans un grand confort et non pas à la dure comme je l’avais pensé. Sur ce, bonne nuit en préparation des moments les plus excitants de notre existence.

Expérimentation

            Le lac a enfin gelé d’un bord à l’autre. Tout est blanc. Bientôt on pourra circuler en ligne droite dans tout le territoire. Nous déjeunons d’œufs et de bacon. Les derniers œufs frais que nous possédons. Il faudra se rabattre sur les œufs manufacturés pour un bon moment, jusqu’à ce que nous allions faire des emplettes à La Tuque. C’est donc l’estomac bien ancré que nous installons le cube au centre de la clairière. Le temps est froid et un peu plus sec maintenant que le lac a gelé. Le soleil brille dans un ciel sans nuage. Des conditions parfaites où nous nous tenons prêts à procéder.

  • Et on fait quoi, Benoît?
  • Tout a commencé quand j’ai tourné la poignée dans le sens inverse de l’horloge. Essayons le contraire et on verra.
  • Et je fais quoi moi?
  • Tu te tiens loin et j’espère que tout ira bien.
  • Je vais m’installer avec la caméra sur le perron du chalet et observer ce que tu fais. Je prendrai des notes comme ça on aura le détail des actions et des réactions. Parle fort pour qu’on t’entende bien.
  • D’accord alors avertis-moi quand tu sera prêt.

            Le moment fatidique est arrivé. Je tourne la poignée dans le sens voulu et celle-ci après un petit effort du poignet obéit au mouvement pour se bloquer doucement sur la face adjacente du cube. Moment surprenant par  excellence. Rien ne se passe de visible ou d’audible. Je regarde Pierre et celui-ci part d’un éclat de rire. Je fais le tour du cube et oh! Surprise, un changement s’est opéré sur la face opposée du cube. C’est comme si un petit pan du cube avait coulissé vers le haut. Une surface rectangulaire est située au 2/3 du cube et mesure à peu près 2 pouces sur 8 pouces. Il y a trois marques de couleur différentes. Un cercle rouge, un carré vert et un triangle bleu.

  • Viens voir Pierre. Amène la caméra.
  • Qu’y a-t-il?
  • Viens voir. C’est fabuleux. Ce que j’espérais de toutes mes forces.
  • Qu’est-ce que c’est que ça? Le cube était lisse tout à l’heure.
  • Oui et là il y a un panneau de contrôle. Un menu principal. Non. Le menu principal c’est la poignée. Là on a un menu secondaire, proposant trois possibilités d’actions. Le cercle, le carré et le triangle.  As-tu bien pris avec la caméra Pierre?
  • Oui oui ne t’inquiète pas. Et que fait-on maintenant?
  • On essaie un choix. Mais lequel? As-tu une suggestion?
  • Je suis sidéré. Je retourne à mon poste d’observation et je te laisses continuer.
  • La vertu est dans le milieu. Je vais donc essayer le carré vert. Dis-moi quand tu seras prêt.

            Comme je m’apprêtais à presser le carré vert, le panneau de contrôle s’est dématérialisé et la poignée a repris sa position initiale. Oups! Que se passe-t-il? Il y a une minuterie. Le cube offre un choix pendant un laps de temps et si il n’y a pas de choix revient au menu principal. Ça fait du sens. C’est une précaution utile. Du moins ça donne la chance de changer d’idée et de pas se préoccuper de retourner la poignée en avant. Tiens! Où est l’avant et où est l’arrière., le côté droit et le côté gauche? L’avant et l’arrière sont probablement dans l’alignement initial de la poignée. Je retourne la poignée vers la droite et le panneau apparaît de nouveau. Je presse le carré vert et presque instantanément apparaît une grande surface carrée vert pâle remplie de différents objets. Ces objets sont comme groupés en quatre catégories. La surface est d’environ 8 pieds par 8 pieds.

  • Pierre vois-tu bien ce qui se passe?
  • Oui très bien. Je viens de faire un zoom sur tous les objets que contient la surface.
  • Oui. On dirait une nappe. La table est mise. Regardons ce qu’il y a dessus.

            Les deux amis observent minutieusement les objets sur la nappe. Comme observé à prime abord il semble y avoir quatre catégories. Deux plus facilement identifiables et deux complètement insignifiantes, dans le sens de signifie pas grand chose.  La première catégorie facilement identifiable est la nourriture. Il y a un très beau steak de côte fumant d’une épaisseur appréciable et grillé à la perfection avec les marques et tout, il y a une pointe de tarte qui semble aux pommes et qui fume dans l’air froid, donc elle semble chaude,  et il y a d’autres choses de différentes formes et couleur. Il y a ce qui paraît être des oranges, des pommes et, pour ce qui est du reste de la catégorie, des choses complètement inconnues, mais en bonne quantité.

  • De la nourriture.
  • Oui c’est un très beau steak. Et là des vêtements. Un bleu, un rouge, un blanc, et un noir.
  • Oui en effet. On a droit au dessin de la silhouette des extra-terrestres. Il ont une tête, un cou, un corps et quatre membres comme nous. La taille est minuscule cependant. Le vêtement doit être extensible et s’adapter; à toutes les tailles. Ça tombe sous le sens. Mais je n’ai pas de certitude pour les deux autres catégories.
  • Que veux-tu dire?
  • Je crois que ce que j’aurais besoin de plus que de la nourriture et des vêtements, c’est d’outils et d’armes. Lequel est lequel il faudra agir avec une grande prudence.
  • Oui en effet. Tu as probablement raison. Qu’est-ce qu’on fait?
  • On emporte tout dans le chalet. Il ne faudrait pas perdre ces objets. Ils doivent avoir une utilité certaine.

            Aussitôt dit, aussitôt fait. Les deux compères mettent leur trésor à l’abri et prennent place à table pour goûter au steak. Celui-ci est aussitôt  déclaré digne du meilleur chef rôtisseur. Excellent. Repensant au cube,  Benoît sort pour aller le chercher. La nappe a disparue, et la poignée a repris sa place. L’avant est maintenant identifié par la face où est apparue la nappe et l’arrière la face opposée. Bien entendu le panneau de contrôle a aussi disparu. Le cube est là, dans un état parfait et attend les ordres. Benoît saisit la poignée et emporte le cube dans le chalet. Assez de surprises et d’expérimentation pour aujourd’hui. Tirons toute la substance de ce que nous avons fait.

  • Je suis fatigué Pierre Je vais aller me taper un petit somme si je suis capable.
  • Bon somme. À tout à l’heure. Veux-tu que je te réveille ou préfères-tu que je te laisse aller si tu dors?
  • Laisse-moi aller. Mon cerveau a besoin de temps pour absorber le tout. De toute façon si je ne dors pas dans 15 minutes, je me lèverai.
  • D’accord. Je vais partir la génératrice pour regarder la TV. Est-ce que je dois faire charger ton portable?
  • Oui. De toute façon branche toujours le portable quand tu pars la génératrice. Comme ça il sera toujours chargé à bloc. Merci.
  • Bon somme.

            Le soir, à la lumière du feu de foyer uniquement, nos deux amis discutent paisiblement en prenant un bon verre de porto. Grosse récompense pour les résultats de la journée. Le chat, roulé en boule sur le tapis devant le foyer, dort paresseusement en se faisant chauffer la toison. Le sommeil d’après-midi a duré longtemps. Benoît ne s’est éveillé que vers sept heures du soir. La noirceur de décembre étaient tombée au moment le plus tôt de l’année. En effet nous étions au solstice d’hiver. Quelques jours avant Noël. La nuit était sans lune. Les nuages sombres avaient envahi le ciel et une tempête s’annonce pour la nuit ou la journée de demain. C’est que dans les montagnes le mauvais temps vient vite, on ne le voit pas venir de loin.

  • Benoît, où en es-tu dans tes pensées?
  • Je crois que je suis prêt pour un exercice de synthèse si tu es prêt pour un discours magistral.
  • Vas-y.

            Et Benoît de partir dans un long monologue. Tout d’abord le cube est bien d’origine extra-terrestre. Dans le groupe des aliments, dont je suis certain qu’ils sont tous plus goûteux et nourrissants les uns que les autres,  il y a une variété de nourriture dont une grande partie nous est inconnue. La nappe contient tout ce dont un individu a besoin pour une expédition dans l’espace. Cependant je ne crois pas que ce soit un véhicule interplanétaire ou du moins pour une très longue expédition. C’est plutôt un équipement pour une période d’exploration. Tout ce dont on a besoin à court terme se retrouve sur la nappe. Une civilisation qui possède une telle technologie doit avoir une immense avance sur nous. Peut-être a-t-elle atteint un niveau où nous ne pouvons qu’imaginer les balbutiements. Deuxièmement, les choses sur la nappe sont d’une utilité certaine. Mais elles ne couvrent pas l’ensemble des besoins d’une personne. Si on se base sur la théorie des besoins de Maslow, la nappe convient fort bien aux deux premiers niveaux. De la nourriture, des vêtements pour se protéger des éléments, probablement des outils pour pallier aux pannes mécaniques et finalement des armes pour assurer la sécurité. C’est ce que je crois être le plus vraisemblable. Je n’ai aucune idée de quoi peut être impliqué dans l’utilisation du cercle rouge. Mais j’ai mon idée pour le triangle bleu. Il suffit de penser en trois dimensions. Avec toutes les théories ésotériques et toutes les rumeurs, l’obligation de se guérir de maladies ou d’accidents de parcours, je crois que le triangle est en fait une pyramide dont le pouvoir serait l’équivalent du sarcophage dans le film « La porte des Étoiles ». Ayant la possibilité de manipuler les atomes et les molécules, je vois très bien créer une machine pour guérir le corps. La question semble plutôt être est-ce que ça fonctionne sur un humain? En gros c’est la synthèse que je fais à date à partir des éléments que j’ai.

  • Tu crois vraiment que le cube peut faire apparaître une pyramide?
  • Oui. J’en suis là de mes pensées. Demain on pourra procéder à l’expérimentation.
  • Et que penses-tu de quatre vêtements de couleur différentes?
  • Ils doivent remplir différentes fonctions. Lesquelles, je n’en ai aucune idée. Mais il doit y en avoir une pour l’utilisation normale de vêtement pour la chaleur et le confort et les autres pour d’autres choses. En extrapolant je peux penser à un scaphandre pour les planètes où l’air est irrespirable ou les conditions inclémentes et pour les deux autres je n’ai aucune idée.
  • Comment tu fais pour penser à tout ça? Comment tu penses?
  • Je sais pas. Ça vient tout seul. J’ai un paquet d’éléments dans la tête et je les oublie. Puis je me met à réfléchir et je procède par analogies. J’essaie de comparer les éléments à des choses que je connais déjà. Quand il y a quelque chose qui me trouble ou me préoccupe, je m’aperçois que, souvent, je suis porté à dormir. Le cerveau fait le travail pendant ce temps. Tu sais que je ne me souviens jamais de mes rêves. On dirait que, éveillé, j’ai accès à ce que j’ai travaillé pendant le sommeil. C’est usuel chez moi. Je suis ainsi fait.
  • En tout cas l’idée de la pyramide me séduit. C’est logique et effectivement indispensable en cas de pépin. Sait-on seulement si ils voyagent seuls ou en équipe dans ces soucoupes volantes?
  • La logique voudrait qu’ils soient au moins deux. Pour la même raison que je t’ai appelé pour venir avec moi.
  • Alors pourquoi n’y a-t-il qu’un steak et une pointe de tarte et tout le reste, un seul vêtement de chaque couleur et tout?
  • Parce qu’on peut les faire apparaître à volonté. Les patterns d’atomes sont stockés en mémoire et on les fait se matérialiser à volonté. Il doit y avoir une certaine limite de temps à respecter entre deux opérations. Le temps que le cube se réénergise. En y pensant bien et en observant on devrait pouvoir faire le tour des possibilités et contraintes du cube.
  • Tout un programme. Mais tu ne m’as toujours pas dit ce qui est arrivé au deuxième cube?
  • Le lendemain les deux cubes étaient noirs. Ils pesaient maintenant 5 livres et pouvaient être déplacés aisément.  Il y avait deux profondes démarcations où étaient les cubes blancs. Comme s’ils avaient pesés énormément. J’en ai laissé un à l’appartement et j’ai apporté l’autre ici. Tiens. Tu me fais penser. J’aurais dû le faire tout de suite mais je n’y ai pas pensé. Je vais nous fabriquer une copie du cube. Ainsi tu en auras un et j’aurai l’autre.
  • Excellente idée. Je serais très heureux de posséder mon cube.
  • Qu’à cela ne tienne. Je vais aller le faire immédiatement dehors. Demain nous irons à La Tuque, le temps que les cubes se rechargent. On en profitera pour s’acheter du luxe. Du vin, des œufs, du lait et autres denrées fraîches. Je crois que nos problèmes d’argent sont résolus à tout jamais.
  • Que veux-tu dire? On a tout ce qu’il faut pour subsister indéfiniment. De la nourriture, des vêtements, la santé… et que penser de ce qui reste à découvrir?
  • On verra. En attendant, je suis d’accord pour l’expédition de demain. Direction La Tuque.

Et le reste

            Le voyage à La Tuque s’est bien passé. La randonnée en motoneige pour se rendre au chalet d’hiver du gardien s’est effectuée sans anicroche dans la neige fraîchement tombée pendant la nuit. Celle-ci tombait encore abondamment mais sans grand vent. Le bruit de la motoneige a alerté le gardien. Il est sur le perron pour nous accueillir. Après l’avoir avisé de notre intention d’aller à La Tuque, nous lui demandons si nous pouvons lui rapporter quelque chose?  Il nous a répondu par la négative et nous avons procédé vers le but de notre expédition.

            Au retour, le gardien est encore sur le perron. À croire qu’il n’a pas bougé de là. Celui-ci nous interpelle avec bonheur.

  • Et puis de bonnes emplettes des fêtes?
  • Oui. On a tout ce qu’il nous faut. On a un petit cadeau pour vous. Un carton de cigarettes. Ça va vous changer des rouleuses.
  • Et bien merci.. C’est bien gentil de votre part.
  •  De rien. Que diriez-vous de venir célébrer Noël avec nous? On se ferait un bon gueuleton et on pourrait faire plus ample connaissance.
  • C’est avec plaisir que j’accepte. Je suis habitué à passer mes Noël seul ici. Ça fait 5 ans que je suis gardien l’hiver et je dois dire que certains soirs je me sens seul. Noël est un de ces soirs.
  • Toute beauté. On vous attend après-demain après-midi. Pas besoin de rien emporter, on a tout prévu.
  • J’y serai.

            Arrivé au chalet, les emplettes entrées et placées, je vais jeter un regard aux cubes. Il y en a bien deux et ceux-ci sont à demi noirs. J’en profite pour replacer la poignée sur le cube original et je retourne en-dedans.

  • Tout se passe comme prévu. Demain on essaiera la pyramide.
  • Mangeons et allons nous coucher. Je suis vanné.
  • Moi aussi. Les expéditions sont plus dures à notre âge. Plus qu’on voudrait l’admettre.

            Au réveil, je suis plein d’énergie. Je n’ai pas les idées qui fuient mais je suis bien. Mon plan est clair, il ne me reste qu’à l’accomplir. Je regarde dehors, le temps que le café infuse. La neige recouvre tout de son blanc manteau comme dirait le poète. Je vais à la porte et je m’aperçois que les deux cubes sont noirs. Il n’y a pas de neige entre ceux-ci et tout le tour dans un cercle respectable. Je ne m’attendais pas à ça.

  • Et puis, bien dormi? De dire une voix derrière moi.
  • Oui très bien, merci. Et toi?
  • J’ai fait des drôles de rêves. Tous plus fous les uns que les autres.
  • Ça doit être normal après tout ce qu’on a vécu?
  • En effet. Toujours décidé à faire apparaître la pyramide?
  • Oui. De plus je suis certain d’avoir raison. Rien ne me surprendra cette fois.
  • Attention, c’est enregistré ce que tu viens de dire. Tu paries?
  • Euh! Deux morceaux de robot.
  • Capitaine Cosmos vous allez être surpris, j’en suis certain. Pari tenu.

            Après un bon déjeuner et quelques cafés, les deux hommes s’approchent des cubes et regardent de tous leurs yeux. Dans un cercle d’un pied entourant les deux cubes, il n’y a pas un grain de neige. Le sol est sur le gravier. Il n’y a pas de végétation mais le sol est sec.

  • Pierre, prend un cube et amène-le à l’intérieur. Pendant ce temps je vais faire apparaître la pyramide.
  • Attend-moi Benoît. Je vais sortir la caméra et filmer l’opération. Il nous faut être méticuleux.
  • Tu as bien raison. J’ai hâte de savoir si j’ai fait de bonnes déductions.
  • Tu peux y aller. Benoît dit après s’être placé en position.

            La suite des événements donna raison à Benoît mais le surprit quand même grandement. Un pyramide haute de 10 pieds s’est bien matérialisée. Elle avait environ huit de côté. La surprise est qu’elle était en or solide. Un grosse pyramide confectionnée de briques d’or superposées et agencées à la perfection. Il y avait pleins de marques sur la surface. Toutes ces marques réalisaient un réseau complexe d’inter-connections entre les briques. C’était d’une beauté pharaonique. La pyramide aurait bien trôné au milieu des artefacts égyptiens au musée. À l’avant de la pyramide, une ouverture permettait d’entrer à l’intérieur de celle-ci. Le sol était noir. Il régnait une douce lumière. Les yeux, maintenant habitués à la pénombre, distinguait une forme humaine rose, les bras et les jambes ouverts sur le sol.

  • Et puis? Qu’est-ce que ça dit Benoît?
  • Ça dit que ça confirme ce que je pensais mais que je te dois deux morceaux de robot.
  • Que veux-tu dire?
  • Ça semble bien être ce que je pensais mais je ne m’attendais pas que ce soit en or massif.
  • Qui te dit que c’est de l’or massif.
  • La logique. L’or est un matériau qui est très conducteur, inaltérable et qui se mélange très mal. C’est parfait pour une telle utilisation.
  • OK. Et que fait-on?
  • Je vais m’étendre et attendre.
  • T’es certain?
  • Oui. Vas dehors et attend-moi. Si je ne suis pas sorti d’ici une demi-heure viens voir. Je vais probablement dormir.
  • D’accord. Je vais aller prendre un café. Pendant ce temps je vais laisser la caméra tourner. On ne sait jamais.

            J’entre dans le chalet où Pierre est attablé une tasse de café fumant devant lui et un biscuit sablé dans la main. Il se tourne devant moi et laisse tomber son biscuit.

  • Que t’est-il arrivé Benoît?
  • Rien. Je ne me suis jamais senti si bien.
  • Je comprends tu as perdu au moins 30 livres.
  • Hein! Qu’est-ce que tu dis?
  • Oui. Tu as rapetissé sur l’épaisseur. T’as plus ta bedaine.
  • J’ai eu connaissance de rien. J’ai dû dormir. Ça fait combien de temps que je dors?
  • Pas plus de quinze minutes. Le temps de faire le café et de sortir les biscuits.
  • T’as rien entendu?
  • Rien. Attend-moi je vais aller chercher la caméra et partir la génératrice.
  • Vas-y je vais me changer.

            Pierre et Benoît regarde intensément les images à la télévision. Rien d’extraordinaire n’est visible. Entre le moment ou Pierre est sorti de la pyramide et le moment où Benoît s’en est extirpé pas une secousse. Pas un bruit. Aucune modification. Pas de lueur mystérieuse ou montrant une quelconque activité.

  • Et bien on aura tout vu. Ou on n’aura rien vu.
  • J’ai bien regardé. Il y a treize minutes entre ma sortie et la tienne.
  • Tout se fait en à peu près dix minutes. La question que je me pose maintenant est celle-ci. Suis-je différent mentalement comme je suis différent physiquement?
  • Que veux-tu dire?
  • Suis-je encore bipolaire?
  • On verra. Pour tout de suite y a pas moyen de savoir.
  • Oui. Il y a un moyen. Je vais cesser toute médication. On aura le résultat.
  • Comme ça. Brusquement. Ce n’est pas sain.
  • Si, comme je le pense, je suis guéri, je n’ai pas à prendre de médication. Si je ne suis pas guéri j’aurai un accès de dépression très bientôt et probablement aurais-je un épisode psychotique.
  • Ça veut dire quoi un épisode psychotique? C’est dangereux ça.
  • Pas dans mon cas. Mes psychoses ont toujours des allures grandioses. Faisant appel à la charité et au partage.
  • Ça veut dire quoi psychose?
  • Ça veut dire que je déconnecte de la réalité. Dans le contexte actuel ça serait dur.
  • Et que devrais-je faire si tu faisais une psychose?
  • Juste me faire prendre le médicament antipsychotique. J’écoute toujours et le médicament va faire effet en trois jours.
  • Je suis pas sur.
  • Je vais faire attention à moi et si tu as le moindre doute dis-le moi. Je prendrai alors la médication.
  • D’accord mais tu vas m’écouter?
  • Sans discuter je te le promets, et un éléphant qui promet, tient toujours sa promesse.
  • Qu’est-ce que ça vient faire un éléphant?
  • C’est un vieux gag. Petit je m’étais identifié à un éléphant qui couvait un œuf dans un arbre, malgré le vent et la neige. Dans ce dessin animé il avait fait une promesse à la mauvaise maman canard et il n’arrêtait pas de dire. J’ai promis et …..
  • OK. Mais au moindre signe je t’avertis et tu prends ta médication.
  • Promis, juré.

            Je vais dehors pour faire disparaître la pyramide mais le cube s’en est chargé apparemment. Elle n’est plus là. Il n’y a que l’empreinte de celle-ci dans la neige. Comme si on avait retiré une tente dans l’épaisseur de la neige. Encore là le sol est tel qu’il est en été. Pas le moindre grain de neige. Je vais chercher le cube et le ramène à l’intérieur. Pendant ce temps mes pensées voyagent. Que se passe-t-il dans un soucoupe volante? Ici, sur Terre, il y a plein d’air. Le cube prend les molécules de l’air et de ce qui l’entoure dans un proche rayon. Environ huit pieds devant lui. Le cube semble avoir un effet sur une dizaine de pieds devant lui. La nappe a huit par huit, la pyramide huit par huit, le cercle devrait avoir un effet sur huit par huit lui aussi en toute logique. Quel mystère recèle encore le cube? Je vais me donner du temps pour y penser. Je crois qu’il ne serait pas prudent d’y aller sans une certaine circonspection. Fêtons Noël et apprécions ce qui nous a été donné. Je crois en la bonne fonction du cube mais on ne sait jamais peut-être y a-t-il un os de caché. J’ai été chanceux jusqu’ici.

  • Pierre, fini les expériences pour cette année.
  • Pourquoi?
  • On va fêter Noël avec le gardien demain, on va aller pêcher sur la glace, attraper quelques bonnes truites pour manger, et on va s’amuser un peu. C’est le temps des fêtes. Aussi j’ai besoin de réfléchir. Je veux explorer c’est quoi les possibilités pour le cercle. J’ai pas d’hypothèse et ça me fatigue. Je suis certain que quelques jours me permettront d’y voir plus clair.
  • Je suis bien d’accord. En attendant on peut bien voir ce qu’il y a sur la nappe. Goûter à ces choses inconnues.
  • Oui. Tu as raison. Et il faut trouver l’utilité des vêtements.
  • On verra ça demain. Planifions notre journée de Noël. Que va-t-on manger?
  • Des steaks de côtes. Je suis sûr que le gardien n’en a pas mangé d’aussi bons depuis longtemps. Des œufs farcis comme entrée avec des crudités et il faudrait bien faire un gâteau pour dessert. On a tout ce qu’il faut pour faire un gâteau au chocolat.
  • Je m’occupe de tout. Sauf du gâteau. Je ne sais pas comment le faire sur un poêle au gaz.
  • Je vais partir le poêle à bois dans la cuisine d’été. On se servira du four.
  • Pas de problème part le four et je m’occupe du gâteau. Il y a une chose que j’aimerais.
  • Quoi?
  • Du vin. Je n’ai rien dit mais ça me manque un peu.
  • Pas de problème. J’irai en chercher demain à La Tuque. Du bon. Tu sais que j’adore le goût du vin mais qu’à cause des pilules je me suis toujours retenu d’en prendre. Demain je vais m’essayer et voir si la dépression suit. Je me sens assez fort pour la combattre.
  • C’est comme tu veux. Mais n’abuse pas.
  • Tu sais ce n’est pas une question de quantité. Si le vin a à produire un mauvais effet, un seul verre est suffisant. Mais s’il passe bien trois verres n’y changent rien.
  • On verra.

Noël

            J’arrive à la maison du gardien. Je cogne à sa porte et il m’ouvre.

  • En forme?
  • Oui je vais très bien.
  • Je ne me rappelle plus ton nom. C’est quoi?
  • Jules. Jules Garnier.
  • Moi c’est Benoît. Benoît Toupin. Mon ami c’est Pierre Bettez.
  • Bon. Pierre et Benoît. C’est correct.
  • Je vais à La Tuque à la régie des alcools. As-tu besoin de quelque chose?
  • J’irais bien avec toi mais je dois rester ici. Le superviseur doit passer me voir. J’ai des comptes à rendre même si on est le 24 décembre.
  • D’accord. Veux-tu que je te rapporte quelque chose?
  • J’aimerais bien un petit flacon de p’tit blanc.
  • Pas de problème je vais t’apporter ça.
  • OK. Quand penses-tu revenir?
  • Quand penses-tu que le superviseur va venir?
  • Sûrement avant-midi. Il va vouloir retourner chez lui au plus vite. Il ne vient que parce que la compagnie l’exige. Il ne sera pas longtemps ici.
  • D’accord. Attends-moi on fera le chemin ensemble pour se rendre au chalet.
  • À plus tard.

            Mes commissions faites, j’arpente les rues en me pénétrant de l’atmosphère de Noël. À la radio les chants d’occasion jouent les uns après les autres. Il est midi passé. J’ai faim. Je vais au restaurant et me commande un sandwich avec une soupe. Puis je retourne à la maison. Jules est sur le perron. Habillé de son uniforme de garde forestier il fume tranquillement une des cigarettes que je lui ai rapportées l’autre jour. Je stationne l’auto à l’écart et je m’approche de Jules en lui tendant son flacon d’alcool. Celui-ci le met dans sa poche. Je lui dis qu’il devrait le conserver à l’intérieur. Nous avons tout ce qu’il faut pour ce soir.

            Nous enfourchons nos machines et progressons lentement, à la vraie vitesse des gens de bois. Pas la vitesse de fou de ces idiots qui recherchent des sensations fortes. Non. La vitesse des gens prudents qui savent que, pour se rendre à bon port, il faut être raisonnable et progresser en fonction des conditions du terrain, et de la machine.

            Au chalet, Pierre nous attend devant la porte. Le bruit des machines, répercuté par les montagnes, l’a averti de notre venue. Nous le saluons allègrement et pénétrons tous dans le chalet.

  • Alors tu as fait de bonnes emplettes?
  • Tu vas être content de mon choix. En passant je te présente Jules Garnier.
  • Enchanté Jules, moi, c’est Pierre. Pierre Bettez.
  • Enchanté.
  • J’ai acheté cinq bouteilles de Château La Garde et quelques bouteilles de carte noir. De plus je T’ai acheté une bouteille de Crown Royal que tu t’achètes tout le temps pour le Temps des Fêtes. Finalement je me suis acheté une bouteille de Drambuie. Des fois que je supporterais l’alcool. Tu sais que c’est ma boisson préférée.
  • Tu as dépensé une fortune.
  • Y a rien de trop beau pour la classe ouvrière. C’est Noël et on fête en grand. Bien entendu j’ai une bouteille d’alcool pour notre ami Jules.
  • J’ai tout préparé pour le souper. On va se régaler. Tout est prêt dans la cuisine d’été qui est maintenant celle d’hiver aussi. Un bon poêle à bois ça fait de l’excellente cuisine.
  • Prendrais-tu un verre d’alcool Jules?
  • Avec plaisir Benoît.
  • Un verre de vin Benoît? Ouvrant la bouteille et se versant une coupe.
  • Certainement Pierre. Passons au salon et profitons du beau feu de foyer que Pierre nous a allumé.
  • À la bonne vôtre.

            Après avoir discuté de généralités au sujet de la forêt, de la politique et de la vie en général les trois hommes passèrent à table. Un bel atmosphère régnait dans le chalet. Même le chat a eu droit à ses petits morceaux de steak. Il était sur le tapis face au foyer, se léchant les babines et se lissant les oreilles avec la patte. Tout le monde était bien repus assis devant le feu, un verre à la main. Le doux chuintement des lampes à gaz meublait le silence de la pièce en produisant une lumière crue et vacillante. Jules était guilleret. Il avait bien entamé sa bouteille d’alcool. Il est un homme au tempérament doux et agréable. Bien au fait de l’actualité et des rapports humains. La conversation prend doucement un caractère plus personnel, plus intime.

  • Qu’est-ce qui fait que tu te perds dans la forêt dans l’hiver comme ça? Je demande à Jules.
    • J’étais camionneur avant. Je faisais du longue distance en Floride et en Californie. Il y a 5 ans j’ai commencé à remplacé un ami pour la période des fêtes. Celui-ci a quitté il y a un an et on m’a demandé si je voudrais prendre sa place. Au début j’ai dit non mais après je me suis ravisé. Des circonstances incontrôlables.
    • Est-ce trop indiscret que de savoir à quel sujet?
    • Non. J’ai eu des mauvaises nouvelles du côté santé.
    • Ah Oui et quelle nouvelle?
    • J’ai un cancer. Il a été diagnostiqué trop tard. Il est lent mais inexorable. Je n’ai pas de famille, je suis seul dans la vie et je ne savais quoi faire. C’est alors que la perspective de passer l’hiver dans le bois m’a semblé attirante.
    • C’est quoi ce cancer?
    • Un cancer de la prostate. Ce n’est pas opérable malheureusement. Au moins je ne souffre pas. Pour tout de suite du moins.
    • Il n’est pas question que tu partes d’ici ce soir. Nous avons en masse de place pour te recevoir pour la nuit. Prends donc un autre verre. Dis-je, mon plan tout tracé. On le fait rouler sous la table, on le passe à la pyramide, on le couche et demain l’affaire est dites.
    • C’est avec plaisir que je vais coucher ici. Je ne suis pas en état pour retourner ce soir. Je ne pensais pas me laisser aller comme ça.
    • Pas de problème Jules. C’est Noël, on fête et on a tout notre temps. Il n’y a personne qui t’attend à la maison et la nuit est avancée. Alors profitons-en.

            Je crois que Pierre a lu dans mes pensées. Il a compris où je voulais en venir. J’en suis certain. Nous avons continué à parler de tout et de rien, calmement, de plus en plus amortis. J’avais cessé de boire du Drambuie après mon premier verre. Je ne voulais pas ambitionné. Grand bien m’en fit, j’ai la tête claire et l’esprit bien dispos. Je n’ai jamais vu Pierre, chaud encore moins saoul.  Il supporte l’alcool comme un soldat. Jules quand à lui est bien calme depuis un moment. Je lui verse un autre verre d’alcool et je suggère un toast à Noël et aux gens de bonne volonté. Ce fut effectivement le coup de grâce. La lumière vacillante, la conversation douce appuyé du chuintement du gaz, la chaleur du foyer et toutes les victuailles que nous avons mangées ont réussi à mettre Jules KO. Pierre se lève et me regarde fixement. Je lui fais un signe de tête et je m’en vais dehors en apportant un cube. Je mets en place la pyramide et vient chercher Pierre qui supporte Jules. C’est qu’il est bien bâti le lascar. Nous portons Jules à l’extérieur et l’amenons dans la pyramide. Nous l’installons sur la forme humaine et sortons. J’allume une cigarette et j’attends en silence. Pierre fixe la porte de la pyramide et ne dit mot. Ma cigarette terminée je m’approche de la pyramide. Je regarde à l’intérieur mais ne distingue rien de précis. Comment savoir si celle-ci a rempli son office? Et si j’allais voir le panneau de contrôle? Je contourne la pyramide et effectivement le bouton bleu de la pyramide luit dans la nuit. Attendons encore un peu. Soudain la lumière s’éteint et le panneau de contrôle réintègre le côté du cube. Je retourne à la porte et fait signe à Pierre. Nous pénétrons dans la pyramide et extirpons Jules, avant qu’il ne se réveille. Nous le déposons tout habillé dans son lit. Nous l’abrions d’un sac de couchage et le laissons reposer.

  • Benoît penses-tu que nous l’avons guéri?
  • J’espère que oui. Le temps le dira. En tout cas je suis heureux d’avoir essayé.
  • Moi aussi. Ça m’a pris un bout de temps pour voir où tu voulais en venir. J’aurais jamais osé faire ce que tu as fait.
  • Pourquoi. On pense qu’on en a la possibilité pourquoi ne pas le faire?
  • Je ne sais pas. J’y aurais jamais pensé.
  • C’est certain  tu ne fais pas de bénévolat toi. Cela dit sans méchanceté.
  • Pas d’offense. Je ne suis pas altruiste comme toi. Je le sais. C’est d’ailleurs un point que j’admire chez toi.
  • Tu as grand cœur Pierre, mais seulement pour ceux que tu aimes. C’est ton style.
  • En tout cas. J’espère que nous l’avons guéri. C’est un bon gars.
  • Oui. Il y en a plein comme lui Pierre. C’est de valeur on ne les connaît pas.
  • Bon je vais me coucher. On a quand même bu 2 bouteilles de vin. Il était excellent d’ailleurs Benoît. Merci.
  • De rien Pierre. Allons nous coucher. Une belle journée nous attend demain. Je vais aller chercher le cube et je te dis bonne nuit.

            Le cube attendait patiemment dehors. La pyramide avait disparue, tel que je m’y attendais.

            En ouvrant les yeux, je sais. Je suis guéri. Pas de mauvaises pensées, pas de brume dans le cerveau, l’alcool a bien passé et je suis en forme comme cela fait des années, et au fait, aussi loin que je peux me souvenir je ne me suis jamais senti aussi bien. Fini les brumes matinales et les pensées morbides. J’en suis convaincu. Quand bien même ce ne serait que l’effet placebo, j’en suis fort aise. Je me lève et vais dans la cuisine. Une belle journée en perspective. La première d’une nouvelle vie.

            Jules est assis devant le foyer où un bon feu danse.

  • Bonjour Jules.
  • Bonjour Benoît. Je ne t’ai pas réveillé j’espère.
  • Non. Non. Pas du tout. J’ai très bien dormi. Et je suis tout à fait dispos. Comment te sens-tu aujourd’hui?
  • Très bien. En faits, comme ça fait longtemps que je ne me suis pas senti. J’ai dû forcer la dose hier je n’ai pas eu conscience de m’être mis au lit. J’ai dormi tout habillé.
  • Oui on était pompette pas mal, hier.
  • En tout cas j’ai dormi comme une roche.
  • Tant mieux. Je vais faire du café. On prendra une bouchée après. J’ai faim.
  • Moi aussi. J’ai faim. Je vais aller dehors quelques instants et je reviens.

            Jules sort du chalet au moment où Pierre sort de sa chambre. Il a l’air beaucoup moins en forme que Jules et moi. C’est sûr qu’il a bu une bouteille de vin à lui tout seul et qu’il a puisé dans sa bouteille de Crown Royal abondamment. Je vaque à mes occupations lentement, sans ardeur. Je mets la table pour un bon déjeuner composé d’œufs, de bacon, de rôtis et de cretons. Du café à profusion et l’affaire va être dite. J’attends que Pierre se manifeste. Il ne faut pas le brusquer à son réveil en temps normal, alors là le lendemain de la veille ça doit être encore pire. Le café est prêt. J’en verse une tasse, met du lait et un peu de sucre et le tends à Pierre qui le prend sans dire un mot. Je me sers aussi un café bien noir, comme je l’aime. J’adore le goût du café frais. Mais aujourd’hui je suis à même de constater que je ne recherche pas son côté vivifiant. Mon état mental est tel, que je suis bien. Pas besoin de café. Mais, je l’apprécie par goût. Jules entre dans le chalet.

  • Bonjour Pierre.
  • Bonjour Jules. Excuse-moi j’ai pas le réveil facile.

            Jules saisit la balle au bond et se la ferme. Dans le bois on est habitué à respecter le territoire des autres. C’est donc avec plaisir que Jules prend la tasse de café que je lui tends en lui indiquant le sucre et le lait en poudre. Nous restons là quelques instants tranquille à déguster le café. Chacun dans notre coin. Je commence à faire frire du bacon. L’odeur se répand lentement dans le chalet. Ça sent le café, le bacon, le feu de foyer, un harmonieux mélanges d’effluves diverses titillant les narines. Je suis vraiment en forme ce matin.

  • Benoît, on est le 25 aujourd’hui?
  • Oui Pierre on est le 25. Joyeux Noël.
  • Joyeux Noël Benoît, à toi aussi Jules.
  • Joyeux Noël à vous deux. De dire un Jules soulagé de pouvoir parler.
  • Sais-tu ce que j’aimerais ce soir Benoît?
  • Non quoi?
  • J’aimerais manger de la truite.
  • Depuis qu’on est ici je n’en ai pas mangé une fois et on est en plein milieu du royaume.
  • C’est vrai. On n’a pas pêché une seule fois.
  • Connais-tu un bon coin où on pourrait aller Jules?
  • Quelle grosseur de truites voulez-vous?
  • T’es pas un petit peu présomptueux Jules?
  • Non, je suis sérieux. Y a des places pour la truite dans la poêle, des places pour la grosse truite en papillote, des places pour la très grosse truite farcie et tout le reste.
  • Pierre de quoi as-tu le goût?
  • J’aimerais bien une belle grosse truite farcie au four. Une affaire de 4 ou 5 livres ou plus.
  • J’ai en plein l’endroit qu’il vous faut. C’est à environ 45 minutes de motoneige d’ici. Je ferai même d’une pierre deux coups. Je dois m’y rendre dans le courant du mois pour voir si tout se passe bien dans le ravage d’orignaux de ce coin là. Aussi bien maintenant que plus tard.
  • À quel endroit penses-tu nous emmener Jules?
  • Au lac de-la-Dame. En plein milieu du territoire.
  • J’y suis déjà allé avec mon oncle. On avait fait un safari de 5 jours là. C’est vrai qu’il y a de la grosse truite. On n’a pas le droit d’apporter des menés là, je crois.
  • Non c’est interdit. Mais on n’en a pas besoin. Avez-vous des vers?
  • Oui et j’ai du foie aussi.
  • Très bien c’est tout ce qu’il faut.

            Nous partons vers 10 heures. Sans nous presser nous avons déjeuner et fait notre routine. Puis on a préparé un bon lunch et on a tout chargé dans la remorque de la motoneige. Le soleil est radieux. Le temps froid pique les joues un peu. Nous suivons le chemin terrestre. Il est encore trop imprudent de s’aventurer sur la glace. Elle n’a pas eu le temps d’épaissir assez. Le panorama est paradisiaque et la randonnée dans la neige fraîche est d’une douceur incomparable. Jules nous amène directement au lac. À la charge de celui-ci, l’endroit où un gros ruisseau verse dans le lac, il y a une étendue libre de glace. Jules nous explique comment pêcher et part pour faire son inspection du ravage. Il sera revenu dans une heure au plus tard. On devrait avoir pris notre souper d’ici là. Le silence revient après le départ pétaradant de Jules.

  • Benoît, ça mord.
  • Attrape-la Pierre.
  • Heille, ça fait pas dix minutes et j’ai déjà une touche.
  • Vas-y Pierre. Amuse-toi.
  • C’est fabuleux. C’est la première fois que j’attrape une truite en hiver.
  • Pourquoi est-ce que ça te surprend?
  • Je sais pas. Je ne m’attendais pas à ça.
  • On est dans le royaume de la truite mouchetée, ici. Il n’y a pas de plus beau territoire sur toute la planète. Pourquoi penses-tu que les américains venaient ici dans les années 1800 quelques.
  • Je ne savais pas. Regarde une belle truite. Elle doit faire au moins trois livres.
  • Certainement. Et il y en a des plus grosses ici.
  • Jules connaît son affaire.
  • Oui vraiment. C’est un bon diable. Je crois qu’il nous aime bien.
  • Oui en effet. Je suis heureux que nous l’ayons passé à la pyramide hier.
  • Moi aussi. Mais on doit garder le secret sur toutes nos activités, Pierre. Il ne faut pas s’échapper.
  • Non. Motus, fie-toi sur moi Benoît.
  • J’entends Jules qui revient au loin. Attrape une autre truite pour le souper. Avec deux de cette grosseur nous en aurons amplement.
  • J’essaie, j’essaie. C’est plaisant en crime la pêche l’hiver ici. Ça mord.
  • Amuse-toi Pierre je vais aller faire un tour dans le bois. Revivre mes aventures de jeunesse.

            Je quitte Pierre et je pénètre dans le bois. Je fais le tour du lac sur une petite distance et j’arrive au chalet du lac. C’est plus un abri qu’un chalet. Conçu uniquement pour s’abriter des éléments l’été. J’entre dans celui-ci et une odeur d’humidité remplit mes narines. C’est beaucoup plus petit et délabré que dans mes souvenirs. Les trois jours que j’ai passé ici il y a 30 ans, ont été source de plaisir et d’heureux souvenirs. Je me laisse aller à l’atmosphère en allumant une cigarette. J’entends le silence, après que Jules ait arrêté le moteur de sa motoneige.  Je prends le chemin inverse et atteint bientôt mes deux amis qui s’exclament devant trois belles truites.

  • La pêche a été bonne Pierre.
  • Oui. Très bonne. J’ai trois truites dont la première est la plus petite.
  • On va avoir droit à un festin ce soir.
  • Oui en effet, mais il est temps de retourner, de dire Jules.
  • On ramasse tout et on retourne.
  • Benoît encore une. J’ai du plaisir en masse.
  • Non, Pierre. Jules a raison. Dans le bois, en hiver, mieux vaut être prudent et savoir doser notre plaisir. On pourra toujours retourner demain.
  • D’accord . En tout cas, c’est les trois plus belles truites que j’ai prises de ma vie.
  • T’as eu du plaisir, allons les manger maintenant. Et toi Jules ton inspection ça a bien été?
  • Oui tout est parfait. Il n’y a aucune trace de motoneige encore. Personne n’est venu troubler les orignaux. Ils sont nombreux.
  • Tant mieux. Allons-y.

            Le trajet de retour va bon train. On repasse sur nos propres traces et la nature prend une allure plus grave au fur et à mesure que le soleil descend. Je n’ai pas vu beaucoup de traces d’animaux. Il faudra que j’en parle avec Jules. On approche du chalet maintenant. On est au plus à deux kilomètres de celui-ci.. Un renard croise furtivement la route. Il est pressé. Il ne doit pas apprécier le bruit de nos bolides. Je suis heureux. La vue furtive de cet animal m’a rempli de joie. Je suis bien au cœur de la forêt. C’est beau la vie.

  • Veux-tu que j’arrange les truites Pierre? Je vais partir le poêle dans la cuisine d’été et je vais ensuite nettoyer les truites. Prépare le souper veux-tu?
    • Certainement. J’y vais Benoît.
    • Bon les gars moi je vais y aller. Je vais retourner au chalet d’hiver.
    • Pas déjà, reste à souper Jules.
    • Non. Je vais y aller. Je dois chauffer le camp et me préparer pour la nuit. De plus j’ai mon rapport à écrire. J’aime aussi bien y aller tout de suite.
    • Parfait Jules, si c’est ce que tu veux tu as bien beau. Bonne route et à la revoyure.
    • Salut Benoît, salut Pierre. À la prochaine.

            Après le départ de Jules je vais dans la cuisine d’été et je bourre le poêle de bois sec pour faire chauffer le four. Puis je vais au lac faire un trou dans la glace pour vider les truites. Elle commencent à raidir sous l’action du froid. Bien vidées et nettoyées, sans eau, j’apporte les truites à Pierre qui s’affaire à couper des oignons et des légumes pour la farce. Le riz chauffe sur le poêle à gaz. Je parts un feu dans le foyer et remet du bois dans le combustion lente. Pierre s’est versé un verre de Crown Royal. Il est heureux ça se voit. Moi aussi et je prends quelques instants pour l’apprécier. Je ne dis rien pour ne pas briser le charme. J’allume une lumière au gaz dans la cuisine. Il commence à faire très sombre. J’ai sommeil et je me dis que j’ai amplement le temps de faire un petit somme avant le souper.

  • Je m’en vais me coucher un peu avant le souper.
  • Vas-y Benoît. Je m’occupe de tout. Est-ce que ça te dérange si je mets la radio?
  • Pas du tout tu sais que rien ne m’empêche de dormir. Je n’ai pas le sommeil léger comme toi.
  • Je te réveille quand tout sera prêt.
  • Toute beauté. À tout à l’heure.

            Je me suis réveillé et j’ai pris le chemin de la cuisine. Frais et dispos je constate que Pierre n’est pas là. Il est 6 heures. Il doit être dans la cuisine d’été à surveiller la cuisson des truites. Comme de fait, quelques instants plus tard, Pierre pénètre dans le chalet avec un plateau contenant trois grosses papillotes d’aluminium. Il les dépose sur la table, qui est déjà mise. La bouteille de vin trône en plein milieu de celle-ci. Encore un festin de roi, en perspective. Le souper se passe agréablement sans que beaucoup de paroles ne soient échangées. Installés maintenant au salon, nous regardons le feu.

  • Et puis Benoît, où en es-tu rendu?
  • Je crois que je suis prêt.
  • Prêt à quoi?
  • À faire une ultime expérience.
  • Et qu’est-ce que tu crois?
  • Penses-y. On a un cube qui contient une pyramide pour la santé, une nappe pour les besoins courants et une autre option. À quoi peut servir un objet qui manipule la matière et l’énergie? Quelle utilité serait possible et réalisable avec un tel objet?
  • Je ne sais pas. J’en n’ai aucune idée.
  • Je crois que le cercle sert à copier.
  • Copier quoi?
  • N’importe quoi. Ce qui est devant. Je ne vois pas d’autre chose. Que puis-je faire avec une machine qui reproduit quelque chose qui est dans sa mémoire? Quoi d’autres que reproduire ce dont je peux avoir besoin. J’ai bien repensé à ce qu’il y a sur la nappe. À part la nourriture, tous les objets sont dans un seul exemplaire. Même les outils. Alors il doit bien y avoir des occasions où on en a besoin de plus qu’un. Qu’à cela ne tienne, on s’en fait une ou plusieurs copies. Voilà.
  • Ça fait du sens. Et tu crois que c’est ce que fait le cercle rouge?
  • Oui. J’en mettrais ma chemise en jeu. Une machine qui fait de l’or avec de l’air est capable de faire n’importe quoi. Tu as une idée de la quantité d’air qu’il faut manipuler pour produire le poids de l’or de la pyramide. On parle de tonnes. Quelle grosseur ça a une tonne d’air?
  • Je ne sais pas. Mais c’est tiré par les cheveux ton affaire.
  • Pas tant que ça. Mais il faudra faire attention.
  • À quoi?
  • Si, comme je le pense, la machine analyse la matière pour la reproduire et effectue ensuite la copie, ça veut dire que les atomes sont parcourus par quelque chose. Peut-être est-ce radio actif ou nuisible? D’une façon quelconque?
  • En effet c’est logique. Et comment compte-tu procéder?
  • Je ne sais pas encore mais j’y réfléchis. J’ai bien une idée mais je dois la reconsidérer sous tous les angles.
  • Je te fais confiance. En attendant je te souhaite une bonne nuit. Je m’en vais dormir. Bonne nuit et à demain.
  • Bonne nuit Pierre. Bon sommeil.

            Je prends un cube et je vais dehors, faire apparaître la nappe. Je prends les 4 combinaisons et je rentre au chalet. J’inspecte minutieusement les combinaisons. Elles sont identiques hormis leur couleur.  J’en suis là dans mes pensées quand j’ai l’idée d’aller chercher le cube. Je m’exécute et suis saisi par le froid en sortant du chalet. La nuit est vraiment froide, il fait en dessous de zéro certainement. Pas le Celsius. L’autre le vrai. Soudain l’idée me frappe de plein front. Une de ces combinaisons doit certainement protéger du froid et des éléments. Il doit y en avoir une pour l’usage courant, de tous les jours. Mais les deux autres servent à quoi? Et surtout laquelle est laquelle?

            Je me déshabille et j’enfile une combinaison. J’ai pris la blanche par hasard. Ce n’est pas du plastique, ce n’est pas du tissage, c’est doux et c’est lisse. Comme je pensais ça épouse bien les formes du corps, sans le mouler trop. Une taille pour tous. La sensation tactile est très agréable. Je sors dehors pour voir l’effet au froid. Aucune sensation violente de froid. Tout juste un rafraîchissement à peine notable. On est très bien. La sensation des pieds est surprenante. On est pieds nus, on marche dans la neige.C’est comme marcher sur du sable. C’est agréable. On n’a aucune sensation de froid. Même le visage, pourtant à découvert, ne subit pas l’agression du froid. Je suis très bien et très libre de mes mouvements. À l’aise bien qu’ajusté. C’est merveilleux. Je retourne en dedans et je décide d’arrêter là mes essais. Je vais aller dormir. On verra demain pour la suite. Je suis tellement bien que je décide de garder la combinaison pour la nuit.

Multiplication

            Quand Pierre me voit il est saisi d’un fou rire. Il n’a qu’une seule parole en bouche.

  • C’est l’heure des Télétubbies,  c’est l’heure des Télétubbies.
  • Comique va.  Qu’est-ce qui te prend?
  • Tu t’es pas vu avec ta combinaison blanche. Tu as l’air d’un Télétubbies.
  • Je vais aller m’habiller. En tout cas on est très bien dans cette combinaison.
  • Vas te changer le café est prêt.

            Je vais dans la chambre et enlève la combinaison. Une poudre blanche recouvre tout mon corps. Je regarde dans le miroir. Je n’ai plus un cheveu gris. Je n’ai plus aucun cheveu. Cheveux pas de x ça fait drôle. Je respire et je suis calme. Il y a une raison pour chaque chose. Je suis calme. Raisonnons. Je prend une serviette et je m’essuie le corps. La poudre se détache facilement. J’ai la peau douce et sans plus aucun poil. Nulle part. Pas vrai. J’ai encore mes sourcils. Pourquoi? Peut-être aurait-il fallu que je rabatte le vêtement sur le visage pour la nuit? On verra. En attendant je m’essuie du mieux que je peux et je m’habille. Je retourne dans la cuisine et j’attire l’attention de Pierre.

  • Comment trouves-tu ma peignure?
  • Que s’est-il passé?
  • Je n’ai plus un poil sur le corps sauf les sourcils.
  • Ça a fait comme une poudre partout où il y avait du poil. Y a juste les pieds qui ont pas de poudre.Je me suis essuyé et ça a bien parti. Je me sens propre comme jamais. Mieux qu’après une douche. J’ai le corps sec et lisse. Je me sentais bien mieux avec la combinaison qu’avec mon linge. Celui-ci me paraît rude et encombrant en comparaison.
  • Intéressant. D’autres remarques à part de ça?
  • Oui. Hier je suis sorti dehors. Il faisait très froid quand je suis allé chercher le cube. Mais pas avec la combinaison. Avec celle-ci j’étais bien et à l’aise. Je marchais dans la neige mais ne sentais pas le froid. C’était comme si je me promenais les pieds nus sur une plage où le sable est juste de la bonne température, ni trop chaud, ni trop froid.
  • Ce serait donc la combinaison usuelle. Celle de tous les jours.
  • Je le crois. Mais cela veut dire que les autres combinaisons ont probablement d’autres fonctions. Il faudra faire précautionneusement. Laisse-moi faire les expériences. En tout cas, je crois que pour les besoins sanitaires cette combinaison blanche remplit tous les offices. J’essaierai encore plus tard mais je mettrai le capuchon sur mon visage aussi. Si Comme je le crois, elle nettoie, et bien mes sourcils y passeront.
  • Ça fait du sens avec les images que l’on a des extra-terrestres.
  • En effet. Mangeons et allons voir comment copier.
  • Tu y tiens à ton idée.
  • Totalement. Je suis convaincu. Mais là je m’attends à être surpris.

            Les deux compères s’alimentent lentement sans presse, dans le silence total. Chacun perdu dans ses pensées. La vaisselle faite, je prends un cube et je sors dehors. Je mets le cube au milieu de la clairière. Je fais les 100 pas et finalement je me décide. Je prends toute sortes d’objets qui traînent ça et là  autour du chalet. Je les dispose devant le cube sur ce qui est à peu près la grandeur de la nappe et de la pyramide. J’attends que Pierre sorte avec la caméra. J’essaie d’imaginer ce qui se passera. Où apparaîtra la copie des objets. D’après moi le cube va reproduire sur la face inverse. Il fera un autre carré rempli d’objets identiques de l’autre côté.

  • Benoît je suis prêt.
  • D’accord je fais apparaître le panneau de contrôle. Et j’appuie sur le cercle. À trois, deux, un ,zéro.

            Ça prend peut-être deux minutes. Mais le tout se passe brusquement, passé le délai. Ça ne se passe pas du tout comme je l’avais prévu. Il y a bien copie mais un côté s’est reproduit de l’autre côté. J’ai deux tas exactement pareils. Le tas de gauche s’est reproduit sur les tas de droite qui a disparu. En clair j’ai le 4 pieds par 8 du côté gauche qui s’est reproduit sur le 4 pieds par 8 du côté droit. Exactement pareil. Dans le même sens. Le côté gauche a été coupé au couteau. C’est net franc et droit. Des objets entiers puis des morceaux d’objets, comme je les avais empilés. Mais tout tranché en ligne droite avec le cube. Le côté droit du côté droit est exactement pareil au côté droit du côté gauche. C’est comme si une presse de 4 pieds par 8 avait pris le tas de gauche et reproduit celui-ci du côté droit en écrasant tout ce qui y étais. En plein centre il y a une ligne avec des petits cubes dorés. Des petits cubes d’environ 2 centimètres de côté.

  • As-tu tout filmé Pierre?
  • Oui Benoît. Tout. Et bien qu’en penses-tu?
  • Je suis effectivement surpris. Je ne m’attendais pas à ça. Mais je commence à comprendre. Le panneau de contrôle est revenu à la normale. J’emporte le cube en dedans. Va partir la génératrice on va regarder l’enregistrement. J’ai plein de chose à voir.

            Je dépose le cube et commence à me frotter la tête. Drôle de sensation. Pas un poil. Mais c’est doux. En quelques jours j’ai perdu trente livres et tous les poils de mon corps. Méchant changement. Il y a de quoi se sentir mêlé. Pourtant je suis bien lucide. Mes pensées sont claires, ordonnées et suivent le rythme que je leur impose. J’ai un contrôle qui ne m’est jamais arrivé de sentir de toute ma vie. Serait-ce ça la normalité. C’est drôlement sécurisant. J’ai une bien meilleure confiance en moi, en mes moyens. Mais revenons à nos moutons.

  • Pierre as-tu branché la caméra sur le téléviseur?
  • Oui c’est fait on est prêt à regarder. Par où veux-tu commencer. Par le début. Un plan fixe du tas au départ? Que doit-on observer exactement?
  • L’équilibre gauche, droite. Regarde. Le tas à droite est plus volumineux que celui de gauche. De plus la table en métal et le bassin rempli de glace font que la masse est beaucoup plus grande que du côté droit.  Donc, à vue de nez j’évaluerais que la balance penche grandement du côté droit. Pourtant tout a disparu du côté gauche et a été remplacé par la matière du côté droit. Fait avancer jusqu’à temps que la reproduction s’effectue.
  • Voilà. J’arrête sur image?
  • Oui. As-tu remarqué?
  • Quoi? C’est presque instantané. Pouf!
  • Oui. Mais il y en a moins qu’au début. Je veux dire qu’une partie de la  matière a disparue. À vue de nez je dirais que le centre est disparu.
  • Tu as raison. Et pourquoi cette ligne de cubes jaunes. Tiens en voici un que j’ai pris par terre. Je jurerais que c’est encore de  l’or.
  • Pas de l’or?
  • Oui. J’en suis certain et il doit être pur en plus. Du 24K. Massif.
  • Mais ça n,existe pas ça de l’or pur.
  • Sur Terre non mais ailleurs peut-être?
  • On ne peut rien faire avec de l’or pur. On se ferait prendre immédiatement.
  • Effectivement. On y réfléchira plus tard. En résumé, ce qui se trouve à droit de la ligne centrale de la face du cube est reproduit du côté gauche. Atome par atome. La coupure est très nette. Ce qui était du côté gauche sert à faire la masse de ce qui est copié. En prime on a des petits cubes d’or pour compenser la différence de masse. Ça fait du sens. Mais pourquoi n’a-t-il pas fait d’air avec?
  • Ça ferait un boum dans une soucoupe volante. Une surpression. Il faut qu’il y ait équilibre des masses ou peut-être des volumes?
  • En effet ça fait du sens. On essaiera demain. Prenons le temps de réfléchir. Quelque chose me contrarie. Je ne sais pas quoi.

            Pierre décide d’aller à la pêche. Vu qu’il n’a pas neigé depuis notre expédition avec Jules, je lui dis qu’il peut retourner au lac de-la-Dame. Mais qu’il revienne de clarté. Il ne faut pas qu’il se fasse prendre à la noirceur. Et, s’il commence à neiger, il doit plier bagages immédiatement et revenir au chalet le plus vite possible. C’est facile de se perdre ici. Il m’assure qu’il sera prudent. J’écoute le bruit de la motoneige qui décroit et je retourne à mes pensées. Je tourne en rond. Rien de mieux que de se changer les idées. Après avoir vaqué aux soins du combustion lente et préparé un feu dans le foyer pour la soirée, je cherche les combinaisons que j’avais fait apparaître hier. Elles sont sur mon lit. Pierre a dû les mettre là ce matin. Il reste la bleue,la rouge et la noire. Je n’aime pas la noire. Je devrais attendre pour expérimenter. Attendre que Pierre soit là.

            En attendant plein de questions viennent à mon esprit. Où le cube prend-il la masse de matière pour bâtir la pyramide dans une soucoupe? Qu’arrive-t-il si il n’y a pas assez de masse pour couvrir celle de ce que l’on a à copier? Qui a bâti cette machine et quelles autres machines fantastiques existe-t-il? Comment se fait-il que le cube soit là? Je ne l’aurais jamais oublié quelque part. C’est trop important et trop primordial même. D’autres questions me turlupinent mais je ne suis pas capable de les énoncer clairement. Je vais me faire apparaître un autre uniforme blanc et je vais aller me coucher. C’est ce que j’ai de mieux à faire. Ainsi fut fait et bientôt je dors du sommeil du juste.

            Le bruit de la motoneige me réveille. Je me prélasse dans le lit en attendant que Pierre revienne dans le chalet. J’entends plutôt cogner à la porte. C’est Jules.

  • Entre Jules
  • Bonjour Benoît. Drôle de tenue.
  • C’est le dernier cri de la technologie. C’est très confortable et on dort comme un bébé.
  • Pierre n’est pas là?
  • Non, il est retourné au lac de-la-Dame pêcher.
  • Ah! bon. En tout cas il devrait revenir bientôt?
  • Oui, Je l’ai bien averti de s’en venir de clarté ou au moindre signe de mauvais temps.
  • Oui c’est pour ça que je suis venu vous voir. Il y a une énorme tempête hivernale qui s’en vient par ici. Les vents seront forts et il devrait neiger pendant une grosse journée, peut-être deux ou même trois. Il se peut que nous ne puissions aller à La Tuque avant presque une semaine. Si vous avez des emplettes à faire c’est le temps.
  • Non, on a tout ce qu’il nous faut. Merci de l’avertissement. Et toi as-tu besoin de quelque chose?
  • Non tout est prévu. En passant, les lacs sont suffisamment gelés pour être empruntés en motoneige. Mais ne vous éloignés pas trop du bord, au cas où. Dans une semaine,si le froid se maintient à ce point les lacs seront totalement sûrs. Je vous en aviserai.
  • D’accord. Jules. Merci pour l’avertissement. Veux-tu prendre un petit verre pour le retour?
  • C’est pas de refus. Mais juste un.
  • Viens t’asseoir dans le salon. Je vais partir le feu dans le foyer.
  • Merci pour le verre. Ça fait du bien par ce froid.
  • Oui en effet il fait froid. Quelle heure est-il?
  • Il est une heure trente. Il fera noir dans deux heures. J’espère que Pierre est en route pour revenir.
  • Ça devrait. Veux-tu rester avec nous pour souper. Je ne sais pas ce que ça va être mais c’est de bon cœur.
  • Non merci je veux retourner chez moi. C’est drôle je me sens beaucoup mieux depuis l’autre soir. Je suis bien chez moi.
  • Tant mieux. Tiens, je crois entendre un bruit à l’extérieur. Mais oui, c’est Pierre qui revient.
  • Les deux hommes sortent à la rencontre de Pierre.
  • Salut les gars. La pêche a été excellente. J’ai 5 truites de belle taille.
  • Excellent apporte ça en dedans que je les nettoie.
  • Salut Jules. Quel bon vent t’amène?
  • C’est le vent justement qui m’amène. Vous allez être bloqué ici pour au moins deux jours et peut-être une semaine. Une grosse tempête s’en vient. Je suis venu vous avertir.
  • Ah c’est bien gentil de ta part.
  • Je lui ai dit que nous n’avions besoin de rien de spécifique à La Tuque. Es-tu d’accord Pierre?
  • Oui. Pas besoin de rien. On a de tout et tout ce qu’il faut.
  • C’est bien. Je vais y aller moi maintenant de dire Jules.
  • Salut Jules et à la prochaine.

            Le bruit du véhicule de Jules décrut rapidement. Les deux hommes vaquaient à leurs occupations respectives dans le chalet. Pierre mettait en place le stock de pêche et  allait se rafraîchir. Pendant ce temps je nettoyais les truites et mettaient les abats dans un sac. Je pris soin de garder une tête pour le chat.. Celui-ci me tournait dans les jambes en se frôlant. Il espère que je vais lui donner quelque chose. Je lui donne sa tête. Il la prend et l’apporte sur le tapis face au foyer et se met à  la consommer.

  • Benoît j’ai encore le goût de manger du poisson ce soir.
  • Pas de problème. Frais comme ça ce serait péché de le laisser se gaspiller.
  • Pas de farce ce soir. Je vais en faire cuire en papillotes juste avec du bacon dans les flancs et de l’oignon.
  • Ça va être délicieux.
  • Et puis tu as bien dormi?
  • Oui. Très bien. Je te suggère de mettre une combinaison blanche ce soir. Tu verras on s’habitue très vite à son confort.
  • On verra. J’y penserai. Parlant de penser, as-tu fait des découvertes cet après-midi?
  • Oui il m’est venu plein de questions. On en reparlera. Pour tout de suite je vais faire une session d’internet. Question de me mettre à date dans mes courriels, mes comptes de banque et autres.

            Je m’installe sur la table avec mon portable et établit la communication avec mon serveur. Pas de courriel requérant une attention particulière. Des nouvelles de la famille c’est tout. J’en suis à aller voir les nouvelles de La Presse quand l’idée se glisse lentement en moi. De façon insidieuse tout d’abord mais se précisant soudain.

  • Pierre. J’ai une soudaine inspiration. Le cube ce sont les pouvoirs du Christ..
  • Quoi?
  • Oui les pouvoirs du Christ. C’est bien ça, Guérir les malades, changer l’eau en vin et tout et tout.
  • Comment-ça?
  • Oui et la multiplication des pains et des poissons et tous les miracles.
  • T’es sérieux?
  • Oui. Et non je suis pas sur un high. Je sais que c’est ça que tu penses.
  • En effet je me le demande.
  • Réfléchis. Nomme-moi un miracle que le cube n’explique pas?
  • Eh bien Jésus a marché sur les eaux.
  • OK pas celui-là mais les autres?
  • Je ne vois pas.
  • Moi non plus. C’est ça qui me turlupine depuis ce matin.
  • Et bien on fait quoi maintenant? On va évangéliser les papous?
  • Non sérieusement.
  • Mais il n’a jamais été question de pyramide ou de cube?
  • Je le sais, mais c’est quand même ça. Et n’oublie pas que Jésus est monté au ciel dans un chariot volant conduit par Élie, ou quelque chose comme ça.
  • En effet c’est troublant.
  • Je te dis que c’est ça.

            Les préparatifs du repas prennent maintenant la priorité et les amis effectuent les tâches inhérentes dans un mutisme dénotant bien le trouble qui occupe leur esprit. Le souper se déroule gravement. L’excellence des truites passe au deuxième plan. D’un commun accord, tacite, les amis regardent la télévision. Le sempiternel « Maman j’ai raté l’avion » du temps des fêtes. Le vent s’est mis à souffler dehors. On l’entend malgré le bruit de la télévision. Les gags surréalistes ont tôt fait de dérider Benoît et Pierre. Bons enfants ils rient à gorge déployée. Après le film je vais arrêter la génératrice. Dehors le blizzard fait son œuvre. Je suis sorti, sans y penser, portant uniquement la combinaison blanche. Je suis très bien malgré la légèreté de celle-ci. Dans la tourmente, je ne ressens absolument pas le froid ou la morsure du vent. C’est un vêtement fantastique. Je profite du confort pour observer la tempête. C’est bien comme l’avait prédit Jules. De la neige abondante, soufflée violemment par un vent à décorner les bœufs. L’intensité de la nature n’a aucun égal. C’est un spectacle majestueux. J’entre dans le chalet. Pas de choc thermique. J’ai quand même passé une quinzaine de minutes dans la tourmente, dans un froid glacial, et je pénètre dans un endroit chaud et même surchauffé. La combinaison ajuste la température corporelle rapidement et sans heurt. C’est à peine si je perçois la différence de température. De plus la combinaison ne porte aucun signe d’eau ou de neige. Elle est totalement sèche.

  • Viens voir Pierre. Du jamais vu.
  • Que se passe-t-il? Y a-t-il un pépin?
  • Touche la combinaison. C’est sec. De plus je n’ai presque pas ressenti le changement brusque de température en entrant. Je suis pourtant resté une quinzaine de minutes dans la tempête.
  • Vraiment? C’est fabuleux. Finalement tu m’as convaincu. Je vais essayer cette combinaison cette nuit.
  • Je m’occupe de ça.
  • C’est bien. Pendant ce temps je vais m’occuper de charger le combustion lente pour la nuit.

            Je sors avec le cube et procède rapidement et pris d’une subite impulsion je démarre le processus de dédoublement du cube. Pourquoi un troisième cube? Je ne sais pas mais ça me semble une bonne idée. C’est donc avec la poignée et la combinaison que je reviens au chalet. Nous passons chacun dans notre chambre et je m’allonge sur mon lit. C’est curieux, avec tous les événements de la journée, mes pensées sont disciplinées et claires. Pas de déferlement. J’ai le plein contrôle de mon cerveau. Il va où je veux bien l’emmener et me soumet des éléments au fur et à mesure que je les sollicitent. C’est là que je réalise la différence entre avant et après. Ma tête n’est plus un endroit où affluent sensations et sentiments, idées fugaces et toutes sortes de pulsions. C’est maintenant calme, organisé et facilement contrôlable. Idées, déductions, créativité, souvenirs tous gérés par un chef d’orchestre maître du tempo. Ça doit être ça, être normal. Du moins ça doit ressembler à ça. J’en suis là dans mes pensées. Incapable de dormir. Je ne m’endors pas. Sensation inhabituelle pour moi. Quand je me couche je m’endors toujours rapidement. Surtout dans les bruits de tempête à l’extérieur, comme maintenant. Je récapitule les événements qui se sont produits depuis notre arrivée au chalet. Une après l’autre je revis les étapes marquantes de notre expérience. D’une façon ou d’une autre, Pierre et moi, sommes maintenant affranchis des besoins financiers. Il nous est facile de produire de l’or, à volonté, et nous pouvons copier tout ce qui fait notre bonheur. Tiens je vais essayer de copier mon portable. Voir si les informations sur le disque dur résistent au procédé. Qu’est-ce que j’aimerais copier aussi?  Une idée folle me vient. Et si je me copiais. Le monde serait-il prêt pour 2 Benoît? L’idée fait lentement son chemin. Ça serait cool. Pouvoir faire toute sorte de choses et administrer la fortune à temps partiel. Plusieurs Benoît s’occupant à tour de rôle des tâches alors que les autres vivent plein d’aventures. L’idée est facilement évacuée pour faire place à une autre question. Comment faire fortune rapidement, de façon légitime. Ma créativité sans borne élabore toutes sortes de théories, toutes plus folles les unes que les autres. La solution au problème posé par la reproduction de moi, vient naturellement. Je vais copier le chat. Je vais voir si le processus est nocif pour l’animal, s’il reproduit la vie, s’il est possible de le faire quoi. Qu’est-ce que je fais? Les conditions sont idéales.

            Je me lève et fais bien attention à ne pas réveillé Pierre. Je prend le deuxième cube et le transporte à l’extérieur à côté du chalet, à l’abri du vent. Je vais chercher le chat et je le mets dans sa cage de transport. Je place la cage à gauche au milieu de ce que je crois être la section original de l’objet à copier. Je mets une vingtaine de livres des objets qui ont été copiés auparavant. Ça devrait faire amplement. J’effectue la copie, et attends le résultat. Celui-ci ne se fait pas espérer longtemps. Comme prévu une deuxième cage apparaît. Premièrement je vais prendre le chat original, le ramène au chalet et le laisse sortir de la cage. Il est nerveux et dégoûté du traitement. Mais il semble en bonne santé. Je retourne à l’extérieur et ouvre la cage de la copie. Le chat est inanimé. Il est mort. Je n’avais pas prévu ça. À voir ça je me dis que c’est pas demain qu’on va créer un télé-porteur comme dans Star Trek. Je vais dans le bois disposer du corps du chat. Il servira peut-être de victuailles à un renard ou à un autre animal. Je cache la cage dans la neige derrière le chalet. On n’y va jamais et de toute façon la neige l’engloutira dans quelques heures. Je prends le cube et je rentre. Je me fais un café et je m’assieds devant les braises rougeoyantes du foyer. Le chat saute sur mes genoux et vient se faire caresser. Il ne m’en veut pas du traitement que je lui ai fait subir. Je flatte distraitement le chat, les yeux fixés sur la braise, les pensées circulent. Le cube ne reproduit pas la vie. Ça a ses pour et ses contre. D’un côté les molécules sont copiées mais le processus de la vie ne l’est pas. Donc, a priori, les aliments sur la nappe peuvent être mangés sans crainte de contamination bactériologique. C’est donc un avantage. Mais de l’autre côté tout ce qu’on reproduit est mort. Dans « La porte des Étoiles » Daniel emporte son épouse dans le sarcophage après qu’elle est morte. Puis le sarcophage fait son œuvre et la ramène à la vie, supposément en pleine santé. Je vais essayer. Avec deux cubes c’est faisable. On copie avec un, on prend le corps et le dépose dans la pyramide qui est déjà déployée. Une opération qui prend au plus 4 minutes. On dit que le cerveau peut survivre 5 minutes sans air. Ça vaut la peine d’essayer. Si ça ne marche pas on ira déposer le corps dans le bois et on le brûlera., à fonds. Non. J’ai une meilleure idée. Je vais m’en servir comme matière pour copier la motoneige. Comme ça rien ne se perd, rien ne se crée.  Le meurtre parfait, pas de traces.

            Le chat ronronne doucement sur mes genoux pendant que je le caresse. L’énormité de ce que je viens de penser me pénètre. J’ai dû rester là, pensif, pendant des heures. Pierre se lève et apparaît dans la porte de sa chambre. Dehors il fait encore noir et la tempête fait rage. Il est six heures du matin. Je suis quand même frais et dispos. Probablement grâce à la combinaison blanche. Combien de temps puis-je la porter? Quand faut-il la changer? Elle semble totalement convenable. Je vais pourtant en changer ce matin. On ne sait jamais.

  • Bonjour Pierre. Bien dormi?
  • Excellent. J’ai rien entendu, j’ai dormi toute la nuit et je ne me suis pas réveillé une fois. C’est très inhabituel pour moi.
  • La tempête ne t’as pas réveillé?
  • Non. Je n’ai rien entendu. Je ne t’ai même pas entendu te lever ou tousser ce matin.
  • Au fait, c’est vrai. Je n’ai pas toussé depuis que je suis passé à la pyramide. Je n’ai plus le gratouilli que j’ai tout le temps dans la gorge. Les ravages de la cigarettes semblent annulés.
  • C’est bien. La tempête ne semble pas vouloir se calmer.
  • Non. Ça souffle aussi fort que cette nuit, sans relâche.
  • Et toi as-tu bien dormi?
  • Pas du tout. J’ai veillé toute la nuit. Et j’ai fait une expérience.
  • Ah oui? Je n’ai rien entendu.
  • Oui. Faisons du café et prépare-toi J’ai plein de choses à te conter.

            Pierre écoute le récit des événements de la nuit. Je lui explique de long en large toutes les pérégrinations et tous les raisonnements qui ont succédé. On en est à préparer un deuxième pot de café. Ni un, ni l’autre n’avons faim pour déjeuner.

            Les deux hommes devisent calmement et les échanges se font lentement, de façon raisonnée. La résolution est prise de procéder à l’expérience aujourd’hui. La tempête nous isolant totalement, nous aurons tout le loisir de procéder dans le plus grand secret. Les préparatifs vont bon train. Après avoir révisé le protocole de l’expérience, on se met en branle et c’est parti. Dehors les deux cubes sont noirs. Le processus a été plus court que normalement. On dirait que l’énergie de la tempête a accéléré la phase énergisante. Probablement dû à la quantité de neige qui a atteint les cubes, de laquelle ils ont tiré l’énergie.

  • Pierre je suis prêt.
  • Allons-y. Mais je ne pourrai pas filmer.
  • De toute façon je ne veux laisser aucune trace de l’expérience. Procédons.

            Pierre amorce la copie de Benoît. Ceci fait, il se penche sur moi et je lui fait signe que je suis bien. Aussitôt nous nous emparons du corps sans vie et le portons dans la pyramide. Après avoir parti le processus de régénération nous devisons.

  • Benoît tu es certain de bien aller?
  • Oui. Je vais très bien, dis-je en allumant une cigarette et en tirant une bouffée.
  • Qu’est-ce que j’aurais fait si ça n’avait pas marché? Je fais juste de réaliser ce qu’on vient de faire.
  •  C’est tellement hallucinant. Imagine-tu les implications civiles et légales de ce qu’on a accompli?
  • Je n’ose pas l’imaginer. Je vais voir si le processus est terminé dit Pierre en se déplaçant au panneau de contrôle.

            Il me fait signe que la tâche est complétée. Je pénètre dans la pyramide, où règne une atmosphère calme, à l’abri de la tempête. Je secoue légèrement … moi. Il ouvre les yeux et me sourit. Ça marche.

  • Bonjour. Comment vas-tu?
  • Très bien. Je me sens en pleine forme.
  • De quoi te souviens-tu? De tout. De m’être couché dans la neige, de m’être endormi. Je me réveille et tu es là. J’ai un certain choc de me voir, mais comme tu sais, nos dernières pensées ont été en prévision de ce moment. Je ne ressens aucune coupure autre que m’être endormi dans la neige et je me réveille dans la pyramide, ce à quoi je m’attendais.
  • Sortons. Nous allons rejoindre Pierre. Il doit être curieux lui aussi. Au fait comment veux-tu que l’on te prénomme?
  • C’est vrai il me faudrait un prénom différent mais pas trop. On nous a souvent appelé Bernard. Alors Bernard ça sera.
  • D’accord Bernard. Allons-y.
  • Pierre, je me présente, Bernard.
  • C’est tout un choc de vous voir tous les deux. On s’y fera.
  • Et toi Pierre, veux-tu qu’on te copie?
  • Non merci. Plus tard peut-être. Mais là rentrons. J’ai assez eu d’émotions pour la journée.

            Le blizzard souffle, la neige est balayée par de grands déplacements d’air. La tempête est magnifique. Je suis posté devant la porte-patio à côté de Bernard, et nous regardons pensivement à l’extérieur. Le feu crépite dans le foyer et le combustion lente chauffe l’atmosphère en ronflant allègrement. Le chat est couché sur son tapis et Pierre savoure un remontant de Crown Royal. Nous demeurons tous là, perdus dans nos pensées. Soudain il me vient une idée.

  • À quoi penses-tu Bernard?
  • À rien. Je suis tranquille. Et toi?
  • Je viens de penser que nous avons commencé à nous différencier.
  • Comment ça?
  • Depuis que nous sommes deux nous ne partageons plus le même regard. Le même train de pensées. La preuve c’est que je dois t’expliquer ce qui m’est venu à l’esprit. Indépendamment de toi.
  • C’est bien vrai. Plus le temps passera plus nous nous distancerons psychologiquement. Nous devrons communiquer abondamment pour ne pas trop être différents. C’est impossible. Le temps et les événements vont se produire et nous changer, chacun de notre côté. Nous avons, à partir de maintenant deux identités propres qui s’éloigneront l’une de l’autre au fur et à mesure que nous évoluerons. Imagine l’étude que l’on pourrait faire sur ce qui est inné et ce qui est appris.
  • Oui en effet, Ça ouvre tout un champ d’investigation.
  • Qu’est-ce qu’on fait maintenant?

L’épiphanie ou les grandes décisions

            Le chat s’est très bien accommodé de la présence d’un nouveau moi. Pas de problème, dans son monde. Il sont trois, ils étaient deux. Quelle différence? Aucune. Ça relativise l’énormité de ce qui s’est produit. Pour la première fois un humain marche sur la Terre sans être né. Il est arrivé là, pouf! Combien y a-t-il de clones dans l’univers? Combien les extra-terrestres sont-ils répandus? C’est hallucinant. Je suis las et j’ai envie de dormir. Bernard lui semble en pleine forme. Je me retire dans ma chambre et je vais aller m’allonger un peu.

            Je me réveille en pleine forme. Complètement reposé. Je vais dans la cuisine. Dehors il fait nuit et j’ai besoin de l’horloge murale pour me situer dans le temps. Il est 5h30 du matin. J’ai dormi au moins 15 heures. Les émotions ça fatigue. Mes deux compères dorment encore. Je relance le feu dans le foyer, j’entretiens le combustion lente. J’allume une lampe au gaz et je m’assieds à la table, le temps que la cafetière remplisse son office. Tout un monde de possibilités s’offre à nous. Nous avons des pouvoirs immenses. Incroyable. Si on se rapporte à la parabole des talents, que devrait-on faire du pouvoir qui nous est donné? C’est certain qu’à court terme, se payer une belle vie,  c’est attirant. Mais à long terme, que sera ma vie? Quelle sera ma longévité avec la pyramide? À l’abri de la maladie et des accidents je peux espérer vivre combien de temps? 150, 200 ans? Plus? J’en suis là de mes pensées quand un bruit me fait me retourner. Bernard est debout, s’étirant longuement.

  • Bonjour Benoît
  • Bonjour Bernard, comment vas-tu ce matin?
  • En pleine forme. Depuis que nous sommes passé à la pyramide, les matins sont tellement plus agréables.
  • Oui, en effet. C’est fou comment on a conscience d’avoir mené une vie pénible avant. Délivré des pensées morbides, des états de langueur et du manque d’énergie. La vie est vraiment agréable.
  • Oui. On a eu une discussion Pierre et moi cette nuit. Je lui ai suggéré ce que tu avais pensé avant la copie. Il est effrayé par les implications incalculables.
  • Ça lui passera. Il s’agit de ne pas se presser. Il faut le laisser en parler avant de ramener le sujet.
  • En effet. Un café?

            Les jumeaux font une liste de choses à faire. Chacun de leur côté. Un exercice d’autant plus intéressant qu’il permettra de voir l’originalité de chacun. En comparant les listes on voit la grande conformité des deux. Mais, il y a des différences notables. S’entendant sur un programme unique, ils en viennent à se poser la question sur la légitimité de Bernard. Comment justifier la présence de Bernard devant Jules? Il faudra aller à La Tuque, acheter une automobile et faire venir Bernard, en tant que jumeau de Benoît. Le problème sera de passer devant Jules sans qu’il s’en aperçoive, lorsqu’ils sortiront.

            La nuit n’a pas achevé la tempête. Celle-ci fait toujours rage avec la même intensité. Nous regardons la télévision. Un film d’action. Il  faut occuper notre esprit pour le laisser travailler en sous-tâche. Pierre se lève et se verse un café. Après l’avoir préparé à son goût, il vient s’asseoir avec nous au salon. L’action est maintenant au paroxysme, les coups de feu fusent, les mitraillettes halètent, tous les corps gisent, empoisonnés aux plombs. Le héros libère la pauvre victime et ils s’enfuient laissant une série de cadavres derrière eux. La juste récompense du héros quand la victime embrasse passionnément celui-ci dans le soleil couchant. Fin.

  • Bon. Assez de tuerie pour le moment.
  • Benoît on est effectivement très bien avec cette combinaison. J’ai dormi à poings fermés.
  • Pierre, le confort n’a pas de prix. Dorénavant pour moi c’est ma tenue.
  • On partira une nouvelle mode. Les gens vont se l’arracher.
  • Et Bernard de dire : Et si on créait une entreprise pour distribuer ces combinaisons. On serait riches et on n’aurait pas à justifier la provenance de notre argent. Ce serait légitime.
  • En effet c’est un pensez-y bien. Prenons-en note, on en reparlera.
  • Qu’avez-vous mijoté comme programme, aujourd’hui?
  • Bernard et moi avons fait une liste des choses à accomplir dans les prochains jours. La priorité consiste à légitimer la présence de Bernard.
  • Et comment va-t-on procéder?
  • On attend que Jules quitte son chalet, on va à La Tuque, Bernard et moi. On achète une automobile et Bernard couche au motel un jour ou deux pour ensuite venir nous rejoindre. Il passe devant Jules, se présente et tu vas le chercher avec la motoneige. L’affaire est ketchup.
  • Oui, c’est un bon plan. Je ne vois rien qui accroche. Le temps que la tempête dure on va copier des motoneiges, des génératrices, ce qu’on aurait dû faire plus tôt,  et expérimenter pour incorporer à la nappe des choses que l’on pourrait désirer.
  • Comme quoi?
  • Du vin, de la bière, du bon pain, du beurre et autres denrées. Ensuite on se divisera l’ouvrage et on essaiera de trouver l’utilité des autres objets disponibles. On a élaboré tout un programme de recherche ce matin. Nous allons être occupés pour un bon bout de temps. Tu auras tout le loisir d’aller à la pêche si tu veux.
  • Je suis tout à fait d’accord.

            Un mois et quelque, passe rapidement. Le 16 février, date de l’anniversaire de Benoît,  les trois compères attendent la visite de Jules. Pour l’occasion, on a décidé de fêter le jubilaire. On entend Jules s’en venir dehors. Nous sortons tous l’accueillir et, lorsque celui-ci éteint son moteur, le silence rétablit ses droits.

  • Bonjour Jules. Bon voyage?
  • Excellent. Bonne fête Bernard, bonne fête Benoît.
  • Merci Jules. Viens te chauffer à l’intérieur.

            On se verse un verre, on jase. Au salon, l’atmosphère est cordiale et la conversation est agréable. Les amis passent un bon temps. Puis la conversation vient sur le sujet de la maladie. Aussitôt le focus est mis sur la situation de Jules.

  • Je vais bien. J’ai passé des examens au début du mois et j’ai rencontré le docteur avant-hier. Il avait d’excellentes nouvelles. Le cancer est disparu.
  • Vraiment? Ce sont de bonnes nouvelles pour toi Jules. Comment est-ce possible?
  • Le docteur parle de rémission spontanée. Que ça peut durer un temps et reprendre ou encore ne jamais revenir avant que je meurs d’un accident.
  • C’est fabuleux. rajoute Pierre.
  • En tout cas je prends la vie du bon côté. Je suis persuadé que le rythme naturel de vie que j’ai adopté ici, fait toute la différence. Pas de stress, la vie calme, le rythme des saisons. Non, plus j’y pense, plus je crois que c’est ce qui m’a guéri.
  • Tu as bien raison Jules. Passons à table maintenant, dit Pierre.

            La soirée passe tranquillement, agréablement. Jules repart vers 10 heures. Les trois amis se regardent en souriant. Ainsi la pyramide a guéri Jules. Comme on le croyait. C’est maintenant confirmé.

  • Benoît, Bernard, pensez à tout le bien qu’on pourrait faire sur la Terre.
  • Y penses-tu vraiment Pierre. Imagine-tu le travail que ça représenterait. On parle d’avoir un médecin pour 1500 personnes dans la province. Cela représenterait environ 5 000 000 de médecins donc de cubes pour la planète.
  • Oui mais en doublant le nombre de cubes à tous les deux jours ce serait faisable.
  • Extrapolons. 2 jours, 2 cubes, 4 jours 4 cubes, 6 jours 8 cubes et ainsi de suite. Théoriquement on peut y arriver dans une cinquantaine de jours. Au point de vue mathématique c’est facilement réalisable.
  • Ça n’a pas de sens. Si on pouvait recruter des gens aussi facilement on pourrait soigner tous les gens sur la Terre avec une faible partie des ressources humaines. Mettons que si la moitié de la planète s’occupait à soigner la planète entière, on pourrait être tous en bonne santé et recevoir les soins auxquels nous avons droit.
  • Oui. Sans compter que, plus les gens sont en bonne santé, moins ils ont besoin de soins. Donc à terme, un faible effort humain, 20-25% de la population, serait nécessaire pour assurer le bien-être de tous. Actuellement je ne sais pas combien de ressources sont affectées à cette aspect. Ce serait intéressant de l’étudier.
  • Pourquoi en sommes-nous si loin?
  • L’argent. C’est un bel outil que l’homme a créé. C’est ce qui a permis l’investissement massif d’efforts humains pour créer les échanges entre tous.
  • Oui mais maintenant l’argent est mal réparti. Les riches s’enrichissent et sont peu productifs, alors que les gens laborieux n’ont pas les ressources nécessaires pour assurer leur subsistance et développer leurs talents. Ils sont tellement occupés à survivre que la majorité des talents sont perdus.
  • En gros c’est ça, mais c’est pas ça. C’est l’individualisme dans lequel nous sommes plongés qui en est la cause. Nous ne mettons pas les ressources en commun en vue d’une amélioration des conditions de vie de chacun. Chacun se démerde avec son petit tas et un gaspillage éhonté de talents et de ressources sont dilapidés pour des résultats, somme toute insignifiants.
  • Que peut-on y faire? S’interroge un Pierre pensif.
  • Il y a plein de possibilités, de dire Bernard. Veux-tu vraiment qu’on en parle?
  • Oui, Ça m’interpelle.
  • Mettons les choses au mieux. Dans 100 ans. 1 000 ans s’il le faut. Chacun sur Terre a son cube et vit très bien. Il est en santé, il est bien nourri. Tout ce qu’on veut on peut l’obtenir facilement. Les gens ont des relations humaines détendues, pas de compétition, pas de lutte à la survie. C’est une atmosphère de joyeuse collaboration entre les individus. La criminalité est basse parce que les besoins de chacun sont remplis. J’ai de la difficulté à imaginer comment les gens passeraient leur temps. Mais il y aurait certainement une grande agora électronique qui mettrait les gens en communication. Bon ça c’est le portrait final. Qu’en penses-tu Pierre?
  • C’est un portrait idéal. Qui travaillerait et qui aurait la belle vie?
  • Je pense que l’on devra s’inspirer des abeilles et des fourmis pour développer une Terre où le bien de tous passe par le bien de chacun. Le partage des tâches et l’organisation sociale vont devoir évoluer grandement. Mais n’épiloguons pas sur ce sujet. On se perdrait en discussions oiseuses. Qu’il soit suffisant de dire que nous voulons bâtir une société juste et civilisée pour le troisième millénaire.
  • De combien dispose-t-on de temps? Voilà une question primordiale.
  • Que vient faire le temps la-dedans?
  • Tout. L’utilisation des ressources pour parvenir à un but se fait dans une ressource de temps. Plus on étire le temps, moins on a à concentrer les ressources. Moins on a de temps plus il faut organiser les ressources et prévoir des échéanciers serrés, ce qui fait augmenter le nombre de ressources nécessaires.
  • Le temps est donc la seule ressource incompressible?
  • Oui. Au point de vue technologiques nous avons énormément progressé dans les 100 et quelques dernières années. Pour accélérer le progrès on doit utiliser toujours plus de ressources. Exponentiellement. La croissance économique en est le résultat. L’argent est notre unité de mesure. Pas la satisfaction des besoins humains. Étant donné que l’humain est avide de possessions il dépense une quantité phénoménale de talents, d’énergie et de labeur pour amasser toujours plus pour lui. Sans égard au sort de l’autre. Donc, comparativement on a progressé beaucoup plus vite, mais pour cela on a multiplié l’utilisation de nos ressources.
  • Je comprends mais pas totalement. En tout cas on y reviendra. Où cela nous mène-t-il?
  • Aujourd’hui nous sommes au point X. Nous voulons nous rendre au point Y. Il nous suffit de remonter la chaîne d’événements qui nous mènera à Y. C’est comme la souris dans le labyrinthe dans les magazines pour enfants. C’est beaucoup plus facile de partir du fromage et remonter vers la souris que de partir de celle-ci et trouver le chemin.
  • Ce qui veut dire?
  • Identifions les conditions nécessaires à la situation Y et inférons les actions y menant.
  • Supposons que notre objectif à long terme, c’est que chacun ait son cube. Identifions la possession du cube comme essentielle au bien-être de chacun des humains. Établissons un postulat de base de travail. On pourra toujours le modifier plus tard. Supposons qu’à sa majorité, tout être humain se trouve muni d’un cube. Lors d’une cérémonie, comme celle de la majorité juive, on remet solennellement un cube et que celui-ci est maintenant la propriété de l’individu. Il est libre de l’utiliser à bon escient. Est-ce que ça fait du sens?
  • Parfaitement.
  • Qu’est-ce que ça implique?
  • Je ne sais pas et toi Bernard?
  • Moi je vous laisse aller. Je sais où Benoît veut en venir. Ça fait longtemps qu’il y pense. Bien avant que je n’apparaisse. Alors j’écoute et je ferai l’arbitre si la tension monte.
  • C’est bien dit Bernard. Je sais que tu n’as pas peur de moi. Tu me reprendras si je dérape.
  • OK vous deux. Assez de compréhension à demi-mots. Je me verse un Crown Royal et on reprend.
  • Le cube est apparu un jour quelque part dans la galaxie. Il a été inventé et fabriqué. Puis son usage s’est répandu lentement. Puis ça s’est accéléré jusqu’à un point où la progression a commencé à ralentir., pour finalement atteindre un niveau de croisière de remplacement. Supposant que le cube a une durée de vie utile quelconque, plus ou moins longue, il faut peut-être le remplacer occasionnellement en plus de la quantité de nouveau cubes nécessaires à la croissance de la population. Dieu sait à quelle vitesse progresse celle-ci.
  • Où veux-tu en venir Benoît? Comment est-ce que ça regarde notre affaire?
  • Ce que je viens de t’expliquer c’est la courbe d’adoption d’un nouveau produit. Tout produit procède plus ou moins rapidement le long de cette courbe. Au début il y a quelques initiés, puis c’est de plus en plus connu, puis c’est la rage, puis quand tout le monde commence à avoir le sien, ça ralentit pour ne laisser place qu’à un marché de remplacement. C’est comme ça pour tous les produits. Un paquet de facteurs influencent la vitesse à laquelle ça se produit mais on embarquera pas dans ces détails, c’est superflu.
  • Comme le micro-onde?
  • Oui exactement. On fait la découverte dans les années cinquante, ça commence lentement à faire son apparition dans les fast-food , puis on commence a le commercialiser dans les grandes surfaces vers les années 70 puis c’est la folie, à la fête des mères ou à Noël toutes les femmes reçoivent un micro-onde puis le marché s’épuise. On ne fait que remplacer ceux qui brisent ou encore on en donne aux jeunes qui se marient.
  • Je comprends.
  • Donc comment arrivera-t-on au marché de remplacement?
  • Il faut que ça vienne dans les mœurs. Les gens doivent trouver ça normal d’avoir un cube.
  • C’est exactement ça. Pour cela on a besoin de trois niveaux de consommateurs. Les précoces, les suiveux et les réfractaires.
  • Tu as déjà entendu parler du phénomène de la résistance au changement?
  • Oui un peu. Quand on veut apporter des changements il y en a qui sont pour, d’autres qui sont contre et la majorité dans le milieu ne savent pas trop ou s’en foutent carrément,
  • Ça ressemble à ça.
  • Les gens selon leur résistance au changement ou selon leur attirance au changement se répartiront et créeront la courbe d’adoption du produit. Peut-on gérer la vitesse de dispersion? Voilà la grosse question.
  • Ayoye mes neurones.Me revoilà sur les bancs d’école.
  • Non. Pas de panique. On va procéder lentement. On a tout notre temps.
  • Je comprend ce que tu dis mais je ne comprends pas gérer la vitesse de dispersion.
  • C’est simple et c’est compliqué. Au début on devra faire des efforts de communication. Mais, étant donné la très grande utilité du cube, la nouvelle va se répandre comme une traînée de poudre. On sera submergé par la demande. Étant donné que personne ne peut fabriquer de cube que nous, on va se faire ramasser comme c’est pas possible.
  • OK. Je vois. Comment passer à côté?
  • C’est impossible. Il faut en tenir compte dans notre stratégie.
  • Donc on veut aller à Y mais on est à X et le temps de passer de un à l’autre peut être extrêmement court parce que quiconque entendra parler du cube, en voudra un. Mais on ne fournira pas. C’est fou. Et que vient faire le 1000 ans là-dedans? Si je comprends dans deux ans tout le monde va s’arracher le cube. Ça va être la folie furieuse.
  • De là la question, est-ce qu’on peut gérer la sortie du cube. Sa phase d’introduction?
  • On fait quoi dans ce temps là?
  • On fait comme Jésus. Du porte à porte.
  • Comment ça du porte à porte? Je me vois pas aller vendre le cube. Et de toute façon combien on le vendrait?
  • Ah le prix. Voilà toute la question finale. Le prix ne sera pas en argent. Il sera en honneur.
  • C’est quoi cette idée là?
  • Nous allons partir des sectes d’initiés. Qui devront jurer obéissance à un code d’honneur.
  • Combien de temps ça va tenir ça? Pas si longtemps, si ça se sait.
  • Tout est là. À partir d’une certaine masse critique, l’explosion est incontrôlable. Il faudra qu’il y ait beaucoup de cubes en circulation pour suffire à sa dispersion. En clair il faudra que les gens qui ont un cube sache le copier pour le donner à ceux qui en veulent, et qui le méritent.
  • Comment ça qui le méritent?
  • Ben oui, Il faudra passer par un processus d’initiation.
  • T’as pensé à tout.
  • Pas tout mais dans les grandes lignes. Il y a une quantité faramineuse de détails qu’il faut aplanir et discuter. En gros, on se promène, on rencontre des gens, on les évalue quant à leurs qualités humaines et de confiance, on les instruit au cube et on les laisse se répandre. Tous ceux qui se promènent avec un cube appartiendront à une confrérie. Qui se répandra lentement. Puis de plus en plus rapidement.
  • Ite missa est.
  • Voilà c’est mon plan.
  • On commence comment et quand?
  • On a tout notre temps. On va commencer par faire un inventaire complet du cube. De ses ressources de ses modes de fonctionnement, de ses possibilités et les contraintes qu’il faut respecter. C’est déjà tout un travail. Ensuite quand on aura tout vérifié et documenté, tel un programme d’ordinateur, on procédera à la dispersion. Ça peut être cette année, l’année prochaine ou plus tard. Comme il ne faut pas l’oublier, nous avons tout notre temps.

Financement, le nerf de la guerre

            On est le dernier jour de février. L’hiver en est à son plus froid. Maintenant que chacun possède sa motoneige, qu’on a toutes les ressources nécessaires pour vivre ici indéfiniment, la vie s’écoule lentement. L’énormité de la tâche pénètre lentement l’esprit de chacun. On s’occupe à faire des randonnées, aller à la pêche et faire communion avec la nature. Les visites épisodiques de Jules, environ aux 3 ou 4 jours, ponctuent une vie occupée mais pas frénétique. Pierre a maintenant la main mise sur le ravitaillement et la cuisine. La découverte du mécanisme d’intégration à la nappe nous a grandement simplifié les choses.

            Pour intégrer une nappe corrigée, il suffit de fabriquer une nappe, effectuer les changements que l’on veut bien y faire, et ensuite dans un délai suffisamment court, retourner la poignée dans sa position originale, avant que le panneau de contrôle soit disparu. Ça veut dire qu’on peut enlever et mettre ce qu’on veut, puis à partir de ce moment, ce cube, reproduira la version revue et corrigée. Dans l’État tel qu’elle était lorsqu’on l’a enregistrée dans le cube. Le processus est relativement long. On dispose d’une dizaine de minutes pour effectuer les changements, avant lesquelles il faut tourner la poignée. L’enregistrement de la nappe prend une grosse heure. Les choses chaudes doivent vraiment être placée dans un endroit spécifique. On dirait que l’analyse commence par là et le balayage se fait ensuite sur une autre partie de la nappe. Cette seule expérimentation a occupé les jumeaux pendant 2 semaines. Le document d’accompagnement du cube compte déjà une dizaine de pages. Bien structuré ce document contient toute l’information nécessaire à l’opération du cube.

            Nous possédons maintenant 5 cubes. Le copie de l’appartement, l’original, ensuite au chalet nous avons 4 cubes. La copie de l’original, et chacun notre cube. Chacun a adapté son cube à ses besoins. Celui de Pierre contient un coffre à pêche digne des plus passionnés adeptes, une épicerie de rêve et des combinaisons.. Bernard et moi avons des cubes qui se ressemblent étrangement. Très près du cube original. On a enlevé ce qui semble être les outils et les armes et on utilise la place libre pour des outils de communication tel, portable, cellulaire, imprimante et papier, et une quantité appréciable de piles nécessaires à leur fonctionnement. La génératrice ne sert plus qu’à Pierre qui regarde la télévision pendant des heures.

            Attablés devant un rôti de bœuf appétissant, accompagné de pommes de terre dauphinoises, de brocoli et de sauce chasseur, un bon verre de vin bien plein et du pain chaud, Pierre, Benoît et Bernard mangent allègrement tout en devisant.

  • Délicieux ton rôti Pierre.
  • Merci Bernard. J’adore cuisiner avec le poêle à bois dans la cuisine d’été.
  • Oui. Ça a un cachet unique, qui se goûte.
  • Tu ne t’ennuies pas?
  • Pas du tout. Je suis très à l’aise avec vous et j’adore me promener en motoneige. J’apprends le territoire et je me retrouve très bien. Je dors tout mon saoul et j’ai mes plaisirs gastronomiques. Que demander de plus?
  • En effet. Quant à Bernard et moi les mystères du cube nous occupent l’esprit abondamment. Pas le temps de s’ennuyer. C’est un charme de travailler ensemble.
  • Benoît dis-moi. Où en es-tu dans ton processus, moi je ne m’occupe que des aspects techniques mais toi tu es souvent perdu dans tes pensées. Quelles sont tes préoccupations?
  • Bernard, j’en ai plusieurs. Mais principalement je travaille pour me sortir du pétrin.
  • Lequel?
  • Les finances. J’ai la paix à la banque parce que j’effectue des paiements mensuels sur ma marge de crédit et sur ma carte. Mais Il ne me reste que peu de marge de manœuvre. On a beau être auto-suffisants ici, toujours faut-il composer avec le monde extérieur. Il faut absolument trouver une source de financement pour nos projets. Ça ne presse pas, remarque. Le bien-être qui entre à tout les mois, couvre l’essentiel. J’aimerais cependant mon indépendance. Être libéré de l’aide sociale.
  • Oui en effet je n’y avais pas songé, occupé que je suis par le cube. Je suis totalement plongé dans son univers.
  • Oui et c’est bien. Je n’ai pas à être aussi intense au niveau technique. Mais notre objectif m’occupe constamment l’esprit. Et je suis à mettre en place un plan d’entreprise.
  • C’est bien. On se spécialise.
  • Oui. C’est excellent.
  • Vous deux, vous n’êtes plus un?
  • Non. Nos pensées se sont grandement individualisées. Bernard a beaucoup analysé le cube. C’est lui qui le documente et l’expérimente. Moi je suis plutôt assistant technique. C’est lui qui contrôle l’expérimentation. Moi j’utilise mon temps pour le processus administratif.
  • C’est quoi le processus administratif Benoît?
  • Planifier, organiser, diriger, contrôler.
  • OK et tu planifie quoi?
  • Notre objectif.
  • Lequel?
  • Partir une entreprise qui fera, à terme, que chaque individu majeur possède son cube.
  • T’es encore là- dessus? Je pensais qu’on avait passé cette étape.
  • Non. L’objectif est clair net et précis. Tout notre travail doit être jugé à l’aune de cet objectif.
  • Ça ne coûte rien, on a tout ce qu’il faut. On n’a qu’à abandonner nos appartements et à venir vivre ici. Ça nous coûte rien.
  • C’est une possibilité. Mais tôt ou tard il nous faudra quitter cet endroit et parcourir le monde. Ça prendra de gros moyens. De plus le secret ça coûte cher en temps et en ressources. Surtout en temps.
  • Je suis dépassé. Explique-moi.
  • Pierre, que penses-tu que les gouvernements vont faire? Nous laisser aller tranquillement? Il y aura des rumeurs, des enquêtes, des plaintes et tout ce qui se passe dans les relations humaines. Prend  l’exemple de la Mafia. Ils ont un code d’omerta mais on entend plein de rumeurs, il y a plein d’enquêtes et de descentes de police. Nous allons créer une vague humaine jamais vue sur Terre. La libération des individus. La politique va être ébranlée. Je vois même disparaître les nations. Comment nous organiserons-nous?
  • C’est la plus grande commotion depuis la sortie des juifs d’Égypte.
  • En effet. Et ça prendra une succession de petits miracles.
  • Pour en revenir au financement, combien penses-tu que ça va coûter?
  • En dollars? Relativement peu. En actions et en temps, une succession de vies.
  • Plus d’une vie? Comment faire?
  • J’y travaille, j’ai mon idée. Mais il faut encore survivre quelque temps et on a besoin d’argent.
  • Combien?
  • Je sais pas. 5 ou 6 millions.
  • Combien? Es-tu fou?
  • Non et ce doit être relativement facile. Je n’ai pas trouver encore comment mais j’y travaille.
  • 5 millions. Tu y penses?
  • Oui mais c’est pas tout d’un coup 5 millions, pouf!
  • Non, j’espère. Que devra-ton faire pour trouver l’argent.?
  • Je sais pas mais on a tout ce qu’il faut. Il suffit de se creuser les méninges. N’oublie pas que nous avons le cube.
  • On pourrait vendre des combinaisons blanches elles sont vraiment formidables.
  • Oui, j’y ai pensé. Mais c’est une grosse organisation et comment justifier le processus de fabrication? On a les extrants mais pas d’entrants. Comment justifier un profit de 100%
  • On trouve une façon de blanchir l’argent et on opère.
  • Alors pourquoi ne pas tout simplement blanchir de l’argent, émet Bernard?
  • J’y ai pensé. On fait de la vraie fausse monnaie. Indétectable à part du numéro de série. Les gouvernements seraient sur notre dos à une vitesse vertigineuse.
  • Il y a certainement un moyen d’y arriver. Réfléchissons.
  • Je ne fais que ça réfléchir. Le pire c’est que l’on dispose de tout l’or qu’on veut. Combien vous pensez que ça vaut une pyramide en or. Et tous les petits cubes que l’on peut fabriquer?
  • C’est ça. Fabriquons des petits cubes.
  • On peut pas les vendre. Je suis sûr qu’il sont purs. J’ose même pas en faire analyser un. J’ai peur d’éveiller des soupçons. C’est un marché très volatile l’or.
  • Le pire c’est qu’il y en a certainement un peu dans les montagnes ici et même dans les ruisseaux et les rivières dit Bernard.
  • Attends une minute Bernard. Tu touches quelque chose. Laisse-moi réfléchir.
  • Bernard tu veux tout de même pas qu’on joue les prospecteurs? J’ai pas envie de ça moi et surtout pas avec l’état de mes bras.
  • OK écoutez-moi. Je viens de trouver la parade parfaite. Le processus simple. KISS (tiens ça simple, stupide) . J’ai envisagé acheter des plaquettes d’or, les reproduire et les revendre. Mais le marché des plaquettes est contrôlé. Chacune comporte un numéro de série. On a le même problème qu’avec l’argent. Mais on peut acheter une quantité de poussières d’or que l’on reproduira et vendra. Ça marcherait.
  • C’est génial. On ne peut l’identifier, l’or est d’origine terrestre et on peut certainement dire qu’on l’a trouvé dans le nord. Il doit exister un marché pour ça?
  • Demain je fais des recherches internet. On verra.

            Au salon, Bernard nous résume ce qu’il a trouvé. S’étant consacré, au début, à comprendre le fonctionnement de la nappe, il avait essayer de nettoyer celle-ci. Il avait beau enlever des choses, celles-ci réapparaissaient à la prochaine occasion. Puis, essayant de tourner la poignée pendant que la nappe était devant il s’est aperçu qu’il pouvait la remettre dans l’état original sans attendre, contrairement à quand la pyramide est là. Après plusieurs essais, de faire réapparaître la nappe infructueux, la poignée a de nouveau répondue à la commande. Finalement il a compris l’utilité du phénomène et expérimenté le tout. Cette expérimentation a consommé tout son temps. De même, la constitution du document d’accompagnement. Il se propose maintenant d’identifier et documenter, un à un, les objets sur la nappe d’origine. Il émet aussi le doute que la quatrième face du cube cache peut-être une autre opportunité. Et pourquoi pas faire plusieurs tour de poignées? On verra, il faut procéder méthodiquement.

  • Finalement, mes amis, on n’est pas au bout de nos surprises. J’en suis convaincu. Une chose m’inquiète cependant. Quand la circulation va reprendre, que les gens envahiront le territoire, nous ne pourrons procéder dans le secret, comme actuellement? Où irons-nous?
  • Je ne pensais pas y arriver tout de suite, mais peut-être faut-il faire une autre copie?
  • Une copie de quoi, Benoît?
  • De moi.
  • Pourquoi?
  • Il se promènerait dans la province, s’occuperait de mettre au point une méthode d’achat d’or et de vente. Il aurait comme tâche principale de trouver un endroit où nous aurons tout le loisir de vaquer à nos occupations dans le plus grand secret et la sérénité.
  • Oui mais ça va coûter de l’argent ça. On n’en a plus beaucoup.
  • J’ai imaginé qu’on pourrait faire un coup. Un seul.
  • Un hold-up?
  • Non. Reproduire de l’argent et aller l’échanger dans plusieurs banques. On pourrait facilement recueillir 100 ou 150 mille dollars en cash. Assez pour laisser éteindre tranquillement notre dette au fur et à mesure que l’aide sociale entre. Nous n’utiliserions que du comptant pour toutes nos opérations.
  • Nous ferions aussi une copie de Pierre et de moi et nous retournerions occuper nos logements respectifs et vivre normalement.
  • Et quand pensais-tu nous dire ça, Benoît, dit un Pierre médusé?
  • J’y ai pensé, il y a longtemps mais j’attendais le moment opportun. Il semble que ce soit ce soir.
  • Comment pourrons-nous vivre normalement, avec ce que nous savons? Nos doubles vont être tourmentés.
  • Je le sais. C’est ça le hic. Aussi ais-je pensé, que chacun le ferait à tour de rôle. Pour une période, d’un  mois ou deux. Ce serait comme une sorte de période de vacance, de repos. N’oublie pas que ça fait 5 mois que nous sommes partis de notre appartement. Ça doit faire jaser.
  • Et quand ferions-nous ça?
  • Bientôt. Avant l’arrivée du printemps.
  • Donc on résume?
  • Voici comment je vois les mois à venir. On me copie, je parcours la province en ramassant de l’argent et je trouve un lieu où on peut agir à long terme, en ayant la possibilité de régler le problème de l’or. On déménage nos pénates et on opère tranquillement. Pendant ce temps nos doubles vivent une vie normale à Montréal. On peut faire plein de petits voyages et de petites activités ensemble. Tout le monde se tient en contact grâce à internet. Ça durera le temps qu’il faudra. Jusqu’au jour où on passera à une prochaine étape.
  • C’est quoi la prochaine étape?
  • Je ne sais pas encore. Mais je crois que ce sera quand on estimera savoir exactement les ressources du cube et qu’on sera prêt à élargir le cercle des initiés.
  • Benoît ça peut prendre des années, faire le tour du cube.
  • Ainsi soit-il. On n’est pas pressé. Il ne faut rien précipiter. On n’a qu’une chance de réussir et encore elle n’est pas si grande par rapport aux chances de se planter.
  • Pierre, es-tu prêt à te faire copier?
  • Je suis pas certain mais s’il le faut je le ferai. C’est juste que mon double va trouver difficile de retrouver la vie de routine que j’avais.
  • Mais ce n’est pas ton double qui va retourner à la vie casanière, c’est toi.
  • Mais, je pensais demeurer ici avec vous?
  • Tu y resteras aussi.
  • Je comprends pas.
  • C’est toi qui reste ici et c’est toi qui part. Les deux ne se distanceront que plus tard.
  • J’hallucine, c’est dément.
  • Bienvenu dans le monde du cube.
  • Bon. Le programme semble adopté. Un petit drink avant de se coucher. Un toast au succès de nos entreprises.
  • À nos entreprises.
  • Qu’un jour tous les humains soient aussi choyés que nous.

            Le jour se leva, magnifiquement. Je regarde dehors et le soleil domine la montagne en face. Le ciel est bleu uniforme et aucun nuage n’encombre la vue. On passe à une autre étape aujourd’hui. On crée une nouvelle équipe et on ajoute un autre équipier. Nous allons être maintenant 6 conspirateurs. Les Benoîts et Pierre de Montréal, nous trois au chalet, et le Benoît itinérant. Au fait comment l’appellerons-nous? Ben. C’est parfait. Mes pensées défilent lentement lorsque Bernard se lève et vient me rejoindre.

  • Nerveux?
  • Excité. La proximité de l’action rend mes pensées plus graves. Tant que ce n’était qu’une vue de l’esprit, c’était théorique. Un jeu. Mais la gravité des gestes que nous allons poser me rejoint maintenant. A-t-on passé le point de non retour?
  • Non Tant qu’on n’a pas de nouveaux initiés, il y a toujours moyen de reculer.
  • Que ferions-nous des doubles? Qui seraient les doubles? Maintenant qu’ils existent, ou sont sur le point d’exister, quels droits avons-nous sur eux? Qui peut juger quoi? Une fois créés ils sont autonomes et ont tous les droits. C’est mon intime conviction.
  • Effectivement. Je n’y avais pas pensé. Qu’il soit donc convenu que nous devrons, dès maintenant, être très sélectifs et qu’il devra être impérieux de créer une nouvelle vie. Celle-ci étant sacrée.
  • Je me demande quelle philosophie ont les extra-terrestres? Quelles tensions les habitent? Comment ils ont surmontés l’utilisation de tous ces pouvoirs?
  • Un jour, nous aurons peut-être la chance de les contacter? Ce sera un grand moment.
  • T’imagines le bouleversement sur la Terre? Incroyable.
  • Je me suis souvent demandé ce que je ferais si j’abordais une planète vivante, avec un soupçon d’intelligence dans la population. Je crois que le plus sage serait de faire comme les extra-terrestres. Observer et attendre. Est-ce un accident qui nous a donné le cube, est-ce une expérience? Est-ce la première fois ou est-ce la répétition de nombreuses tentatives à différents moments de notre histoire? Les idées les plus folles me viennent et les possibilités sont incalculables. Je m’y perds.
  • C’est effectivement fascinant comme dirait Spock. Où en es-tu dans le processus administratif?
  • Mon plan d’entreprise contient une vingtaine de pages et la majorité de ces pages sont des questions. Plus j’avance, plus je m’étends. Il me faut continuellement synthétiser pour ne pas me perdre. Quand nous aurons trouvé l’endroit où continuer à procéder, il faudra créer des équipes. C’est trop pour un seul cerveau. C’est comme toi, il faudra plusieurs techniciens pour tout identifier. Il nous faut quand même accélérer, mais surtout élaborer une grande méthodologie pour faire le tour du cube et de la nappe. C’est fini le temps du travail artisanal. Il nous faut rationaliser.
  • Oui. Je crois que tu as raison. Déjeunons copieusement et remplissons nos tâches. Il faut que ce soir, Nous soyons en route pour réintégrer nos appartements et que Ben soit parti.
  • C’est impossible pour ce soir.
  • Pourquoi?
  • Il faut créer 2 cubes. Un pour Ben et un pour Pierre à Montréal. J’ai parti le processus du cube de Pierre quand je me suis levé. Pour ce qui est de Ben j’ai pensé au cube original. Il aura tout le loisir de l’adapter à ses besoins. Il faut donc être prêts pour après-demain. J’ai l’intention de demander à Pierre d’éloigner Jules pour qu’on puisse évacuer les trois individus sans problème.
  • Excellente idée. Bon mangeons et agissons. Ça me démange.

            Les gens sont partis. Le financement est en cours et la recherche d’un endroit pour s’établir est débutée. Ben a une mission extrêmement importante pour la suite des choses. Nos deux doubles sont probablement rendus à Montréal et ont donc réintégrés les appartements. Tout s’est bien passé. La vie d’avant reprend ses droits, Pierre fait ses tâches et regarde abondamment la télévision. Bernard se promène d’un objet à l’autre et documente ses trouvailles. Moi, je dors beaucoup, je prends des marches dans la forêt, je réécris continuellement mon plan d’entreprise. Les jours coulent lentement mais intensément.

L’oasis

            Après avoir réglé les problèmes d’intendance monétaire, avoir fait parvenir l’argent au chalet, et exploré le Québec de façon assez sommaire, Ben a choisi l’Abitibi comme région privilégiée. Ayant adopté le statut de chercheur d’or, il a socialisé avec les gens frayant dans ce domaine. Rapidement il a pris connaissance du vocabulaire et des préoccupations de ces gens dotés chacun de personnalité forte et indépendante mais animés d’une grande camaraderie. Les efforts de Ben ont permis d’identifier quelques endroits possibles. Méticuleusement, il a exploré les différents lieux et il hésite entre trois localisations. Il faudra convenir d’un lieu de rencontre, où ensemble, les conspirateurs décideront de la suite des événements. Le plus simple serait de se voir en Abitibi.

            La réunion a  lieu au mois d’août. Dans un chalet de la Sépaq dans la Réserve. Les retrouvailles furent joyeuses et étranges. Ben a préparé une session d’information pour mettre tout le monde au fait de la progression de ses démarches. Un long exposé de 2 heures a permis de mettre chacun à niveau.

            Saisissant la balle au bond, Bernard nous a remis un exemplaire de son manuel d’utilisation du cube. Une brique de 200 pages. Et encore, ce n’est qu’un début, il n’a pas fini d’explorer la nappe. Les faits marquants sont l’utilisation des différentes combinaisons et les surprises ne manquent pas. Tous les miracles du Christ sont expliqués et rendus technologiquement possibles. Ainsi la combinaison rouge est-elle un scaphandre permettant probablement d’évoluer dans toutes les conditions, y compris le vide. Du moins Bernard le suppose-t-il. La combinaison bleue est fantastique. Elle permet de léviter et se déplacer dans l’espace. Ce qui explique comment le Christ a marché sur les eaux. Dernier miracle insoluble. Cette combinaison permet de jouer avec les forces gravitationnelles. Bernard a réussi à maîtriser le fonctionnement après de multiples déconvenues, dont le récit nous a bien fait rire. Finalement la combinaison noire est la plus agréables. On la met pour dormir. Elle permet de rêver et de voyager en esprit. Les réveils sont fantastiques. Souvent, au réveil, la solution à un problème ressenti la veille, trouve une réponse au matin. Si on n’a pas la réponse, du moins avons-nous une idée du procédé que nous devons expérimenter. Il n’y a pas d’autres découvertes fantastiques. Le manque de points de références permet aux objets présumés comme armes et outils, de conserver tout le mystère du départ.

            Les deux Pierre se sont surpassés. Un festin attend les convives lors du souper. Les conversations vont bon train. Tout le monde échange et discute allègrement. Réunis au foyer dans le salon, chaque membre de l’équipe consommant son digestif préféré, Benoît prend la parole.

  • Il nous faut maintenant choisir l’endroit où se poursuivront nos démarches. Devrais-je dire notre conspiration? Qu’en pensez-vous?
  • Chaque endroit semble approprié. Ben a fait du bon travail. Personnellement, l’endroit le plus à l’écart m’attire. Très peu de circulation car l’endroit a fait l’objet d’une exploration intense dans les années 50, le potentiel ayant été jugé faible par l’ensemble des prospecteurs, l’existence de certaines installations, relativement fonctionnelles, surtout avec les améliorations qu’on peut y apporter grâce au cube, tout concoure d’après moi pour ce choix. Il n’y a pas beaucoup d’avantages relatifs entre les différents choix. C’est pourquoi je penses que la distance est le critère le plus adéquat pour fixer le choix.
  • Très bonne analyse Bernard. Qu’en penses-tu Ben?
  • Je suis d’accord. J’en étais arrivé aux mêmes conclusions. Je ne voulais pas vous influencer c’est pour ça que je vous ai laissé l’occasion d’en discuter.
  • Très bien. Disons donc que nous migrerons les activités vers ce lieu pour le début septembre. Ben s’occupera des détails de propriété légale et de régularisation de la situation. Bernard et moi allons régulariser la situation au chalet. Pierre de Montréal et Benoît de Montréal vont réintégrer les appartements comme si de rien n’était. On procédera à la relève de ceux-ci en décembre et l’échange se fera en pleine tempête. Il faudra toujours effectuer nos déplacement dans des conditions climatiques difficiles. Ça aidera à passer inaperçus.
  • Et comment Ben a réussi à contourner le problème des finances demande Pierre?
  • C’est facile finalement. À condition de procéder par petites quantités, on peut vendre de la poussière d’or dans plusieurs points d’achat. Ce sera ma tâche d’aller faire le tour de temps en temps pour vendre de l’or et ainsi créer un pactole intéressant. Je mettrai sur pied une compagnie de holding qui possédera plusieurs petites compagnies. Celles-ci vendront de l’or à un rythme lent et on regroupera lentement les sommes dans le holding. Celui-ci nous permettra ensuite de créer toutes les compagnies qui procéderont à toutes les activités dont nous aurons besoin. La structure est très flexible et nous permettra d’étendre nos activités à la face du globe, sans attiré trop l’attention.
  • C’est formidable. On a accompli beaucoup de travail en un peu plus d’un an, depuis la découverte du cube. Continuons notre beau travail. Demain nous passerons à la réalisation de la migration. Alors bonne nuit messieurs. Un dernier point cependant. Le manque de présence féminine est-il un problème pour quelqu’un?

            Tous se mirent à rire. Effectivement, le célibat forcé avait bien été subi par chacun. Mais c’était un besoin latent. Benoît venait d’exprimer quelque chose que chacun, de son côté, avait ressenti à un moment ou à l’autre. Ben fut chargé de résoudre cet aspect. Nous devions trouver une, ou plusieurs femmes, pour partager nos aventures et nous faire bénéficier de leur apport à notre vision purement masculine. Nous nous devons de vivre une vie agréable, satisfaits pleinement, et qui sait le temps que nous passerions dans la clandestinité?

            En octobre, la neige, recouvrant déjà notre domaine, la vie se déroule paisiblement. Bien installés, dans des bâtiments qui ne paient pas de mine de l’extérieur mais dotés de tous les progrès de la technologie à l’intérieur, nous vivons une vie calme et industrieuse. Chacun vaque à ses occupations. Tout baigne dans l’huile. Dans notre petit monde, la vie est agréable et remplie de satisfaction. Ben a réussi à trouver la perle rare. Une femme merveilleuse. Intelligente, altruiste, réfléchie, dotée d’une personnalité attachante et d’un grand sens de l’humour. Encore plus important, c’est une avide lectrice de science-fiction. Elle fait preuve d’une ouverture d’esprit qui rivalise avec celle de nos amis. Anne, s’est adaptée à la vie communale d’une façon extraordinaire. D’emblée, elle a accepté de se multiplier. Un curieux mode de vie s’installe dans la petite communauté maintenant composée des six hommes, Benoît, Bernard, Ben, Benoît de Montréal, Pierre de Montréal, et Pierre d’ Abitibi. Chacun a sa compagne qui l’appuie et participe aux activités.

            Les Anne s’accommodent bien de la situation. Elles sont toutes amies et une curieuse relation les unit. Elles aiment être le centre de l’attention des hommes. Il a été question de trouver d’autres femmes pour meubler leur solitude mais celles-ci se sont déclarées parfaitement à l’aise avec la situation. Que de choses auraient pu mal tourner. Des tensions, des jalousies, des tiraillements de toute sorte. L’importance de la tâche, l’énorme quantité de travail et de cogitations, la quiétude des conditions de vie et toutes sortes d’autres considérations ont concouru à ce que tout se passe de façon harmonieuse. Il faut dire que l’amitié qui lie Pierre et Benoît est solide et basée sur des tempéraments très proche l’un de l’autre. De plus, les besoins étant pleinement satisfaits, la bonne nature des individus faisant que la simplicité était de mise, la vie était très agréable. On pourrait dériver dans l’espace, petite communauté autonome, pour un temps indéterminé. Ça ressemble peut-être à ça la vie des extra-terrestres. Errant sans fin, à la recherche des secrets de l’Univers.

Cinq ans plus tard

            Pierre règne en maître sur l’organisation de la petite communauté. Il s’occupe de toutes les questions d’intendance. Les Anne l’aident dans cette tâche, diététiciennes qu’elles sont de formation, leur permettant de suggérer différentes améliorations au menu de celui-ci, ce qui ajoutait une touche artistique à la présentation des plats. Il ne veut toujours pas se dédoubler. Psychologiquement il a toujours des réticences à se voir. Pour des raisons de confort psychologique de Pierre on a dû raccourcir les périodes de veille. La vie à Montréal lui pèse, à lui comme à son double. Voudrait-il que l’on termine sa vie à Montréal et que les deux soient ici à temps plein? Il n’en est pas certain et ça le tracasse. Il a eu de nombreuses discussions à ce sujet avec Bernard et Benoît. Lesquels? Ils sont maintenant une vingtaine. On a dû intensifier la quantité des techniciens pour réussir à découvrir les secrets du cube. Trois Benoît travaillent en équipe pour voir à l’organisation. Tout le monde a une tâche et les choses évoluent lentement, mais méthodiquement Une grande réunion est prévue pour le temps des Fêtes. Tout le monde sera présent. Benoît et ses aides ont conçu les plans d’un congrès où de grandes décisions seront prises. Il est temps de préparer l’orientation des années à venir. Les Technologies OTW (out of this world) disposent d’un capital imposant. Une quarantaine de compagnies gravitent dans son giron.  Toutes bien organisées et financées. Ben a accompli un travail fabuleux. Seul avec sa Anne. Ils ont patiemment monté les compagnies, les ont équipées de structures solides et bien équipées de ressources humaines. Chaque employé a été trié sur le volet. Des qualités de base communes ont été recherchées chez chacun. La structure d’emploi est basée d’abord sur les qualités recherchées chez les candidats et candidates. On dispose d’une armée de près de 200 employés triés sur le volet. Le holding possède une équipe de spécialistes qui tiennent à jour un profil complet de chacun des employés. Rien n’est laissé au hasard. On approche du moment crucial.

            Pendant que les Pierre s’affairent à préparer le banquet, appuyés de quelque Anne, les Benoît, Bernard, Ben et autres, de même que toutes les Anne disponibles, sont réunis au fond de la mine aménagée en salle de conférence. Ils sont une cinquantaine en tout. Assis à une table devant l’auditoire, 3 Benoît scrutent l’assemblée. L’impensable étant la normalité, personne n’est intimidé par l’abondance de clones. Benoît commence son discours de bienvenue.

            Bonjour chacun, chacune. Vous me voyez heureux mais anxieux de vous présenter un état de la situation ainsi que le plan d’invasion de la planète. Oui. Nous en sommes rendus là. De grandes décisions doivent être avalisées. On doit tous s’entendre sur un plan d’action duquel dépend le sort de l’humanité. Ça fait James Bond pas mal, mais c’est la meilleure façon d’exprimer la situation. Nous avons travaillé, intensément mais jovialement, chacun de notre côté, pour évaluer nos ressources et préparer l’atteinte de notre objectif. Celui-ci étant de doter chaque humain des bienfaits du cube.

            Laissant pénétrer le poids de ses paroles, Benoît prend une gorgée d’eau. Mesdames et messieurs, le cube n’a plus de secret pour nous. Les Bernard ont accompli un travail de moines pour étudier méthodiquement toutes les possibilités offertes par le cube. Il y a bien quelques objets dont on ne connaît rien ou à peu près mais nous avons fait ce que nous pouvions pour éclaircir les mystères de chacun. Le manuel d’accompagnement du cube contient 650 pages bien remplies. Les merveilles que nous avons découvertes sont fabuleuses. Je vous suggère d’au moins feuilleter attentivement ce manuel. Ainsi nous pourrons deviser en connaissance de cause. Avant d’aller plus loin, je suggère que chacun prenne son exemplaire et le parcourt, avant que nous allions plus avant dans la discussion. À cet effet j’ai prévu deux jours pour cette activité, soit prendre connaissance des choses entourant le cube. Nous aurons ainsi une compréhension globale qui nous permettra de prendre de bonnes décisions.

            Pour ce qui est de maintenant, immédiatement, les deux autres Benoît et moi sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. Quelles qu’elles soient. Comme vous les savez nous sommes totalement confiants en vous tous. Un luxe que nous ne pourrons plus nous permettre plus tard.  Je vous invite donc tous à un magnifique banquet qui aura lieu ce soir ici. Pierre et Pierre nous ont assurés que nous en serions quittes pour une belle soirée. Bon congrès et bienvenue chez vous.

  • Benoîts, que pensez-vous de mon discours?
  • Très bien. Bien senti, bien livré, droit au cœur du sujet. Je ne vois rien à ajouter.
  • Moi de même. Allons nous rendre disponibles à nos compères.

            Un petit attroupement s’est créé au centre de la grotte. Deux heures plus tard il ne reste ici, que les 3 Benoîts et Bernard. Tous les autres ont migré dans leur chambre pour prendre connaissance du volumineux document. Bernard a accompli un travail formidable. Bien conçu et structuré, le document est d’un abord simple, dépouillé de termes savants. Chaque éventualité est présentée simplement, expliquée schématiquement et textuellement. Chaque individu, possédant déjà une connaissance globale du cube, devrait pouvoir faire le tour dans la journée. Le programme d’aujourd’hui et de demain permettant d’évacuer la pression, on devrait pouvoir passer aux choses sérieuses après-demain.

            Le banquet est fabuleux. Quantité de plats et de victuailles tout aussi bons les uns que les autres. Il y a un atmosphère à la fête et à la décontraction. Les conversations vont bon train. Les groupes se formant et se répandant continuellement. Tard dans la nuit, la grotte résonne encore des discussions. Peu à peu les gens se dispersent et regagnent leur quartier. On met de l’ordre dans la grotte et on prépare celle-ci pour le déjeuner de ce matin. De petits cercles de chaises sont aménagés pour permettre l’échange entre les individus.

            La journée se passe de façon informelle et tout le monde est bien à l’aise. Tout se passe très bien. Chacun met la main à la pâte pour réorganiser la grotte pour le lendemain. On sent quand même une certaine tension se bâtir. La gravité du moment pénètre la conscience de chacun. Les discussions s’amenuisent et c’est gravement, du moins sérieusement que chacun s’assemble pour participer au congrès qui décidera de la suite des événements. Chacun est pénétré de son importance et se prépare à tout mettre en œuvre pour le succès de l’entreprise.

            Bienvenue de nouveau, chacun, chacune. Je déclare ouvert le congrès d’ OTW intitulé « Un homme, Un cube ». Vous avez tous parcouru le document de Bernard. J’en suis convaincu. L’avant-midi sera consacré à une plénière où il sera  loisible de répondre à toutes les questions concernant le cube. Aucune question n’est trop simple ou compliquée. Les Bernard seront aussi disponibles pour répondre à tous. Je prends une grande précaution pour que chacun soit au fait de tout. Cet après-midi j’élaborerai sur un plan d’entreprise et un protocole de dispersion. Suite à leur adoption, quand nous en aurons terminé, nous procéderons à la réaffectation de chacun de nous et au partage des tâches. Nous établirons la marche à suivre et les modalités de notre plan final. Je procède lentement et je veux bien établir que nous ne sommes pas pressés. Rien ne nous bouscule. Après cette étape les choses prendront une allure accélérée et il nous faudra danser aussi vite que le tempo. Il nous est possible de préparer minutieusement notre sortie. Alors ne la ratons pas, surtout pas par empressement.

Plan

            Un plan complet a été développé et adopté à l’unanimité. Il a fallu 5 jours de congrès pour le pondre. Et une journée de plus pour l’adopter. Tout le monde est convaincu d’avoir prévu le maximum. Le compromis portant sur la durée du plan a été le morceau le plus difficile à concocter.

            Mesdames et messieurs, voici le compte-rendu final de notre congrès. On s’accorde une période de 10 ans pour procéder à la dispersion du cube. La première année sera consacrée à l’élaboration de la cérémonie de passation du cube. Ainsi on procédera auprès de chaque employé du holding à l’initiation au cube. Ceux-ci viendront en petits groupes, participer à une cérémonie d’initiation. Au bout du processus, nous aurons mis au point, nous l’espérons, un cérémonial d’initiation et de passation du cube. Ce cérémonial sera fait de façon à ce que seulement 2 personnes y participent. L’assemblée a jugé que des manifestations de masse desserviraient notre objectif et amèneraient des possibilités de fuite. Ainsi il y aura un maître, possédant le cube, et un initié qui doit gagner le respect du maître. Selon notre estimation, au bout d’un certain temps il se créera différentes sectes. Il faudra être très attentif à ce que le message ne se dilue pas. Il faudra aussi faire attention aux amplifications. Pour que l’intégralité du message soit protégée, un document sera conçu et devra scrupuleusement être suivi pendant l’initiation. On écrira un livre, basé sur notre histoire, dans lequel le document sera inclus. On le fera traduire en plusieurs langues. On ouvrira dans tous les pays du monde des succursales de nos compagnies. On y dispersera nos employés et ceux-ci seront les agents instigateurs du changement. Tous les efforts de chacun seront enlignés à découvrir des personnes dignes de recevoir le cube et qui sont en plus, discrètes. 3 ans. C’est le temps qu’il faut tenir. Après c’est à la grâce de Dieu. Tout peut se régler en deux ans ou moins. On aurait atteint plus de 50% de la population mondiale. Les pays industrialisés seraient les premiers convertis. Les bouleversements sociaux seront terribles. La pression sur les gouvernements sera intenable. Des manifestations auront lieu tous les jours dans les rues. Ce sera probablement apocalyptique. Les services gouvernementaux seront les premiers déstabilisés. Au fur et à mesure que les gens atteindront l’indépendance matérielle grâce à la possession du cube, ils abandonneront leurs emplois. Tout dépendra du cérémonial de passation du cube. C’est la pierre angulaire. Premièrement la sélection des candidats mais aussi leur formation, oserais-je dire leur endoctrinement.

            Voilà, c’est dit. Nous allons manipuler les gens. On ne peut plus se mettre la tête dans le sable. Nous avons décidé du destin de l’humanité et nous allons la contraindre à y adhérer. Que Dieu nous vienne en aide. Mesdames et messieurs, ce soir, en revêtant vos combinaisons noires, pensez à ce que nous nous apprêtons à accomplir. Recueillez-vous avec l’espoir d’être les messagers d’amour comme nous en avons la ferme intention.

            Un comité sera mis sur pied pour élaborer un projet de cérémonial. Tous ceux qui sont intéressés sont les bienvenus. Un autre comité verra le jour. Sa responsabilité sera d’organiser le lieu de rencontre des initiés, choisir les premiers élus et procéder à la première expérimentation. Suite à celle-ci un retour sera fait en groupe pour analyser les données et soumettre des recommandations de changements à apporter. Le processus sera reporté autant de fois que nécessaire. Aussi longtemps qu’il faudra pour atteindre le perfection. Finalement, un autre comité aura comme tâche de procéder à la dispersion et au recrutement. Dispersion des effectifs que nous aurons formés, et recrutement de personnel pour remplacer les individus en formation.

            Pendant ce temps, le groupe original composé de Benoît, Bernard, le premier Pierre, Ben et nos Anne continuera à s’occuper des opérations courantes pour alimenter nos compagnies en or et en directives. Notre porte sera toujours ouverte et nous répondrons à toutes les questions. La supervision  globale sera effectuée par notre groupe auquel chacun des comités sera redevable. Des rapports quotidiens devront être produits et transmis. La mine sera aménagée en quartier général où chacun disposera de son bureau et de tout l’équipement technologique nécessaire. Les ressources en clones seront ouvertes de façon à ce que nous soyons pleinement opérationnels dans un an.

            Finalement, si vous pensez à quoi que ce soit, n’hésitez pas à nous en faire part. Quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter?

            Un silence respectueux règne sur la salle. Tout le monde est pénétré de la gravité de ce qui vient d’être décidé. Le point de non retour est atteint. Le bateau est mis à l’eau. On espère tous qu’il va flotter indéfiniment. Une pancarte identifiant chacun des comités est mise en évidence. Les gens commencent à s’y agglutiner. Étant donné que ce sont tous des gens volontaires et indépendants les talents sont bien répartis et il n’y a aucune inquiétude que le travail sera bien fait. La confiance est parfaite. Il nous faudra maintenant intégrer de nouvelles forces à l’intérieure de l’organisation centrale. Profiter des meilleurs éléments que nous identifierons au fur et à mesure des formations. Seuls quelques élus auront droit à la multiplication. Celle-ci étant bannie du protocole de passage, bien entendu. La phase de développement est maintenant terminée. Débute l’implantation. Avons-nous pensé à tout? Certainement pas. Avons-nous tout prévu? Encore moins. C’est donc avec une certaine appréhension que nous attendons les premiers feed-back

L’imprévu

            Assis dans le bureau de Benoît, Pierre et Pierre se tiennent penauds. La situation, pour eux, est intolérable. La pression psychologique qui existe entre les deux est pénible pour chacun d’eux. Ils ne peuvent se faire un à l’autre. L’admission de ce problème est le résultat d’une longue discussion entre les deux. Ils se sont résolus à en parler à Benoît après avoir fait de vaines tentatives pour en arriver à un modus vivendi.

  • Voilà la situation. Ce n’est pas une question de bonne volonté. Nous avons tout essayé. Mais le temps n’arrange pas les choses. Nous ne sommes pas capables d’être ensemble. Nous sommes extrêmement inconfortables, l’un en présence de l’autre. Le fait qu’un aille à la pêche ou en expédition pendant que l’autre travaille au réfectoire pour la préparation des repas avec les Anne ne résout pas la tension qui existe. Nous ne savons plus quoi faire.
  • Et ça fait longtemps que ça dure?
  • Depuis le début. Tout le temps que nous étions séparés, l’un à Montréal et l’autre au chalet, ça allait demi-mal. Celui au chalet était heureux et celui à l’appartement s’ennuyait et désespérait, attendant son tour. Pendant que l’un vivait, l’autre attendait. Quand on s’est ramassé ici tous les deux pour le congrès, c’est là que nous nous sommes parlés et que chacun s’est aperçu que l’autre vivait le même calvaire.
  • Pourquoi ne pas m’en avoir parlé avant?
  • Nous avions chacun honte de nos sentiments. Nous vous voyons aller si librement vous les clones. Totalement investis dans votre mission, si bien chacun de vous. Et la honte a encore augmentée, sans que l’on s’en parle, en voyant les Anne s’adapter comme un charme à la situation. Pierre comme moi, n’en a pas parlé à sa Anne. Nous avons vécu en  nous disant que le temps arrangerait les choses. Mais ça ne marche pas.
  • Avez-vous un élément de solution à me suggérer?
  • Non, aucun. Nous avons épuisé les solutions que nous avons envisagées. Nous nous en remettons à ta sagesse. Tu as toujours les réponses à tout.
  • Et si on envoyait un de vous en mission à l’étranger, dans un autre pays? La France ou n’importe quel endroit où vous voulez?
  • Nous avons le sentiment que ce ne serait pas juste pour l’autre. Nous sommes tous les deux impliqués à fond dans le projet. Celui qui serait à l’écart se verrait relayé au deuxième plan.
  • Je ne peux tout de même pas en assassiner un. Lequel d’ailleurs?
  • Nous y avons pensé. La copie devrait disparaître. Nous nous entendons la-dessus.
  • J’entrevois une autre solution.
  • Laquelle?
  • Ça fait un bout de temps que j’envisage de dédoubler l’opération. Pour partager le risque. Un peu comme la fondation d’ Isaac Asimov à l’autre bout de la galaxie.
  • Tu veux en envoyer un dans l’espace?
  • Non. En Australie. Reproduire la base en Australie et doubler nos effectifs. Partager la planète en deux. Sans aucun contact direct entre les deux entités. Retarder l’implantation d’un an ou deux.
  • Nous n’avions pas envisagé ça.
  • Nous allons convoquer un congrès dans deux semaines. J’exposerai la situation et  j’expliquerai ce qui motive mon idée de dédoubler l’opération. On soumettra au vote. La majorité l’emportera. Deux semaines, est-ce trop long pour vous?
  • Pas pour moi. Maintenant que j’entrevois la possibilité d’une solution je suis déjà en partie soulagé.
  • Moi aussi.
  • Entendez-vous sur vos horaires et donnez-vous une chance. Vous pouvez abandonner vos occupations si vous voulez. Un clone de moi ou d’Anne prendra charge des opérations. Ce n’est pas un problème j’en suis certain.
  • Merci Benoît
  • Merci

            Les retrouvailles ont été agréables pour tous. Chacun s’étant mis au courant de la progression de tous. Il aura fallu 2 jours pour que tous se soient calmés. Chacun ayant pris connaissance de la situation et de l’opportunité envisagée, le consensus se fit aisément. Tout le monde est d’accord. Un comité est mis en fonction pour élaborer les modalités et préparer la transhumance. À l’exception de Pierre tous seront doublés. Chacun avec sa personnalité propre. Ça va créer de monstrueux problèmes de logistique. Nous avons besoin des compétences acquises par chacun dans son domaine. Il serait difficile de reproduire la synergie qui s’est développée ici. Nous avons été extrêmement chanceux et nous estimons que la possibilité de reproduire la même chose est réduite et consommerait une grande période de temps. Nous reproduiront donc la ruche et l’implanterons en Australie. Celle-ci s’occupera de l’Asie et de l’Afrique. Le reste appartiendra à l’installation originale.

            Ben est délégué pour se rendre en Australie et dupliquer l’opération qu’il a déjà mené, il y a longtemps. En fait c’est le clone de Ben, le premier de la nouvelle mouture, qui émigre en Australie.

            Trois mois plus tard, un dernier congrès réunissant tout le monde a lieu. Le lieu est choisi, il semble parfait pour nos besoins. Des caractéristiques similaires au centre actuel ont été recherchées et trouvées. Une vieille installation minière abandonnée. Des bâtiments délabrés, et une mine étendue, épuisée, réputée un trou perdu. Les titres de propriété ont été établis au nom de AFT (australian foreign technologies)  OTW et AFT sont deux entités totalement indépendantes et aucun lien de quelque sorte ne saurait exister entre elles. Les fonds ont été assemblés dans des paradis fiscaux et investis dans AFT par des sociétés fictives montées sur place. Ben s’est vraiment surpassé.

            Ce soir nous nous accordons une dernière réunion et ensuite, les clones des clones partiront par groupe de 5. Chacun avec sa clone d’ Anne et leurs cubes. Quatre avions ont été achetés et différents itinéraires vont permettre à tous les groupes de parvenir à la base australienne. 12 vols seront nécessaires Le pilote a été initié et cloné a trois reprises. 4 copilotes différents ont été engagés et seront embarqués à la première escale de chaque vol. Ceux-ci ne seront pas en contact avec les clones. Ils ne les verront jamais.

            On chante « ce n’est qu’un au revoir » même si personne ne part. C’est un hommage au Pierre qui émigrera. L’opération se déroulera sur une période de 30 jours. Les deux opérations indépendantes reprendront leur activité le premier janvier prochain. Ce sera le début de la dernière étape. L’invasion est prévue pour le premier janvier. Advienne que pourra.

L’ Invasion

            La ruche portait bien son nom. Les installations élaborées dans la mine étaient fantastiques. Les communications, transitant par nos propres serveurs et nos propres lignes satellites, louées à grand frais, entraient et sortaient aisément. Le système d’information acheté à grands frais fonctionnait magnifiquement. Chacun avait accès à la base de données et produisait le rapport dont il avait la charge. Le volume de travail était si bien réparti que chacun disposait de suffisamment de temps pour se tenir au fait des progrès sur le terrain. Les rapports d’anomalies étaient les plus courus.

            Les choses vont rondement. Une réunion au sommet regroupe Benoît, Bernard, Ben et trois autres clones responsables des trois régions. La conclusion que tous tirent des derniers rapports sont bonnes. On pourrait même dire excellentes. Nous en serons bientôt au point où la courbe d’adoption du produit va s’accélérer. Il y a environ, de façon quand même assez précise, 20 000 000 de cubes en circulation. Le secret ne saurait durer beaucoup plus longtemps. Encore quelques niveaux dans la pyramide organisationnelle et  les rumeurs se changeront en cohue. L’instabilité sociale, la désorganisation des services gouvernementaux est commencée. Les journaux élaborent toute sorte de théories pour expliquer le laisser-aller grandissant de la population. L’explosion va avoir lieu sous peu. C’est une question de mois.

  • Messieurs, il faut nous préparer à un déferlement bientôt. Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire en attendant? Chacun se regarde et hoche la tête.
  • Peut-être une chose de dire Bernard.
  • Quoi, nous sommes toute ouïe.
  • Prier.
  • Je ne m’attendais pas à celle-là.
  • Implorons les saints extra-terrestres de ne pas avoir plongé l’humanité dans le chaos.
  • C’est une belle pensée Bernard. Au point où nous en sommes rendus c’est effectivement ce qui nous reste de mieux à faire.

            Pierre voyait au démarrage matinal des opérations de ravitaillement de la ruche. Habituellement les clones arrivaient relativement au même moment. Les rythmes de chacun étant similaires. N’ayant pas d’équipes de nuit pour surveiller les communications, la nécessité n’en étant pas apparue du fait de l’autonomie des gens sur le terrain, tout le monde vivait au même diapason. Ce matin un phénomène inhabituel se produit. Tous sont là en même temps et discutent à qui mieux mieux. Benoît pénètre dans l’enceinte et aussitôt tous se tournent vers lui. Le silence se fait. Loin d’être démonté, il fait signe de prendre chacun sa place. Il grimpe sur une table au centre de l’assemblée. Après un moment de recueillement il s’exprime dans une voix basse, grave.

  • Je présume que tous ont rêvé ce que j’ai rêvé.
  • Un bruit d’assentiment parcourt l’assemblée.
  • Il semblerait que nous avons été contacté par les extra-terrestres. Nos combinaisons noires ont servi de récepteurs. Y en a-t-il qui n’ont pas porté leur combinaison noire cette nuit?

            Personne ne répond. Chacun regarde autour mais personne ne parle.

  • Donc nous avons été contacté, chacun de nous. Je présume que nous avons tous fait le même rêve. Il semble que toutes nos opérations ont été suivies avec intérêt par les extra-terrestres. Les cubes sont autant de sources d’informations pour ceux-ci. De plus, grâce aux combinaisons noires, ils ont été tenus au courant au fur et à mesure de nos progrès et nos échecs. Une conférence au sommet nous est demandée. Je dis bien demandée. Nous sommes respectés par eux. Je crois parler au nom de tous en acceptant cette invitation.

            L’assemblée applaudit à tout rompre. Les esprits sont allumés.

  • Si comme je le pense vous détenez toutes les informations que je détiens, vous savez que nous sommes la première civilisation qui se soit rendue si loin dans le processus. Il semblerait que nous n’avons cependant pas tout prévu et que nous avons parti quelque chose qui va mal tourner si des correctifs ne sont pas entrepris bientôt. Nous avons présumé de notre civilisation. Les extra-terrestres vont venir nous porter main forte. Il y aura donc rencontre du troisième type pour bientôt. Ce soir. Vous devez avertir vos contacts que l’information doit circuler chez tous les initiés. Dans une semaine, un événement extraordinaire va se produire. Préparez votre monde, la Terre va entrer dans le monde interplanétaire bientôt.

            Des cris de victoire et de joies fusent. Tout le monde se congratule, s’étreint. Chacun se sent libéré d’un grand poids. On touche au but.

  • Une dernière chose. Agissez promptement et confirmez toute les demandes d’information. Attendez-vous à une déluge de questions. Toutes les mêmes. Répétez vos messages ad nauseam. Ce soir nous accueillerons les premiers émissaires intergalactiques. Montrons-nous à la hauteur. Mesdames et messieurs à ce soir, huit heures, dans la grotte principale. Merci.

Rencontre au sommet

            Tous les regards scrutaient la nuit pour voir venir la soucoupe tant attendue. Chacun, revêtu de sa combinaison blanche, attendait patiemment que les extra-terrestres se manifestent. Bientôt, un grand nuage blanc apparut dans le ciel. Lentement, à l’œil, mais rapidement dans la réalité, le nuage se disperse et un objet gigantesque s’offre à la vue. S’immobilisant à la verticale de la mine, projetant un vif éclair de lumière, l’objet se pose doucement sur le sol inégal. Il repose maintenant sur des pattes immenses et la base s’ouvre pour faire place à une large passerelle. Beaucoup plus grand que dans le film « rencontre du troisième type » le vaisseau et la passerelle déverse une quantité de personnages, tous vêtus de façon identique aux clones. Le faciès des individus ressemble bien à la figure largement répandue des extra-terrestres. Grands yeux, petite bouche et petit menton. Ceux-ci avancent en tendant la main au groupe médusé. Les premiers contacts sont chaleureux et empreints de sérénité.

            Une deuxième surprise se produit quand suivent une série de clones. Ils viennent d’Australie. Tout le monde s’étreint et la bonne humeur règne parmi les gens. Lentement on se regroupe et on prend le chemin de la grotte. Le vaisseau spatial quitte la place et monte rapidement dans les cieux.

            Il a fallu reproduire des chaises pour en avoir suffisamment pour tous. L’organisation physique ayant été complétée, on avait des cercles de chaises autour d’une estrade composée de 4 tables collées ensemble. Sur l’estrade il y avait Benoît de OTW , Benoît de AFT et deux extra-terrestres. Les gens s’étaient assis à qui mieux-mieux et étaient impatients que les choses débutent.

  • Bienvenue Benoît, bienvenue messieurs les ambassadeurs. Je ne sais si le titre convient bien et je ne sais si vous êtes sexués. Alors pardonnez-moi mon entrée mais c’est le mieux que je puisse faire dans les circonstances.

            Un grand rire parcourt la salle. Le plus drôle c’est que les extra-terrestres semblent autant apprécier.

  • Merci Benoît. L’ambassadeur s’exprime dans un français impeccable. Nous sommes aussi honorés que vous de nous trouver ici ce soir. Nous ne possédons pas un registre aussi bas que le vôtre mais j’espère que nos voix ne sont pas trop désagréables à vos oreilles.
  • Pas du tout. Pas du tout assure Benoît.
  • M’est-il permis de faire un petit historique?
  • Certainement, nous sommes pendus à vos lèvres.
  • Il y a longtemps, bien avant que votre Terre soit apparue, notre civilisation est survenue sur une planète aux confins de l’Univers. Notre année dure 1 ½  la vôtre. La rotation de notre planète d’origine est de 40 heures. Nous sommes en l’an 1 500 000 000 de notre civilisation, selon votre calendrier. Notre développement fut beaucoup plus lent que le vôtre. Vous avez accompli en

2 000 000 d’année ce qui nous a pris plus de 1 800 000 000 d’années. Nous voyageons dans l’espace de façon continue depuis 500 000 000 d’années. Notre durée de vie moyenne est de 1500 de vos années. Personnellement j’ai 730 ans. Je viens sur Terre depuis 600 ans. J’en suis à mon centième voyage. J’espère que je vous situe bien. Avec le temps on échangera plein d’informations avec vous. Bien entendu nous savons presque tout de vous. Nous avons sondé vos corps depuis des millénaires, donnant des petits coup de pouce à l’évolution de temps en temps. Tout est parfaitement documenté. Un jour vous aurez accès à tout notre savoir. Ça prendra un bon bout de temps avant que vous ayez progressé suffisamment pour embrasser l’ensemble de nos connaissances. La formation initiale chez nous dure 500 ans. C’est pour vous donner une idée. Maintenant j’en ai assez dit. Passons au sujet qui nous concerne tous. Celui de votre projet grandiose.

  • Merci M. comment devrais-je vous nommer?
  • Appelez-moi Jean et lui c’est Mathieu.
  • Bonjour Messieurs, enchanté. Donc je vais laisser la place à Benoît pour qu’il nous fasse un compte-rendu de ce qui se passe en Australie.
  • Bonjour Jean, bonjour Mathieu et bonjour Benoît. Il m’est facile de vous faire part que les deux organisations ont réussi des résultats très similaires. Dans le véhicule spatial, avec lequel j’ai fait 2 fois le tour de la Terre, on m’a mis au courant de vos performances. Nous sommes aussi rendu au bord de l’explosion. Donc en gros nos deux organisations sont au diapason et on peut effectuer facilement la jonction si le besoin s’en fait sentir.
  • Je redonne la parole à Jean pour qu’il prenne en main le déroulement de la soirée.
  • Merci Benoît. Vos avez produit un résultat remarquable. Jamais nous n’avons réussi à obtenir un démarrage aussi harmonieux et solide. Vous devez savoir que vous êtes loin d’être la première civilisation où nous avons essayé l’émancipation. Nous avons commis des erreurs monstrueuses desquelles nous avons appris. Il semblerait que nos modèles sont maintenant suffisamment au point pour identifier les civilisations aptes à s’émanciper. Bref, vous êtes les premiers à rejoindre éventuellement notre, disons, empire. Voici ce que je vous propose. Mathieu et moi avons été délégués ici pour intervenir juste avant la crise finale. Nous allons vous aider à ce que chaque humain possède son cube. Nous allons créer une diversion pour vous permettre d’initier tout le monde. Si tout se passe bien, dans six mois chaque être humain possédera son cube et saura s’en servir grâce au protocole d’initiation que vous avez monté. Nous n’avons pratiquement aucune amélioration à y apporter. Vous avez fait un excellent travail. Nous allons donc nous manifester à la grandeur de la planète. Nous allons contacter directement tous les dirigeants de tous les pays et nous les réunirons aux Nations-Unies. Il y aura un sommet universel qui durera tout le temps nécessaire. Pendant ce temps vous accélérerez le processus au maximum. Le secret ne sera plus un facteur. La nouvelle sera répandue sur toute la planète et on vous accueillera à bras ouvert. Dans une semaine, des vaisseaux spatiaux entreront simultanément dans toutes les capitales du monde. Nous comptons sur vos apôtres pour calmer les sursauts dans la population. Certains auront peur de nous et même seront effrayés. La seule contrainte que nous vous imposons et que vous devez voir à ce qu’elle soit observée, est celle-ci : La première étape du protocole est de passer les gens à la pyramide. Non pas la dernière comme vous l’avez prévu. C’est tout. Pourquoi? Le calme, induit par le passage à la pyramide, prédispose les gens à accepter et obéir à votre protocole. Avant d’aller plus loin, y a-t-il des questions?

            Les gens buvaient les paroles de Jean. Tous étaient ravis du message transmis. On touchait au but et bientôt on pourrait vaquer à des occupations autres et on aurait accès à une vaste citerne de connaissances. Des centenaires d’apprentissage

  • Mesdames et messieurs, dit Mathieu. Puisqu’il n’y a pas de question, passons à la suite. Je vais vous expliquer comment se passeront les temps à venir. Nous allons provoquer une commotion en apparaissant. Nous allons demeurer immobile pendant trois jours. Les médias vont se déchaîner et sortir toutes les hypothèses les plus farfelues. Votre rôle, pendant ce temps sera d’initier le maximum de personnes que vous pouvez. Nous allons publiciser des séances de guérison par la pyramide. Dans chaque capitale se dresseront une bonne quantité de pyramides pour guérir les malades. Nous ferons appel aux médecins pour authentifier les guérisons. Cela durera des semaines. Pendant ce temps, il y aura des discussions aux Nations-Unis. Pas les ambassadeurs, les dirigeants de chaque pays. Nous en ferons une condition sine qua non. Cette diversion durera encore là des semaines. Vous aurez tout le temps voulu pour accomplir votre œuvre. Mais il faudra faire diligence. Chaque initié procédant sur toute personne rencontrée ne possédant pas le cube. Il faudra faire une grande dispersion. Quand tout le monde aura été initié, on amènera les dirigeants à abdiquer et des élections planétaires auront lieu pour voter une constitution, puis un gouvernement mondial. Le processus sera long. Nous n’avons aucune idée du temps que ça prendra. Entre-temps les gens apprendront à servir du cube. La santé régnera. Les gens échangeront. Lentement au début puis librement. Deux choses sont importantes. Passer les gens à la pyramide et les initier aux bienfaits du cube. Le fait de guérir les malades est notre carte de visite dans les grandes capitales. Dans les endroits où l’eau et la nourriture sont rares nous approvisionnerons les gens en attendant qu’ils aient suffisamment de cubes pour s’ auto-suffire. Voilà c’est l’esquisse du plan global. Nous aurons besoin de la collaboration de vous tous pour  vous disperser dans les vaisseaux afin d’intercéder avec les populations locales. Nous parlons toutes les langues sur Terre. Vous les parlerez toutes vous aussi. La technologie existe. Il suffit d’un petit apprentissage et d’une courte période d’adaptation pour maîtriser le tout. Je crois que j’ai tout dit. Ah Oui. Nous sommes habitués à vos différences entre individus. Nos différences à nous sont beaucoup plus subtiles, vous aurez de la difficulté à nous distinguer. Appelez-nous tous Gabriel. Ça ne nous choquera pas et cela aidera à la communication personnelle. Si quelqu’un a quelque plainte que ce soit vis à vis un extra-terrestre qu’il fasse rapport ici ou en Australie. Il devra y avoir une personne en permanence pour transmettre les plaintes. Voilà c’est tout. C’est parce que nous vous connaissons tous bien que nous avons été aussi directs et concis. Nous avons vraiment été chanceux de tomber sur vous.
  • Merci Mathieu. Jean me dit que l’appel a été logé pour qu’on vienne vous récupérer. Nous allons tous vous accompagner dehors pour vous dire bonsoir et merci.

            Les gens se sont levés et ont progressé vers la sortie d’un pas calme et dans une atmosphère pensive. Rendus dehors l’air frais ravigote l’esprit. Les langues se délient. Terriens et extra-terrestres échangent abondamment. Le vaisseau fait son entrée comme il l’avait fait la première fois. Une heure plus tard il s’envolait avec à son bord l’équipe de l’Australie.

            Pierre,  à l’écart, observait Benoît. Il attendit que celui-ci soit seul pour aller le rejoindre.

  • Benoît, puis-je te parler seul à seul?
  • Certainement Pierre.
  • Benoît, je n’ai pas confiance, j’ai un sombre pressentiment. Tout est trop beau.
  • Comment ça? Sur quoi te bases-tu?
  • Je sais pas. J’ai un sentiment terrible.
  • J’en prends note Pierre. Merci de m’avoir fait confiance. Cherchons la vérité. Viens me voir si tu penses à quoi que ce soit. Tu sais que ma porte est toujours ouverte.
  • C’est bien. Je sais que j’ai l’air fou mais c’est ça.
  • Pas de problème Pierre. Soyons attentifs.

            Benoît se retire dans ses quartiers. Soudainement il ne sait que penser. Tout d’abord gagné au discours des deux ambassadeurs il avait acquiescé à tout. La mise en garde de Pierre le trouble plus qu’il ne voudrait l’admettre. Souvent quand les choses sont trop belles, c’est parce qu’elles sont effectivement moins belles qu’on les voit. Je suis un individu rationnel, Pierre est un individu émotif. Il est beaucoup plus intuitif que moi. Il a réussi à instaurer un doute dans mon esprit. Cette nuit je vais porter une combinaison blanche pour dormir.

Effervescence

            Le comité des sages, comme on le surnomme, se réunit comme d’habitude à 9 heures du matin. Sont présents Benoît, Bernard, Ben, la Anne de Benoît et les trois clones directeurs régionaux. Un membre de l’exécutif australien est demeuré au camp et agira comme agent de liaison. Un membre de notre organisation l’a remplacé pour retourner en Australie il sera notre agent de liaison.

  • Ai-je besoin d’épiloguer  sur l’ordre du jour?
  • Chacun sourit et se regarde.
  • Quelles sont vos impressions?

            Un tour de table rapide confirme l’enthousiasme de tous. Chacun est pleinement satisfait des discours prononcés hier. Ils ont tous vu à ce que les recommandations des ambassadeurs soient suivies. Le mot d’ordre est donnée et les clones procèdent aux communications.

  • Ce qui va se dire ici est extrêmement confidentiel. Rien ne doit transpirer.

Chacun se regarde avec une expression de surprise. Le sourcils se froncent et on attend la suite.

  • J’ai eu une conversation avec Pierre hier avant d’aller me coucher. Il est extrêmement inquiet. Il ne sait pas pourquoi mais il a un mauvais pressentiment. C’est un être intuitif et il ressent les choses beaucoup mieux que nous. Je ne dis pas qu’il a raison mais, je me pose la question. Cette nuit j’ai dormi avec une combinaison blanche. Je vous suggère de faire de même. Je ne sais pas le pouvoir exact de la combinaison noire. Peut-on explorer notre subconscient? Allez savoir.
  • C’est quoi cette paranoïa Benoît? Aurais-tu embarquer dans un épisode maniaque.
  • Non. Je ne crois pas. Mes pensées sont ordonnées et je ne sens pas les impulsions électriques qui me parcourent la peau. Ce matin au réveil, j’étais totalement reposé. Mieux que d’habitude. Ça m’a alerté. J’en ai d’ailleurs parlé à Anne. Elle aussi portera une combinaison blanche à partir de ce soir. Le point est que Pierre m’a fait prendre conscience d’une chose. C’est trop beau pour être vrai. C’est trop facile. L’intervention à point nommé est providentielle. J’embarque dans le jeu parce que ça sert mon dessein. Mais, je cherche c’est quoi l’avantage de l’autre partie. Vous savez très bien j’ai toujours dit : « si toi tu ne vois pas l’avantage de l’autre c’est que l’autre tire un avantage de toi et tu te fais fourrer ». Vous vous souvenez tous avoir déjà dit ça. Sauf Anne bien entendue.

            Laissant pénétré ses paroles, Benoît se tait et attend les réactions. Un grand silence se prolonge alors que les participants se remémorent très bien les paroles.

  • J’aurais voulu convaincre une assemblée de me donner chacun 1000$ que je n’aurais pas procédé autrement. Est-ce que je veux vraiment leur donner 2000$ ou est-ce que je veux partir avec les 1000$? Voilà la question.
  • On fait quoi?
  • Rien, On joue le jeu et on ouvre grand les yeux et les oreilles. Je demande à ce qu’on ait un groupe d’extra-terrestres ici et on les observe, attentivement. On confirme ou on infirme. Mais on se tient sur nos gardes en attendant. Sont-ils honnêtes ou pas? Entre-temps je vais avoir une rencontre avec Benoît de AFT quelque part en Europe. On prendra chacun un avion et on se rejoindra à Genève. Nous avons à discuter.
  • Avez-vous des recommandations à me faire? Pensez-y. Je serai dans la forêt avec Anne toute la journée. Nous irons à la pêche. Je serai de retour pour souper. Nous nous réunirons à huit heure ici. Vous me ferez part de vos commentaires. Entre-temps motus et jouez le jeu. Yeux et oreilles ouverts au moindre signe discordant.

            Benoît et Anne s’avancent dans la forêt et se dirigent vers le petit lac à dorés à environ 2 kilomètres. Ils progressent rapidement sans dire un mot. Il n’apporte pas de cube, ce qui est inhabituel. Pierre leur a préparé un petit festin d’amoureux dans un joli panier d’osier. Avec les verres à vin, la nappe à carreaux et tout l’attirail. Anne porte les lignes, le coffre à pêche et les vers. Arrivés au lac ils prennent place dans la chaloupe. Le moteur électrique a une batterie chargée à bloc. Ça fait partie de l’entretien du domaine.  Rendu au centre du lac, Benoît met en panne et prépare sa ligne. On va pêcher à la dérive, à la grâce du léger vent qui souffle de l’ouest.

  • Devrais-je être inquiète Benoît?
  • Je ne sais honnêtement pas. J’ai besoin d’y réfléchir, d’y voir clair.
  • As-tu tellement confiance en Pierre que tu es prêt à tout mettre en jeu?
  • Oui et non. Je connais Pierre depuis des lustres. On a vécu plein de choses ensemble. Il m’a fait confiance en venant me parler. Je ne peux le décevoir. D’un autre côté dans toute entreprise il y un principe de prudence qu’il faut respecter. La question qui se pose, c’est doit-on prendre les paroles des ambassadeurs pour du cash?
  • Pourquoi pas?
  • Parce qu’on ne doit pas croire aveuglément tout ce qu’on nous dit tant qu’on ne sait pas précisément qui nous le dit. C’est un principe de base en survie des affaires.
  • Et l’histoire de « si tu vois pas l’avantage de l’autre c’est qu’il est en train de te fourrer », tu y crois?
  • Malheureusement, je l’ai expérimenté à plusieurs occasions.
  • Tout est trop beau donc?
  • Non. Pas encore. Mais il faut investiguer et ne pas trop se compromettre. Laisser aller, profiter des occasions sans trop s’investir. Donner à l’autre la chance de prouver sa bonne foi, sans trop avancer la main. Excuse-moi, je vais essayer de me concentrer sur la pêche et autres choses. J’ai besoin de temps. Parlons de n’importe quoi si tu veux. J’espère que je n’ai pas ajouté à ton inquiétude?
  • Non tu me rassures. J’ai confiance en toi. Tu nous as bien mené. Essayons de profiter de la journée.

            Benoît tourna la poignée du moteur et dirigea l’embarcation sur une grosse roche plate à l’extrémité ouest du lac. Ils échouèrent la chaloupe et s’enlacèrent. La nature suivit son cours dans la nature.

            Revenus sur le lac, les deux amoureux mangent goulûment le repas préparé par Pierre. Ils apprécient chaque bouchée. Heureusement, Pierre, connaissant l’appétit de Benoît à la pêche,  avait forcé la dose. Aussi avaient-ils plein de victuailles pour se sustenter après le violent exercice qu’ils venaient de faire.

  • Est-ce que ça t’ennuierait si je divaguais?
  • Que veux-tu dire divaguer? Vas-tu faire une crise psychotique ici?
  • Non, non. Juste parler pour rien dire pêle-mêle, pour mettre mes idées en ordre, et faire le tour de la question.
  • Tu peux y aller. Je me bouche les oreilles,
  • Non écoute et reprend-moi si tu en sens le besoin. Je ne veux pas ajouter à ton inquiétude.
  • Pas de problème. Je suis rassurée. Tant que tu es conscient, je me sens en sécurité.
  • On ne peut nier que le cube existe. Qu’il accomplit des miracles. Que la nappe nous intrigue encore. La présence d’objets inconnus milite pour démontrer que la nappe est conçue pour les besoins d’un extra-terrestre. Si j’avais conçu la nappe pour appâter un humain aurais-je mis exclusivement des choses adaptées au sujet ou aurais-je été machiavélique au point d’inclure des objets inconnus, mystérieux pour expliquer plus intensément la provenance du cube? Si c’est un accident il n’a pas été planifié. Donc le steak et la tarte aux pommes fait vraiment partie des mets de choix pour les extra-terrestres. Dans tout l’univers il doit exister des choses aussi goûteuses ou plus encore. Peut-être est-ce simplement un kit de survie temporaire pour une courte expédition et le vaisseau regorge de trésors plus intéressants les uns que les autres? Peut-être est-ce simplement le goût du pilote de l’astronef? Mais Mathieu nous a avoué que ce n’était pas la première tentative de… D’émancipation comme il a dit. Donc il a pratiquement dit que j’avais été choisi. Ou du moins que le cube avait été planté là à dessein. Pourquoi tiennent-ils tant que ça à nous faire entrer dans leur empire galactique comme il l’a appelé. Pourquoi investissent-ils tant d’énergie à nous suivre et à influencer notre évolution. Sont-ils d’une bénévolence extrême ou au contraire cherchent-ils à profiter de nous? Font-ils partie des Jedi ou de l’empire?
  • Benoît arrête de te torturer.
  • Je ne me torture pas. C’est ma façon de réfléchir. Me promener d’un bord à l’autre, errer au gré de la fantaisie de mon cerveau. Tout à l’heure on mettra de l’ordre dans tout ça. Je ne juge rien pour tout des suite, J’énonce.
  • Ton esprit est curieusement foutu. C’est la première fois que je vois quelqu’un agir de la sorte.
  • La maniaco-dépression ou si tu aimes mieux la bipolarité, m’a fait passer dans bien des états. Mon cerveau était toujours en ébullition. Jour et nuit. Mes réveils toujours pénibles m’ont amené toutes sortes de pensées. Sans aucune censure. Si j’avais à dire ce qui me caractérise en tant que bipolaire, c’est l’absence totale d’autocensure. Les pensées viennent et je les laisse venir. Je ne les combats pas. J’essaie de relativiser. De mettre en perspective et évaluer la gravité de celles-ci. C’est rendu une seconde nature chez moi. Peut-être est-ce inné?
  • Quel calvaire tu as dû vivre?
  • Oui. Et la pyramide y a mis fin. La pyramide marche. J’en suis convaincu. On a trop de preuves depuis le temps. Non le cube existe et rempli son office. Pourquoi cherche-t-on à ce que nous joignions leur empire. Pourquoi tant d’énergie. Est-ce que mes clients du bénévolat se posaient les mêmes questions? Pourquoi est-ce que je faisais du bénévolat? La raison première était que je voulais sortir de la maison. Voir du monde, jaser. Deuxièmement j’en tirais mon profit dans le fait que les revenus payaient une bonne partie de mes dépenses d’auto. Troisièmement j’avais la satisfaction d’occuper mon temps agréablement. Finalement je me trouvais bon, altruiste.
  • Ne serais-ce pas la même chose pour les extra-terrestres?
  • Peut-être, je l’espère. Les chiffres astronomiques qu’ils nous ont servis hier, me porte à réfléchir. Millions d’années par ci, millions d’années par là,  on vit 1500 ans en moyenne et tout le pataclan. Pourquoi nous avoir dit ça? C’est comme un vendeur habillé comme une carte de mode avec une Rolex dans le bras et des dents ultra blanches, qui projette une image, tel un cobra qui hypnotise sa proie.
  • Bon. As-tu encore d’autres choses à dire?
  • Pas vraiment je suis tari là.
  • Veux-tu ma réaction? Pas mon opinion elle n’est pas établie encore. Ma réaction intuitive?
  • Vas-y je t’écoute.
  • Lâche les faits passés. Ils penchent d’un côté et de l’autre. Les deux font du sens. Il faut trouver les moyens de leur faire admettre leur intention. Trouver leur avantage. Il y en a certainement un. À nous de le trouver. Comment peut-on les amener à se commettre?
  • La première chose à faire c’est que je vais me cloner pour que ce soit moi qui aille dans les soucoupes. Ça sera un premier pas.
  • D’accord. Emmène-moi avec toi.
  • C’est bien naturel. Nous avons besoin l’un de l’autre. Ils ne peuvent pas ne pas accepter.La deuxième chose à faire c’est de convaincre mon homologue de l’Australie. Que celui-ci se clone pour accéder aux vaisseaux spatiaux.
  • OK. Ensuite.
  • Faire en sorte que mon homologue ait la même conversation avec son comité. Mettre en garde nos assistants et convenir d’un code d’alarme en cas de problème ou d’un code de confirmation de la bonté des extra-terrestres.
  • As-tu confiance en Bernard et en Ben?
  • Autant qu’en moi. Pourquoi?
  • Reste ici.
  • Que veux-tu dire?
  • Fais une copie de toi. Garde toi ici.
  • Je n’y avait pas pensé. Tu as raison. Pourquoi pas.
  • Une autre chose. À Genève, faites des clones de vous qui demeureront sur place. Aux cas où.
  • Ce soir je vais nous cloner. Je passerai inaperçu dans la masse. Je me fondrai dans le décor. Notre mot de passe sera « Anne, sœur Anne c’est moi que tu vois venir ».
  • Et je répondrai « mes yeux s’embuent de larmes »
  • D’accord.  Nous aurons les coudées franches pour surveiller les allées et venues de tout un chacun.
  • Il est quatre heures. Il est temps de retourner à la base.
  • Oui allons-y. Je t’aime.
  • Moi aussi. Énormément.

Meeting à Genève

            Attablés dans une brasserie sur la terrasse, par une belle journée ensoleillée, les deux hommes savouraient une bonne bière. Ils regardaient autour d’eux, pour se rassurer. Les gens ne faisaient pas attention aux jumeaux qui profitaient de la journée. Il y avait plus d’initiés qui se promenaient avec leur cube que de jumeaux. C’est un signe de l’étendue de la dispersion. Les initiés avaient tous la même particularité. C’est la désinvolture avec laquelle ils se déplaçaient. Ils n’étaient pas pressés, sauf exception, et marchaient d’un pas assuré. Celui de l’homme satisfait et conscient de son bien-être. Leurs traits étaient beaucoup plus détendus que ceux des autres passants. C’était visible pour la personne qui savait voir.

  • Bonjour Benoît,
  • Bonjour Benoît. Tiens je t’ai apporté un koala en peluche.
  • Merci. Tu dois te demander pourquoi je suis ici et que je t’ai demandé de venir, toutes affaires cessantes?
  • Pas vraiment.
  • Ah! Tu piques ma curiosité. Qu’est-ce qui t’amène?
  • C’est trop beau.
  • Ah Dieu merci je suis pas le seul.
  • Moi non plus. Pierre m’a alerté.
  • Toi aussi?
  • Comment ça toi aussi?
  • Le mien est venu me voir après votre départ. Il m’a fait part de son inconfort.
  • Même chose pour moi mais le lendemain.
  • Et?
  • Probablement pas bien différent  de toi. Je ne sais pas. Je m’interroge.
  • Ta Anne est-elle au courant?
  • Oui. J’ai eu une discussion avec mon comité. On a pris des mesures.
  • Même chose pour moi.
  • Qu’est-ce qu’on fait? Tu dois avoir une idée puisque tu m’as convoqué?
  • Première chose on se dédouble et on reste tous les deux ici.
  • Ah. J’y avais pas pensé.
  • Oui. C’est une idée de Anne.
  • C’est bien, je suis pour. Ensuite?
  • C’est toi, que tu vas envoyer dans les soucoupes, comme l’ont demandé les ambassadeurs. Et tu vas rester à la base en plus.
  • Pourquoi?
  • Je sais pas vraiment. Mais ça fait du sens.
  • D’accord. Autre chose?
  • Non tu m’as dit que tu avais eu un comité et que tu as pris des dispositions. Toi as-tu d’autre chose?
  • Oui. J’ai un SWAT TEAM.
  •  Comment ça?
  • On a fait une percée dans certains objets de la nappe. On a opéré sur la base que les armes étaient purement défensives. Elles ne le sont pas. Elles sont létales. Quand on les utilise avec la combinaison rouge, elles sont opérationnelles. Deux clones sont morts par accident.
  • Quand avez-vous découverts ça?
  • Il y a belle lurette. On a eu le temps d’expérimenter et se perfectionner. En passant ne porte pas ta combinaison noire la nuit.
  • Non j’y ai pensé après l’avertissement de Pierre.
  • Les armes ont une portée malgré tout restreinte. Environ maximum 100 mètres. J’ai envoyé l’information des pages du manuel pour ce qui concerne les armes. Tout ce qui manque c’est l’information qu’il faut porter la combinaison rouge. Maintenant allons à l’hôtel chercher les cubes et trouvons une place pour nous reproduire.
  • D’accord. Pas besoin de chercher une place j’en ai déjà une. Un entrepôt qui appartient à une de nos compagnies. On y procède à des initiations. C’est aux limites nord de la ville. On ira en taxi.

            Ils trouvent un taxi immédiatement, passe à l’hôtel mais n’emporte pas de cube. Ils partent le processus de dédoublement de leur cube respectifs Puis ils ont juste pris leur message. Il n’y en avait pas. Le taxi les amène promptement à l’entrepôt. Le gardien, les reconnaissants d’après la photo du PDG de l’entreprise située dans la cafétéria de la bâtisse, les fait entrer et les guide au bureau du directeur. Celui-ci est en communication avec la base et est à envoyer son rapport quotidien.

  • Bonjour Messieurs
  • Bonjour M. le Directeur. Nous aurions besoin d’un cube à la rigueur, mais deux seraient mieux.
  • Vous n’avez pas vos cubes?
  • Non. Nous ne voulons pas les utiliser. Nous voulons garder le secret. C’est pour ça que l’on est ici. Vous êtes un initié. Vous êtes directeur, ce qui veut dire que nous pouvons avoir confiance en vous. Nous allons vous partager quelques secrets. C’est de la plus haute importance. Pouvons-nous compter sur votre discrétion?
  • Je suis Suisse d’abord et initié ensuite. Chez nous le secret fait partie des meubles.
  • Première hérésie on veut se dédoubler ici maintenant.
  • Ensuite?
  • On veut que vous nous aidiez à nous cacher une couple de jours.
  • Autre chose?
  • Oui vous allez assister à quelque chose que vous jurerez toujours impossible.
  • Bon. Mon rapport est envoyé. Procédons à vos désirs.
  • À part le gardien il y a quelqu’un d’autre ici?
  • Non c’est désert.
  • Avez-vous deux cubes?
  • Plus si vous en avez besoin.

            Les deux hommes suivent le directeur et, dans un coin de l’entrepôt, voient des cubes empilés les uns sur les autres par paires. Le directeur saisit deux cubes et les déposent au centre de l’entrepôt. Il se tourne vers les Benoît et attend leur commande.

  • Toi fait apparaître la pyramide moi je m’occupe de la première copie.
  • Comme tu vois c’est fait.
  • Couche -toi et je vais te copier.

            La copie étant faite on se mit à trois pour transporter le corps dans la pyramide. Le directeur était blanc. On voyait qu’il avait subi un choc. Tout son conditionnement l’avait amené à considérer cette éventualité comme un péché mortel. Quand le voyant de la pyramide s’est éteint sur le panneau de contrôle, Benoît est allé réveiller son double. Pendant ce temps l’autre Benoît s’est étendu et le directeur a actionné la copie. Et ainsi de suite.

            Les deux originaux sortirent de l’entrepôt. Le directeur avait fait venir le gardien pour détourner l’attention de celui-ci pendant que les originaux partaient. Les quatre hommes étaient en discussion pendant que les deux compères s’enfuyaient en taxi.

            Le lendemain, les deux Benoît eurent une dernière conversation en attendant que les cubes finissent de se charger.

  • Te souviens-tu des émissions de Richard Glenn à la télé communautaire?
  • Ah mon Dieu! Tu me ramènes en arrière là.
  • Oui. Te souviens-tu des deux races d’extra-terrestres, les petits gris et les Éloïms.
  • Oui. Ça me revient Les petits gris étaient les méchants et les Éloïms étaient les bons. C’est ça et ils se combattaient les uns les autres et cherchaient à attirer la Terre de leur bord. Les petits gris voulaient conquérir la Terre pour un mauvais dessein et avait commencer à corrompre les méchants gouvernements en leur donnant accès à leur science et tout le reste.
  • Bon. C’est ça. Supposons que c’est la réalité. Tout porterait à croire que nous avons affaire aux Éloïms. Leur taille, leur ouverture et leur aide. Ce serait un point à investiguer n’est-ce pas?
  • Oui. En effet. Si ils sont du côté blanc de la force, ils doivent avoir un code du Jedi. On peut lancer des insinuations pour voir si ils mordent à l’hameçon.
  • Oui mais qu’est-ce qu’on fait quand on s’est décidé de quel bord les classer?
  • On se passe l’information. Utilise « Père » pour le côté obscur et « Luke » si les intentions sont bonnes. Peu importe le contexte le message sera reçu. Ce sera le même code pour moi.
  • D’accord. C’est simple.
  • On peut prendre les cubes. Ils sont presque tout noirs. Il seront un peu plus pesant c’est tout. Ils finiront de charger dans l’avion.
  • OK On s’envoie le message « tiguidou » quand on est opérationnel.

Le Jour J

            Les gens, sont fébriles à la base de la mine. Tous les effectifs sont prêts à un déluge de communications. On a les nerfs tendus. Les échanges entre les gens sont réduits au strict minimum. Benoît envoie un courriel de l’autre côté de la planète à Benoît. Un courriel laconique.

            Salut Benoît

            L’affaire est tiguidou, Bons baisers à Anne. Bonjour à Pierre.

            Benoît

            Celui-ci est envoyé et Benoît attend la réponse. Elle vient en moins de 5 minutes.

            Tant mieux c’est tiguidou Benoît.

            Pierre t’envoie ses salutations.

            Bonne journée.

            Benoît

            On avait passé la semaine à faire des copies de Benoît et de Anne. Une centaine. Ceux-ci ont été emmenés dans le vaisseau spatial hier. Une délégation de Gabriels est débarquée. Ils sont une dizaine. On leur a affecté un bâtiment qui a été rénové pour leurs intimité. Chacun d’eux est muni d’un cube. Premier indice rassurant. J’attendais pour voir si ils possèdent chacun leur cube ou s’il y aurait un ou des cubes communautaires. C’est donc indice 1 au débit.

            Nous sommes 8 à une réunion extraordinaire. Moi, Bernard, Ben, Anne et 4 Gabriels. Il règne une certaine gêne dans la pièce. Je me lance.

  • Bienvenue à vous. Qu’est-ce qui nous attend aujourd’hui?
  • Gabriel, un parmi les autres,  me répond calmement. Nous nous manifesterons quand le soleil sera au zénith à  New York. Nous irons nous immobiliser au-dessus du siège des Nations-Unies et attendrons patiemment, toute la journée s’il le faut. Puis au fur et à mesure de la course du soleil, d’autres vaisseaux iront léviter au-dessus du siège du gouvernement de chaque pays. Nous nous manifesterons à midi dans toutes les capitales du monde. À midi demain nous enverrons notre premier message, sur toute la planète en même temps. Nous allons occuper toutes les fréquences radio et télévision, ondes courtes et autres. Les seules lignes de communication ouvertes seront celles de OTW et de AFT. Vous serez notre canal d’information.
  • Ça va créer une méchante commotion.
  • On s’y attend. Vous serez le présentateur du message. On vous entendra dans toutes les langues. La traduction simultanée sera totalement naturelle. Ça fait longtemps que nous dupliquons vos moyens de communication. Nous maîtrisons toute la technologie.
  • Une question comme ça, qui m’intrigue. Avez-vous une quelconque influence sur l’avancement de notre connaissance ou celui-ci est-il totalement le fruit de notre génie?
  • On vous a laissé aller. Nous avons simplement arrêter certaines mutations génétiques qui auraient menées à l’extinction de l’espèce. Surtout du côté de la reproduction de l’espèce. Comme un jardinier nous avons élagué certaines caractéristiques dommageables à notre projet.
  • Sommes-nous seuls? À part vous je veux dire.
  • Non. Il y a une multitude de civilisations. Mais vous êtes, à part nous, les seuls qui ont la capacité technique d’échapper à votre planète.
  • Quand vous dîtes vous, vous voulez parler de votre race ou des extra-terrestres en général?
  • Nous sommes la seule et unique race parcourant l’univers. Notre civilisation est la plus vieille que nous connaissons. Comme nous vous l’avons dit, nous avons essayé d’émanciper d’autres planètes mais nous avons voulu aller trop vite. On essayait à des niveaux de civilisation trop bas. C’est une erreur que nous avons faite de trop nombreuses fois.
  • Qu’est-il arrivé à ces civilisations?
  • Elle se sont éteintes.
  • D’elles mêmes ou peut-être les avez vous élagué comme vous avez dit.
  • Bravo! Vous êtes efficace et direct. J’aime votre côté sauvage.
  • Que voulez-vous dire?
  • Nous avons évolué grandement. Nos instincts primitifs sont disparus depuis longtemps. L’instinct de survie, est mon sujet de prédilection. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai le poste ici. Pour observer votre comportement en action. Voir les interrelations  animal et être civilisé. Votre étude à ce sujet est passionnante.
  • Vous êtes donc un érudit, pas un militaire ou un diplomate?
  • Nous sommes loin d’être spécialisés. Nous avons le temps, pendant notre formation, de toucher à tous les domaines de la connaissance. Nous nous spécialisons très peu et seulement après avoir atteint 1000 ans.
  • C’est impensable cette longévité. Est-ce dû au cube ou est-ce que vous étiez comme ça avant le cube?
  • Originalement, selon les historiens, nous avions une espérance de vie qui était d’environ 200 ans de vos années. Le cube a multiplié par 7 notre durée. Le cube existe depuis moins de 10000 de vos années. C’est donc relativement récent.
  • Si je vous disais que je ne crois pas tout ce que vous me dites?
  • Quelle raison aurions-nous de vous mentir?
  • Toutes et aucune. Nous sommes ainsi faits. Méfiants et incrédules.
  • Oui je sais. Mais votre niveau de civilisation est encore bien jeune.
  • Oui. Je me demande pourquoi vous ne nous laissez pas passer notre crise d’adolescence?
  • Parce qu’elle est mortelle.
  • Que voulez-vous dire?
  • Si nous ne vous émancipons pas vous ne survivrez pas.
  • Pourquoi?
  • Tout d’abord la pollution. Vous avez maltraité votre planète et le point de non-retour est presque atteint. Si on attend , dans peu de temps, 250 ou 300 ans, La vie humaine sera éteinte sur Terre.
  • Qu’est-ce qui est notre point faible?
  • En résumé, c’est votre système de reproduction qui est en cause. Le taux de fertilité naturel est en baisse depuis 100 ans. Vous avez besoin de plus en plus d’aide à la fécondation. Ceci est dû aux nombreux polluants que vous avez émis dans l’atmosphère. Bientôt seulement 10% de la population pourra se reproduire naturellement. C’est ça la principale cause biologique, mais, il y a pire.
  • Pire, qu’est-ce qui est pire?
  • Vous allez vous auto-détruire. L’aventure nucléaire ne s’est terminée bien que sur une planète, la nôtre. Toutes les autres ont péries.
  • Pourquoi cela s’est bien passé chez vous et pas chez tous les autres?
  • Nous pensons, et c’est un sujet d’étude passionnant,  que le degré de civilisation atteignable est fonction de la durée de vie. Nous aurions réussi parce que notre durée de vie est la plus longue que nous avons observée.
  • Donc, si je comprends  bien, vous observez, vous évaluez les chances que l’on atteigne une durée de vie suffisante et vous attendez au dernier moment pour intervenir.
  • C’est ça.
  • Et de quel droit intervenez-vous?
  • Un autre Gabriel saisit la balle au bond. Ah! Là vous touchez mon domaine. Excellente question. Le droit, la justice, la religion même.
  • Heureux de vous entendre. Que pouvez-vous me répondre?
  • Le droit, ou comme certains pourraient dire , Le Droit. Ça n’existe pas en soi. C’est une conception de l’esprit. Elle n’apparaît pas dans chaque civilisation qui évolue. Je vous le dis c’est fascinant. Toutes ces nuances que vous faites. Mais ce n’est pas le temps d’aborder cette question. On a des priorités à respecter.
  • Si je vous disais que ma priorité c’est de porter un jugement sur vous?
  • Ah! nous y sommes. Pourquoi?
  • Et oui. Pourquoi? Quel est votre avantage, je ne le vois pas.
  • Attendez d’avoir 1000 ans. Vous comprendrez. Disons que les choses ont une toute autre perspective quand on allonge la période de vie.
  • Oui je sais dans un certain sens. Je l’ai expérimenté. Le temps est mon ennemi.
  • Exactement. Disons que notre avantage est plutôt un mode de vie. Nous vivons pour observer, apprendre, comprendre et intervenir. Nous nous ennuyons, seuls dans l’univers. Nous espérons avoir de la compagnie. C’est ça notre avantage recherché. La diversité. Ça fait longtemps qu’on la recherche.
  • Quand j’étais jeune, j’étais ennuyé à chaque fois que ma mère me disait de traîner ma petite sœur avec moi. Pourquoi vous encombrer d’un adolescent en crise?
  • Benoît, vous avez une âme d’enseignant. Pensez-y. Comment vous sentiez-vous lorsque les résultats d’examen étaient bons. Comment aimiez-vous discuter avec des jeunes allumés, contestant vos dires et cherchant à vous trouver en erreur?
  • J’adorais ça.
  • C’est ce que nous recherchons. Un regain de vie dans une société sans surprises. Ah! Il y a bien des événements fortuits qui se produisent, mais nous avons développé des protocoles et des procédures. Tout est organisé. Ça manque de piquant comme vous dites.
  • Ça fait du sens. Pourquoi des armes?
  • Beaucoup de planètes sont dangereuses. Il y a un grand nombre de mondes où la civilisation est inexistante mais la vie foisonne. Il faut pouvoir se défendre. Vous n’êtes pas le seul monde que nous observons.
  • C’est bien. En attendant, laissons cet aspect de côté et soyez assurés que nous ne vous faisons pas confiance à 100%.
  • Nous le savons, nous nous y attendions. C’est pour ça que le fait que vous n’avez pas porté la combinaison noire depuis une semaine, ne nous a pas attristé mais réjoui.
  • Vous m’espionnez?
  • Non, Nous observons et déduisons. Comme vous dites c’est ça notre pied. C’est notre vie, nous attendons de vous, de nous faire voir un côté que nous avons perdu dans notre évolution.
  • Je vous remercie de votre franchise. Il reste environ 2 heures avant le premier coup de théâtre. Permettez-nous et permettez-vous un peu de repos en attendant. On se rejoint au QG pour 11h30. D’accord, tout le monde?

            On écoute CNN. Bientôt il devrait y avoir un flash. Il est presque midi. Le soleil est au zénith actuellement à New-York qui est un peu plus à l’est que nous. Quelques longues minutes passent et soudain l’image coupe et apparaît une vue du siège des Nations-Unies surmonté d’un énorme objet stationnaire. Le speaker parle d’un événement extraordinaire, inédit. Il y a à New-York un OVNI, en fait un OFNI (objet flottant non identifié) Celui-ci s’est immobilisé il y a quelques minutes au-dessus de New-York. Autre flash, on apprend qu’un autre OVNI s’est placé au-dessus de la Maison-Blanche.

            Il est 12h30 et déjà on rapporte plusieurs apparitions d’OVNI  dans les différentes capitales d’est en ouest. On annonce déjà que le phénomène se déplace d’est en Ouest en longitude. À Partir de New-York. Quelqu’un a déjà remarqué que les apparitions se font lors du zénith du soleil. Ils sont vite à CNN. Un panel de spécialistes, apparaît à la télévision, tous impeccables dans leur présentation sauf un qui a l’air d’un hippie. Probablement un professeur d’université quelconque. L’animateur débute.

  • Mesdames et messieurs. Un phénomène absolument inattendu a débuté il y a une heure au-dessus de New-York et se répète dans les capitales d’Amérique. Le Canada, l’Argentine et toutes les capitales où le soleil a atteint son zénith.
  • Wow, Ils sont vraiment vite à Washington. Déjà ils ont compris la progression du phénomène.
  • On effectue un rapide balayage des postes pour voir?
  • Oui Bernard. Toutes les chaînes en direct diffusent les images de CNN. On retourne à CNN en direct.
  • C’est parti et ça va bien. Comment ça va du côté des communications pour l’Amérique?
  • Le responsable confirme que les communications débordent déjà. Ça rentre à un rythme effarant. Ça a commencé à bouger dans les autres régions mais c’est relativement tranquille.

            On devise sur les réactions entendues à CNN. Pas encore de reportages sur l’effet dans la population. Ça ne devrait tarder. L’opération a quand même débutée il y a plus d’une heure. La compréhension rapide du phénomène a probablement contribué à ce que les gens attendent les développements. On passe à un reportage de New-York. La confusion règne dans les rues. Tous les gens sont dehors et regardent le ciel. Ils échangent abondamment entre eux. Beaucoup d’accidents de la circulation bloquent les intersections. On rapporte plusieurs morts et de nombreux blessés. La ville est sous le choc. Puis c’est au tour de Washington et des autres capitales. Partout c’est un chaos indescriptible.

            Une image de la Maison-blanche avec son Ovni, apparaît sur l’écran. Communication du réseau d’urgences des État-Unis. Le président apparaît au célèbre lutrin et il fait signe aux gens de se taire. Il va parler.

  • Mesdames et Messieurs. Un événement sans précédent vient de se produire. Nous avons la confirmation que nous ne sommes pas les seuls dans l’univers. Premièrement j’en appelle au calme. Installez-vous dans vos foyers et regardez les informations. Pas de panique. C’est facile à dire mais, SVP, restez calme. Les étrangers ne semblent pas animés de mauvaises intentions. Les installations militaires n’ont reçu aucune visite. Seulement les sièges du pouvoir de chaque pays. Cette éventualité avait déjà été envisagée par des groupes de travail. Tout concourt à penser que c’est une prise de contact pacifique. La connaissance des lieux du pouvoir et l’absence d’activité sur les installations militaires sont deux points majeurs pour asseoir notre opinion.

            Un brouhaha déferle dans la salle, suite à cette déclaration,. Les questions vociférées par les journalistes démontrent l’excitation qui règne dans la salle. Le Président étend les bras et appelle au calme.

  • Du calme SVP. Laissez-moi parler. Des communications sont en cours avec tous les gouvernements du monde. Tout le monde observe ce qui se passe. À la grandeur de la planète, on suit les événements. Pour l’instant le mot d’ordre est d’observer et d’attendre. De grâce demeurez-chez vous. N’encombrez pas les rues pour laisser la place aux véhicules d’urgence, J’impose donc un couvre-feu, à partir de minuit ce soir heure de Washington. Quittez le travail rentrez chez vous. Écoutez les nouvelles. D’autres informations vont suivre. Nous suivons les développements et soyez assurés que nous prendrons toutes les mesures qui s’avéreront nécessaires. La garde nationale et toutes les unités d’urgence ont été alertées. Ils vont prendre le contrôle du pays. Tous les magasins et épiceries sont maintenant interdits d’ouverture. La priorité est d’éviter le saccage. Restez chez vous, Soyez calmes. Il y aura un briefing ici ce soir à huit heures. Merci

            L’image retourne au speaker qui résume l’allocution du président. Dans le QG on se regarde pensivement et on s’interroge sur le succès espéré du discours du Président. Les journalistes vont repasser les images en boucle. Il y aura des mises à jour aux heures, des évaluations de la progression des OVNI, des tables rondes de pseudo-experts qui épilogueront sur toutes les théories possibles et impossibles.

            Il ne reste qu’à attendre demain midi la prochaine étape. Une équipe de clones, accompagnée de 2 Gabriel demeurent postés devant l’écran et échangent leurs impressions sur les différentes informations qui passent. Les autres, nous allons nous reposer pour être frais pour demain. La vraie grosse journée.

Le show

            Sur tous les postes de télévision, sans exception, sur la planète,  dans toutes les radio du monde, la voix et la figure de Benoît apparaît calme, souriante. Image rassurante et même paternelle. Dans toutes les langues les paroles suivantes sont diffusées simultanément.

            Mesdames et Messieurs, mon nom est Benoît. Je suis le porte-parole que les extra-terrestres ont invité pour vous parler. La présente émission sera diffusée de demi-heure en demi-heure pour que vous ayez l’occasion de l’écouter à votre convenance. Une nouvelle émission sera diffusée à partir de demain midi heure avancée de l’est.

            Au nom des Élois, c’est le nom qu’ils se donnent, il me fait plaisir de vous saluer chaleureusement. Je parlerai en leur nom et j’utiliserai le « nous » pour les désigner. Cela rendra le discours plus intime et plus représentatif de ce qu’on m’a demandé de vous dire.

            Pour une bonne quantité d’entre vous, ma figure est connue. Elle est sur la page frontale du document d’initiation au cube. Qu’est-ce que le cube? Soyez patients je vais y venir.

            Tout d’abord Nous voulons vous assurer de notre bonne intention. Vous n’êtes pas la première civilisation avec laquelle nous nous invitons. Dans l’univers, pleins de mondes supportent la vie. Nous allons être francs, la plupart des contacts que nous avons eus dans le passé se sont mal terminés. Nous le déplorons amèrement. Nous croyons cependant que vous allez être la première civilisation à passer avec succès l’étape de l’Émancipation. Votre monde est au bord d’une crise terminale. Tous les indices de civilisation sont au rouge. Pollution, prolifération nucléaire, explosion des moyens de communication, perte de contrôle de la part des institutions politiques et autres nous démontrent que vous êtes au bord du gouffre. Le taux de naissances naturelles décroît et cette décroissance s’accélère. Il y a de plus en plus de naissances difficiles et la mort infantile est en progression dans le monde. À terme la population décroîtra, si elle en a le temps. La crise nucléaire est la principale cause d’extinction des civilisations technologiques. Que ce soit par accident, par folie individuelle ou par guerre nucléaire ouverte, Beaucoup de mondes sont maintenant des planètes radio-actives, alors qu’elles jouissaient d’une atmosphère aussi agréable que la Terre.

            Le portrait que nous venons de tracer est des moins réjouissants. C’est pourtant votre réalité. Le point de non-retour a été dépassé avec la fin de la guerre froide. Trop de petits états disposent maintenant de l’atome. Ce n’est qu’une question de temps pour qu’un incident se produise.

            Plus grave encore et plus certain c’est la révolution sociale qui est sur le point d’éclater. Le terrorisme n’est que le début d’une escalade de moyens utilisés par des groupuscules d’individus mal-intentionnés. Les écarts entre les riches et les pauvres, loin de diminuer, augmentent continuellement et crée dans la masse le ferment de groupes terroristes.

            Qu’il suffise de dire que, si rien n’est fait,  les probabilités que la Terre soit encore un endroit vivant est pratiquement nulle. Dans 500 ans au plus tard ce sera une planète morte.

            Maintenant, les bonnes nouvelles. Nous vous faisons une promesse, que nous vous promettons tenir, et que vous pouvez annuler de votre plein gré : Nous vous assurons de notre support, moral, technologique et tout support que vous nous demanderez. Nous voulons vous aider à passer la crise dans laquelle vous êtes empêtrée. Le cadeau que nous vous faisons est gratuit, sans aucune obligation de votre part.

            Le moyen principal que nous comptons utiliser c’est de doter chaque humain majeur, d’un cube. Le fameux cube. Sa fonction est d’assurer la satisfaction des besoins de chaque humain. Ainsi il vous assurera nourriture, vêtement, approvisionnement de toutes choses utiles. Il vous permettra d’échanger gratuitement, avec quiconque, tout objet que vous désirez. À court terme, c’est le principal avantage que nous vous proposons. Cela aura pour effet de rendre inutile, en grande partie, le travail. Ceux qui voudront continuer à travailler pourront offrir leurs services aux départements d’utilités publiques. Que ce soit pour le téléphone ou l’électricité ou l’eau et les égouts. L’important, c’est que la course à la survie est terminée. Il vous faudra un temps pour vous y faire. Il y aura plein d’ajustements personnels à faire, pour chacun. Combien de temps ça prendra? Vous seuls en êtes déterminants.

            Voilà pour la première fonction du cube et le premier avantage que notre technologie vous offre. Le deuxième, moins immédiat pour la plupart mais essentiel pour une bonne partie de la population mondiale. Le cube permet de produire une pyramide. Celle-ci a le pouvoir de guérir. Pas soigner, guérir. Dans quelques minutes, commenceront à apparaître des pyramides à la porte des hôpitaux. Les patients hospitalisés auront la priorité. Ceci étant accompli, quiconque veut passer dans la pyramide pourra le faire, à son tour. Les priorités médicales en premier bien-entendu. Donc si vous avez un problème médical, dirigez-vous vers les grands hôpitaux et armez-vous de patience. Tout le monde aura son tour.

            Comment se procurer un cube? Actuellement des millions de cubes sont en circulation sur la planète. Vous pouvez le demander à quiconque se promène avec un cube. Il faut le demander poliment et prendre le temps d’être initié au cube. Le protocole dure une journée. Un seul individu peut être initié à la fois. Cependant, la première étape est le fait de passer à la pyramide. Ainsi tout le monde sera en santé quand on aura fini le processus. Les manifestations égoïstes, impatientes, agressives, seront retenues contre vous et retarderont votre initiation. Les initiés ont le pouvoir de partager le cube. Mais ils méritent le respect et l’obéissance. Sinon l’initiation sera terminée. Les forces de l’ordre ont reçu la consigne de protéger tout individu portant un cube. L’usage de la force est permis. Soyez donc avertis qu’il n’y aura aucune excuse pour le moindre dérangement civique.

            Voilà l’essentiel du message initial. Nous vous encourageons au civisme et à la patience. Notre technologie vous assurera un niveau de vie impensable. Le prix à payer, c’est la patience et le calme. Je vous remercie de votre attention et je vous encourage à réécouter ce message, pour bien vous en pénétrer.

du monde, la voix et la figure de Benoît apparaît calme, souriante. Image rassurante et même paternelle. Dans toutes les langues les paroles suivantes sont diffusées simultanément.

            Mesdames et Messieurs, mon nom est Benoît. Je suis le porte-parole que les extra-terrestres ont invité pour vous parler. La présente émission sera diffusée de demi-heure en demi-heure pour que vous ayez l’occasion de l’écouter à votre convenance. Une nouvelle émission sera diffusée à partir de demain midi heure avancée de l’est.

            Au nom des Élois, c’est le nom qu’ils se donnent, il me fait plaisir de vous saluer chaleureusement. Je parlerai en leur nom et j’utiliserai le « nous » pour les désigner. Cela rendra le discours plus intime et plus représentatif de ce qu’on m’a demandé de vous dire.

            Pour une bonne quantité d’entre vous, ma figure est connue. Elle est sur la page frontale du document d’initiation au cube. Qu’est-ce que le cube? Soyez patients je vais y venir.

            Tout d’abord Nous voulons vous assurer de notre bonne intention. Vous n’êtes pas la première civilisation avec laquelle nous nous invitons. Dans l’univers, pleins de mondes supportent la vie. Nous allons être francs, la plupart des contacts que nous avons eus dans le passé se sont mal terminés. Nous le déplorons amèrement. Nous croyons cependant que vous allez être la première civilisation à passer avec succès l’étape de l’Émancipation. Votre monde est au bord d’une crise terminale. Tous les indices de civilisation sont au rouge. Pollution, prolifération nucléaire, explosion des moyens de communication, perte de contrôle de la part des institutions politiques et autres nous démontrent que vous êtes au bord du gouffre. Le taux de naissances naturelles décroît et cette décroissance s’accélère. Il y a de plus en plus de naissances difficiles et la mort infantile est en progression dans le monde. À terme la population décroîtra, si elle en a le temps. La crise nucléaire est la principale cause d’extinction des civilisations technologiques. Que ce soit par accident, par folie individuelle ou par guerre nucléaire ouverte, Beaucoup de mondes sont maintenant des planètes radio-actives, alors qu’elles jouissaient d’une atmosphère aussi agréable que la Terre.

            Le portrait que nous venons de tracer est des moins réjouissants. C’est pourtant votre réalité. Le point de non-retour a été dépassé avec la fin de la guerre froide. Trop de petits états disposent maintenant de l’atome. Ce n’est qu’une question de temps pour qu’un incident se produise.

            Plus grave encore et plus certain c’est la révolution sociale qui est sur le point d’éclater. Le terrorisme n’est que le début d’une escalade de moyens utilisés par des groupuscules d’individus mal-intentionnés. Les écarts entre les riches et les pauvres, loin de diminuer, augmentent continuellement et crée dans la masse le ferment de groupes terroristes.

            Qu’il suffise de dire que, si rien n’est fait,  les probabilités que la Terre soit encore un endroit vivant est pratiquement nulle. Dans 500 ans au plus tard ce sera une planète morte.

            Maintenant, les bonnes nouvelles. Nous vous faisons une promesse, que nous vous promettons tenir, et que vous pouvez annuler de votre plein gré : Nous vous assurons de notre support, moral, technologique et tout support que vous nous demanderez. Nous voulons vous aider à passer la crise dans laquelle vous êtes empêtrée. Le cadeau que nous vous faisons est gratuit, sans aucune obligation de votre part.

            Le moyen principal que nous comptons utiliser c’est de doter chaque humain majeur, d’un cube. Le fameux cube. Sa fonction est d’assurer la satisfaction des besoins de chaque humain. Ainsi il vous assurera nourriture, vêtement, approvisionnement de toutes choses utiles. Il vous permettra d’échanger gratuitement, avec quiconque, tout objet que vous désirez. À court terme, c’est le principal avantage que nous vous proposons. Cela aura pour effet de rendre inutile, en grande partie, le travail. Ceux qui voudront continuer à travailler pourront offrir leurs services aux départements d’utilités publiques. Que ce soit pour le téléphone ou l’électricité ou l’eau et les égouts. L’important, c’est que la course à la survie est terminée. Il vous faudra un temps pour vous y faire. Il y aura plein d’ajustements personnels à faire, pour chacun. Combien de temps ça prendra? Vous seuls en êtes déterminants.

            Voilà pour la première fonction du cube et le premier avantage que notre technologie vous offre. Le deuxième, moins immédiat pour la plupart mais essentiel pour une bonne partie de la population mondiale. Le cube permet de produire une pyramide. Celle-ci a le pouvoir de guérir. Pas soigner, guérir. Dans quelques minutes, commenceront à apparaître des pyramides à la porte des hôpitaux. Les patients hospitalisés auront la priorité. Ceci étant accompli, quiconque veut passer dans la pyramide pourra le faire, à son tour. Les priorités médicales en premier bien-entendu. Donc si vous avez un problème médical, dirigez-vous vers les grands hôpitaux et armez-vous de patience. Tout le monde aura son tour.

            Comment se procurer un cube? Actuellement des millions de cubes sont en circulation sur la planète. Vous pouvez le demander à quiconque se promène avec un cube. Il faut le demander poliment et prendre le temps d’être initié au cube. Le protocole dure une journée. Un seul individu peut être initié à la fois. Cependant, la première étape est le fait de passer à la pyramide. Ainsi tout le monde sera en santé quand on aura fini le processus. Les manifestations égoïstes, impatientes, agressives, seront retenues contre vous et retarderont votre initiation. Les initiés ont le pouvoir de partager le cube. Mais ils méritent le respect et l’obéissance. Sinon l’initiation sera terminée. Les forces de l’ordre ont reçu la consigne de protéger tout individu portant un cube. L’usage de la force est permis. Soyez donc avertis qu’il n’y aura aucune excuse pour le moindre dérangement civique.

            Voilà l’essentiel du message initial. Nous vous encourageons au civisme et à la patience. Notre technologie vous assurera un niveau de vie impensable. Le prix à payer, c’est la patience et le calme. Je vous remercie de votre attention et je vous encourage à réécouter ce message, pour bien vous en pénétrer.

Réactions

            Le message des Extra-terrestres dure 5 minutes. Les 25 minutes entre chaque répétition, les médias de nouvelles ont récupérés les ondes. On avait donc le message, puis 25 minutes de nouvelles et réactions. Après la troisième répétition du message, CNN montra le fameux cube. Un initié, fier de passer aux nouvelles, montrait le cube. Devant les caméras, il a fait apparaître la pyramide. Le présentateur regarda à l’intérieur et ressortit, cherchant du regard un volontaire. Avisant un homme, manchot, technicien-assistant,  le présentateur lui demande de passer dans la pyramide. Celui-ci hésitant mais impressionné d’être devant les caméras, se laisse entraîner dans la pyramide. L’initié fais sortir le présentateur et fait signe au caméra man de le suivre au cube. On a droit à un plan agrandi du panneau de contrôle où un triangle bleu illuminé luit. Le plan s’étire, pas vraiment intéressant. Le présentateur apparaît de nouveau remplissant le temps en interviewant l’initié. Il attire lentement celui-ci vers l’entrée de la pyramide. On approche la limite de temps, allouée entre deux messages des Élois. Soudain, un homme sort de la pyramide. Il est toujours manchot. Le présentateur commence à dire que la pyramide n’est pas si miraculeuse que ça. Mais l’homme commence à bouger et relève son T-shirt. Son deuxième bras sort du tissu. Il a retrouvé son bras.

            Le moment est surréaliste et l’image est coupée pour passer de nouveau le message des Élois. Plus synchronisé que ça, ça se peut pas. Spielberg n’aurait pas fait mieux. Dans la salle du QG Benoît et Bernard et Ben rient. Les Gabriels, impassibles, les regardent, ne comprenant pas ce qui se passait.

  • C’est du pur cinéma. On n’aurait pu imaginer mieux.
  • Excusez-moi, nous ne comprenons pas.
  • Le reporter désespérait qu’il se passe quelque chose, lorsque l’homme est sorti rien n’avait l’air d’avoir changé. Puis l’homme a sorti son deuxième bras de sous son gilet. Gros plan sur le bras et coupure pour passer au message. On n’aurait pas été capable de penser produire un moment pareil. Cette scène va faire le tour des salles de nouvelles. Les reporters vont se propulser vers les hôpitaux pour essayer de supplanter ce miracle. Ça va être à celui qui aura le plus gros miracle à montrer. Plus tard, pris isolément, cette scène sera celle qui aura changée l’atmosphère pour amener un côté humain à toute l’affaire. Prenez-en note.
  • C’est si important que ça?
  • Plus encore.
  • C’est L’Image. L’image qui demeurera dans la tête des gens. Elle leur sera montrée si souvent dans les heures à venir, que dans dix, ans elle sera aussi présente que l’image de la tour du World Trade Center qui s’effondre ou celle de l’Homme qui marche sur la Lune.
  • Donc c’est une bonne chose?
  • Excellente. La partie vient de se gagner. Si vous avez un contrôle quelconque, cessez vos messages et laissez aller les reporteurs. Ils vont faire 100 fois mieux que vous.

            Sans que personne ne touche à quoi que ce soit, l’image de Benoît apparaît à l’écran de la télévision.

  • Que se passe-t-il Benoît?
  • Tu peux nous voir au QG?
  • Oui et vous entendre. Qu’y a-t-il de si important on vient de m’aviser que vous voulez communiquer avec nous?
  • N’as-tu pas vu ce qui vient de passer à CNN?
  • Non. Nous étions en discussion Luke.

            Estomaqué, Benoît du QG , se reprend aussitôt.

  • La partie est gagnée.
  • Comment ça.
  • L’image historique est passée. On a vu, un homme retrouver son bras perdu, grâce à la pyramide. C’était magique. Si il y a moyen essaie de voir ça, comme ça s’est passé.
  • On m’assure ici que tout est possible au point de vue technique. Je regarde et je communique avec toi dans une demi-heure.
  • Fais cesser les messages aux demi-heures. Laisse aller les nouvelles, c’est le conseil que je te donne Luke et avertit Luke en Australie aussi.
  • Bien compris. À tout à l’heure.

            La télévision revient à CNN et, tel que Benoît l’avait prévu, la séquence de l’homme sans bras sortant de la pyramide, puis découvrant son bras revenu, passait en boucle aux 5 minutes. L’histoire a fait le tour de la planète, c’est certain. La course est commencée, il n’y a pas de doute. Benoît se tourne vers les Gabriels et dit.

  • Lequel d’entre vous est le chef?
  • C’est moi.
  • Comment puis-je vous appeler?
  • Appeler moi Jean.
  • OK Jean. Suivez-moi. En entraînant Jean à sa suite Benoît sort à l’extérieur de la mine. La nuit froide d’ Abitibi est silencieuse. Aucun son. Le calme plat.
  • Que se passe-t-il?
  • Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que l’on peut avoir confiance en vous. Je ne sais pas pourquoi mais le jugement est tombé.
  •  Comment l’avez-vous su?
  • Ce n’est pas important. J’ai maintenant besoin d’une réponse honnête.
  • Jean, ou quel que soit votre nom, êtes-vous prêt à me donner cette réponse?
  • Mon nom est imprononçable, c’est une pensée. Notre moyen de communication est télépathique. Mais allez-y Benoît. Je vais répondre le mieux qu’il m’est possible, dans votre langue.
  • Quels cadavres cachez-vous dans le placard?
  • Je ne comprends pas votre question.
  • L’image parfaite que vous essayez de projeter est trop belle, trop étudiée. Je viens de recevoir l’information que vos intentions sont bonnes.  Vous ne pouvez avoir évolués sans avoir passer une période comme la nôtre. C’est vous qui l’avez dit. Alors?
  • Vous avez raison. Vous me surprenez énormément. Jamais n’avons nous réussi à nous rendre aussi loin dans le processus d’émancipation. Normalement, la planète aurait dû être anéantie encore une fois. D’après ce que je comprends vous prévoyez le succès cette fois-ci. Ça prendra des décennies d’observation et d’analyse pour comprendre pourquoi cette fois-ci ça a marché. Nous écrirons l’histoire.
  • Ça ne répond pas à la question. Que cachez-vous?
  • Le désespoir.
  • Quel désespoir?
  • Il n’y a que ça?
  • Quoi?
  • Ça. La vie. Pourquoi existe-t-on? Qui nous a créé? Pour quelle raison? Nous avons appris que la vie existe dans tout l’Univers. Pourquoi?
  • La réponse à cette question est donc recherchée universellement?
  • Oui. Nous avons créé pour vous la religion. Nous avons imaginé introduire chez vous la réponse à cette question. Certains la trouve réconfortante. Mais dès que les communications explosent,  l’incertitude gagne du terrain et la désaffection de la religion arrive. Puis ce sont les maladies mentales qui augmentent et toute une suite d’événements. Croyez-moi sur parole, vivre 1500 ans à son lot de vicissitudes. Nous avons besoin d’un renouveau philosophique. Nous espérons qu’en ayant un interlocuteur, celui-ci nous ouvrira des horizons nouveaux. Nous sortira de la sclérose de notre existence.
  • C’est pathétique. Vous semblez avoir une vie misérable.
  • Elle n’est pas misérable. Mais tellement inintéressante et futile.
  • C’est passionnant. Nous en aurons pour des années à discuter. Je crois que nous pourrons vous apporter une compagnie qui vous manque tant. Mais il vous faudra être patient.
  • Nous n’avons pas le choix. Nous sommes prêts à tout pour réussir. Nous avons échoués tellement de fois. Nos espoirs ont si souvent été déçus.
  • Je crois que l’âme humaine recèle de ce qui fut autrefois votre étincelle de vie. Nous vous aiderons à la retrouver, j’espère. Mais rentrons. Benoît doit chercher à me contacter.

            De retour dans le QG Benoît et Jean constatent que Benoît est effectivement à l’écran. En discussion avec Bernard et Ben. Ceux-ci font signe aux nouveaux-venus de s’approcher de l’écran.

  • Arrêtez tout.
  • Arrêter quoi?
  • Tout.
  • On va produire une série d’émissions, de communications. Laissons aller les événements. Que les vaisseaux se posent et que les Élois se mêlent à la population. À partir des hôpitaux, des pyramides.
  • C’est une grosse erreur que tu fais. Il faut suivre le plan.
  • Non. Viens me chercher, Viens chercher Jean aussi. Va chercher Benoît de AFT, on a besoin de se parler. Les dés sont jetés et toute nouvelle action pourrait les empêcher de rouler favorablement. Laissons la chance au coureur. Je crois que le second souffle est arrivé et que tout concourt à une réussite. Laissons le temps au Temps.
  • D’accord. On me dit que dans une heure nous passerons te prendre. J’ai hâte de comprendre.
  • À tout à l’heure.

            La télévision de CNN revient . On voit le parking d’un hôpital rempli de pyramides. Le soleil fait réfléchir les surfaces en or. La vue est saisissante. Une activité incessante règne. Des masses de gens sont autour, attendant leur tour. Le commentateur décrit l’action …

  • Allons nous préparer
  • Oui allons-y. Je vous suit.

En orbite

            Le vaisseau spatial est en orbite éloignée de la Terre. Par la fenêtre, on voit celle-ci. La vue est saisissante. Une vaste salle, remplie d’ Élois et remplie de Benoits et de Bernards  et de Bens et de Annes. 400 personnes au bas mot prennent place à l’intérieur. Le vaisseau est immense.

            La scène principale au centre, entourée de gradins circulaires, est composée d’une table ronde autour de laquelle sont entremêlés les Élois et les humains. Dans les gradins la même diversité règne. Un murmure calme occupe l’espace sonore. Un Éloi se lève à la table, il réclame du geste le silence.

  • Bienvenue à tous. La première conférence intergalactique va commencer. C’est un moment historique que nous vivons. Nous avons attendu longtemps pour qu’il arrive. Il semblerait que nous touchons au but. Je vous présente Benoît. C’est Le Benoît. L’original. Il veut nous parler. Écoutons-le.

            Benoît se lève et salue tous les gens présents. Voici son discours impromptu :

            Chacun, chacune. C’est un grand honneur qui m’est fait. Je ne sais comment le destin nous a réuni. Mais j’en suis heureux. Je sais que les Élois ont déployés de multiples efforts, qu’ils ont essuyés de multiples et je dirais même, d’innombrables défaites au cours des siècles. Pourtant, sur cette belle planète bleue, le germe de la réussite est planté. Laissons le temps à la nature d’agir. Délaissons du regard l’endroit où la graine est plantée. Laissons la Nature agir. Trop de soins, nuit à la plante. Elle doit pousser lentement, à son rythme, au gré des saisons. La vie est puissante. Mais à trop vouloir la faire venir à terme, nous empêchons celle-ci de parvenir à maturité et de produire ses fruits.

            La Terre est bonne et riche, la graine est plantée. Les conditions climatiques sont exigeantes mais la plante a les ressources pour profiter. Il faut qu’on attende sa croissance et sa maturation. Dans mon pays, j’ai observé la même hâte, la même anxiété. Les jardiniers étaient nombreux et impatients. Ils harcelaient le terrain, chacun y allant de son avis et de ses soins. Mais la plante ne poussait pas. Le jardinier en chef, ne cessait de houspiller ses troupes pour les faire bouger. Il voulait voir les fruits. Les intentions étaient bonnes mais les conditions nécessaires ne semblaient pas réunies. Ce n’est pas vrai. Les conditions y étaient. C’est la circulation et l’obsession des jardiniers qui était la cause de l’adversité à la croissance de la plante. On lui faisait de l’ombre, on l’arrosait surabondamment, on engraissait le terrain avec plein d’éléments qui n’étaient pas nécessaires. La terre étaient tellement polluée d’ éléments divers que la plante suffoquait. Elle était tellement transplantée et bichonnée qu’elle n’avait pas l’occasion de profiter au soleil. En un mot on n’arrêtait pas de la taponner.

            La cause de l’échec de la plante ne résidait pas dans la terre, dans le germe, dans la plante, dans les conditions. Non La cause de l’échec était l’impatience des jardiniers. Il faut attendre que la plante manque d’eau avant de lui en donner, il faut attendre que la terre s’appauvrisse avant de l’engraisser. Il faut s’assurer que l’exposition au soleil soit suffisante, mais pas trop. Mais le plus important, c’est qu’il faut attendre. Que faire pendant ce temps?

            N’importe quoi. La Nature a produit une grande quantité, une grande diversité, un grand éventail de plantes. Le jardinier impatient, qui veut une plante parfaite, pêche par la quantité de soins qu’il lui prodigue. Celui qui réussit est celui qui observe la plante, et réagit le moins possible pour corriger les problèmes de croissance normaux. La perfection ne vient pas de la perfection. Elle vient de ce que l’on ait réagi à temps et de façon mesurée aux agressions qu’a subies la plante. Pas de conditions idéales. Mais de patientes réactions aux éléments qui se sont produits pendant la croissance.

            À cette fin, une vérification périodique, planifiée et régulière,  permet de voir l’état de la plante. Cette vérification permet d’identifier les problèmes et d’y apporter des correctifs opportuns, au moment opportun, en quantité opportune.

            Je crois, fermement, que les conditions sont réunies pour que la plante profite et produise ses fruits. Tout n’est qu’espoirs, mais le processus est bien entamé. Laissons les forces naturelles agir, suivons périodiquement l’évolution de la situation. Ne sur-réagissons pas à chaque soubresaut. La tentation est grande de vouloir contrôler tous les paramètres à outrance. N’oubliez pas que le mieux est l’ennemi du bien. L’idéal n’est pas atteint par les conditions idéales, mais par le respect des actions menées en accord avec le processus naturel de croissance. Respect du temps nécessaire à l’action d’apporter ses résultats. Merci.

  • Merci Benoît. Il en ressort donc que nous sommes responsables des échecs que nous avons essuyés.
  • Ce n’est pas ce que je dis. Ce que je dis, c’est, que dans ce cas-ci, un concours de différentes circonstances a fait que le processus est bien enclenché. Je ne sais pas ce qui s’est passé avant. Ce n’est que, suite à une expérience fructueuse, que l’on peut identifier les causes exactes des échecs. Conclure des conditions manquantes, des conditions superflues. Je ne porte aucun jugement sur vos essais antérieurs. Je ne les connais pas. En revanche je vous dis, que dans le cas qui nous occupe, il faut laisser agir les forces en mouvement. L’harmonie résultera du tumulte. Dans combien de temps, après quels correctifs? Je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais c’est qu’il faut attendre pour voir.
  • Ce que vous dites semble évident. Nous allons étudier votre position. Vous nous ferez l’honneur d’assister aux débats?
  • Avec plaisir.
  • Amis, un grand banquet est en place dans l’agora. Rejoignons les gens qui y sont et faisons plus amplement connaissance. Je déclare officiellement, que l’observation continue est suspendue, jusqu’à nouvel ordre.

Fin

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Les médias et la propagande!

Les médias ont tellement abandonné l’information pour s’étendre dans le divertissement. C’est une accusation que je fais. Il poursuivent tellement l’audimat et le lectorat qu’ils en oublient leur mission. Les questions vicieuses et les affirmations d’idéal fusent et les faits sont tordus pour passer le message que l’on veut bien passer.

Voici un courriel que j’ai envoyé au 985 à M. Paul Arcand:

Bonjour   Ce matin à 6hres le 29 janvier 2021 je vous ai écouté faire, sous forme de questions, toutes sortes de supputations. De plus vous avez émis que le point de presse du gouvernement était inutile et inintéressant. D’après moi, vous êtes près de la démagogie. C’est une accusation grave. Vous avez un micro et de la salive à volonté. Mais, vous ne valez rien pour aider à combattre la Covid. Alors considérez l’effet que vous avez sur votre auditoire. Vous ressemblez de plus en plus à un gourou qui harangue ses troupes.   De grâce écoutez-vous avec votre sens critique et évaluez l’effet de vos paroles sur la population.   Je continue à vous écouter mais vous baissez énormément dans mon estime. À quel point? Au point de vous mettre au même niveau qu’Isabelle qui utilise des mots comme “toujours” et “toxique” pour prouver ce qu’elle veut démontrer. Elle ne veut pas savoir, elle veut prêcher.   Désolé mais le 985 perd des plumes et ses animateurs vedettes sont trop orientés audimat et pas assez information.   Bertrand Dugré

Il aurait pu être émis à n’importe quel animateur de radio ou à n’importe quel chroniqueur de journal ou Télé.

C’est triste car les médias agissent au meilleur de ce qu’ils pensent leur intérêt. Mais ils se tirent dans le pied. Les plus jeunes délaissent les médias traditionnels et prennent leurs informations (les bonnes comme les mauvaises) sur les internet.

C’est la réalité que je vois. Peut-être ai-je la vue courte, mais, ma mèche est encore plus courte.

Bertrand (@BDmoi)

Les itinérants?

Il n’y a pas LES itinérants, il y a des itinérants. Au Québec, on parle d’environ 5000 itinérants, à Montréal environ 3000 de ceux-ci. L’ordre de cour est ultra vires d’après moi. Enlever la responsabilité citoyenne, d’obéir à la loi, est illégale d’après moi. Un peu plus de 8000000 d’habitants, 5000 itinérants. Cela donne .06% de la population. Les tribunaux sont là pour traiter de cet ordre de grandeur.

C’est seulement une infime partie des itinérants qui sont sans abri. Il y a aussi le respect de la volonté personnelle. On peut respecter, et de fait, on respecte la volonté personnelle. Recevoir une amende, est le résultat de défier la loi. C’est le privilège d’être considéré comme un citoyen.

Le bon coeur et la mansuétude des bonnes gens est compréhensible. Mais, traiter de haut, les gens qui, pour quelque raison pensent autrement, et je parle des itinérants, est hautement répréhensible. Vous jugez du comportement d’autrui qui, dans la poursuite de son bonheur, agit différemment de ce que vous le feriez.

Alors on doit faire les lois pour l’ensemble des citoyens et laisser aux tribunaux la justesse de l’amende. On ne doit pas faire d’exceptions à la loi. On doit permettre la contestation de l’APPLICATION de la loi. Je crois que vous l’avez tout faux. C’est ma vision des choses.

Bertrand (@BDmoi)

Canari ou étincelle?

Les Hassidiques, et non pas les juifs, on se doit de faire la distinction et de nuancer, sont-ils les canaris qui cessent de chanter avant le coup de grisou ou sont-ils l’étincelle qui fait tout exploser? Question qui se pose et est assez difficile à répondre.

Dans une mine on apportait des canaris chanteurs pour prévenir les coups de grisou, ce gaz imperceptible hautement explosif. Mon fils m’a dit: les hassidiques sont les canaris qui indiquent l’état de déliquescence de notre société. Je ne suis pas d’accord mais il a raison sur un certain point.

Effectivement notre société est en déliquescence, pas vraiment neuf. Mais les hassidiques créent la bisbille partout où ils passent. Pas par leur vociférations, on ne les entend pas beaucoup. Mais, quand ils sortent de leur silence. Ils ne respectent pas les lois de la nation où ils sont. Là est leur problème. Ce ne sont pas de bons citoyens.

Nous nous sentons, émotivement, rejetés. Ils ne nous rejettent pas, ils nous ignorent en autant qu’on les laisse faire ce qu’ils veulent. Non! Notre société est égocentrique et mal foutue au point de vue émotif. On souffre, collectivement, d’un manque de confiance total et d’une susceptibilité extrême à ce qu’on CROIT que les autres pensent de nous.

Donc nous sommes dans un environnement totalement imprégné de grisou. Il faut absolument ventiler avec de l’air frais. Les politiciens en sont-ils conscients? Je ne saurais dire. Mais ils fouettent les chats et ne semblent pas préoccupés de l’État social des citoyens. Tout n’est que division en sous-groupes, antagonisme.

Qui actionnera l’interrupteur de la ventilation? Je ne le vois pas actuellement.

Bertrand (@BDmoi)

L’autre est-il responsable?

En août 2019, j’ai écrit ceci: http://bdmoi.mdugre.info/le-monde-nest-pas-ce-quon-voudrait/

C’est un texte qui dit beaucoup. J’aimerais le reprendre d’un autre angle. Qui est responsable des émotions que l’on ressent? J’ai dit à l’émission de radio de Dan Bigras: les mots n’ont jamais tué personne… et il m’a coupé en jaspinant. Je réitère: les mots n’ont jamais tué personne, les gens et les gestes l’ont fait.

Est-on responsable de ses émotions? L’autre est-il responsable de ce qui nous fait bouillir? L’autre est-il responsable que nous ayons vécu quelque chose de terrible qui nous revient à la mémoire? Vous me voyez venir? L’autre n’est responsable que de l’Intention pour laquelle il a dit ce qu’il a dit.

Si c’est fait en connaissance de cause, pour blesser ou encore pire faire rire les autres, c’est méchant donc punissable. Mais si, on voit que ce n’est que sa liberté de parole et qu’il ne semble pas y avoir de mauvaise intention, alors faut-il prendre la situation pour ce qu’elle est. Une divergence d’opinions.

Tout n’est pas blanc ou noir. Chaque situation doit être vue dans son ensemble. Mais, je me dois de dire, d’après moi, et je suis d’accord avec moi, la majorité, grande majorité des gens ne réfléchissent pas avant de parler, ou d’écrire, ne réfléchissent pas à ce qu’ils veulent dire ni à comment le dire. On privilégie les débats, les échanges rapides et émotifs. Le but n’est pas d’échanger, de discuter mais de gagner le débat.

C’est infiniment triste. J’essaie, par mes écoutes et mes échanges, de pacifier les échanges entre les gens. Souvent les gens mettent un ton dans mes écrits. Le ton n’y est pas, c’est eux qui le mettent. Souvent je dois leur demander où dans mes écrits est-il indiqué tel ou tel ton? Ils ne peuvent y répondre.

Alors, dans la majorité des cas, quand vous êtes émotifs c’est qu’il y a une raison et cette raison est rarement l’autre mais, vous. L’émotion est un symptôme et devrait nous inciter à nous poser des questions?

  • Qu’est-ce qu’il a dit (écrit)
  • qu’est-ce que ça éveille en moi
  • quelle expérience ai-je vécu qui m’amène à ressentir une violente émotion

C’est en cela qu’une discussion est enrichissante. Elle nous permet de faire le ménage en-dedans de nous. Mais, on n’a pas été élevé comme ça. Et là, je prends mon nouveau mot passe-partout, qui n’est pas méchant ni insultant: ouais pis! On en fait quoi? Voilà toute la question.

Donc, on grimpe sur ses ergots ou l’On se retire, si les émotions sont trop fortes, et l’on fait une introspection. Grimper sur ses ergots donne ce qu’on voit sur Twitter. Boue sale et lancée à gauche et à droite.

Twitter est un outil formidable que l’humanité s’est donnée. Encore faut-il apprivoiser l’outil?

Bertrand (@BDmoi)

Tous n’existe pas!!!

Tous n’existe pas, pas plus que tout, mais ça c’est une autre histoire. Concentrons-nous sur “tous”.

De tous (oups!) les temps il y a eu plus ou moins de cohésion dans les sociétés. Il n’y a jamais eu cohésion totale. Il y a toujours eu des dissidents. Plus ou moins nombreux et plus ou moins organisés. Avant on appelait ça une révolte ou une guerre. Mais ça c’est avant. Mais est-ce que ça a changé?

Je crois, et c’est mon impression, que le nombre de conflits armés a diminué dans le Monde, sur la Terre. On n’éradiquera jamais les conflits mais, peut-être régirons-nous mieux les armes, on verra.

Tout ça pour dire que le pire argument qu’on puisse me servir est: c’est pas tout le monde (tous) qui …

En effet, rien n’est tous. Donc, ne perdez pas votre salive à me le rétorquer. Parlez-moi du sujet en cours et on discutera. Les gens sont différents. C’est admis par la grande majorité. Alors ceci étant dit, il n’y a qu’une constatation possible: il y a de tout sur la planète.

De grâce discutez intelligemment et laissez tomber les phrases toutes faites. C’est la seule façon d’agir qui est digne et conséquente avec notre intelligence, ce qui n’est pas donné à tous :-)))

Bertrand (@BDmoi)

La tyranie de la minorité?

Dans un monde où les minorités font la loi, orientent les lois, la division ne peut que régner. Pensez-y. Tous les autres ne sont pas nous. Nous (la minorité) avons droit et nous l’exigeons, aux autres (le reste) de s’adapter et d’y obtempérer. C’est ridicule.

Les citoyens votent selon un système démocratique. Là s’expriment toutes les diversités. Mais la constitution détermine qui gouverne. Le gouvernement gouverne, oh! malheur!, le citoyen doit absolument obéir aux lois promulguées par le gouvernement. Ceci étant dit, il faut être imbécile pour penser que tous sont d’accord. Il y a moyen d’être en désaccord et même plusieurs moyens:

  • 1- Le dire
  • 2-écrire à son député
  • 3- manifester légalement en groupe
  • 4- signer une pétition
  • 5- porter en cour une action
  • 6- Faire ….

Il y a cependant qu’il faut obéir à la loi, le temps qu’elle est en vigueur. Pourquoi? Pour quoi? Parce que si je ne crois pas au système démocratique, ni à ses lois, qu’est-ce qui empêche quelqu’un de me tirer une balle dans la tête? Rien. C’est le seul et unique rempart à une société. Mais, formons-nous encore une société? Vous pouvez lire le texte suivant que j’ai écrit il y a 3 ans: http://bdmoi.mdugre.info/formons-nous-encore-une-societe/

Selon votre réponse à cette question, peut-on se demander pourquoi? Rien, rien dans notre société, donne le droit de désobéir aux lois. La désobéissance civile est un concept pour la tyrannie. Donc, selon mon titre, ne doit-on pas désobéir aux volontés des minorités, et, dans le respect, vivre tous en raison et non dans le royaume malsain des émotions extrêmes? Je vous laisse sur cette question.

Bertrand (@BDmoi)

Le prix d’être conscient!!!

Il est un énorme prix à payer d’être conscient. Qui est fait en toute conscience, en connaissance de cause, sciemment.-Larousse

Être conscient implique nécessairement que l’on fasse un choix, entre les possibilités qui nous sont ouvertes. Et choisir est terrible. Il implique que l’on doive assumer son choix ou ses choix. Là le bât blesse énormément. Les gens ne savent pas choisir en fonction de leurs besoins mais en fonction de leurs désirs et de leur porte-monnaie.

Je vais prendre un exemple ridicule: mes sandales d’été. Du mois de juin au mois de octobre, je porte des sandales. J’ai toujours chaud aux pieds. Voilà pour le besoin. J’achète des sandales qui valent de 200$ à 300$, pas pour leur apparence mais pour la qualité de cuir et de confection. J’étais sur l’aide sociale avec 1000$ par mois pour vivre. Est-ce logique de dépenser une telle somme? Dans mon cas, oui, parce que je n’achète pas un prix. J’achète des sandales. Premièrement je les achète un ou 2 ans d’avance, en spécial à la fin de l’été. Je les paie 90$ à 150$. Elles durent de 7 à 10 ans d’usage intensif. Donc ça revient à 15$ ou à peu près par année. Une paire qui me durerait à peine un an coûte au minimum 50$. Donc j’économise effectivement une trentaine de $ par année.

C’est ça que je veux dire par on a TOUJOURS le choix. S’en déresponsabiliser parce que l’on n’en est pas conscient est le problème que vivent bien des gens

Bertrand (@BDmoi)

En demande-t-on trop à l’éducation?

En demande-t-on trop à l’éducation, en demande-t-on assez, ou demandons-nous l’impossible? Quand je dis éducation, je parle du système d’instruction publique.

Enseigner, c’est transmettre à la génération future un corpus de connaissances et de valeurs de la vie sociale. Il faut distinguer enseignement et éducation. Le terme enseignement, de son côté, se réfère plutôt à une éducation bien précise, soit celle ‘de la transmission de connaissances à l’aide de signes’. – Wikipédia

On exige définitivement l’impossible aux enseignants. Faire des citoyens ne se fait pas à l’école. Cela se fait d’abord et avant tout en société. En commençant par la famille élargie et même la famille immédiate.

Enseigner est la transmission de connaissances et autant que possible de faits. C’est développer l’esprit critique, vis à vis des prémisses, et l’esprit logique dans la manipulation de ces prémisses.

Faire, de fait, réaliser que le désir personnel est roi, ce que font bien des parents vis à vis des enfants, ne crée que des attentes irréalistes et des frustrations extrêmes, souvent.

La société doit s’interroger sérieusement. Le retard des enfants n’est pas dû au manque d’école, mais aux manques des parents. Que l’on sache à 6 ans ou à 7 ans que 2 et 2 font quatre est accessoire dans la vie. Mais, savoir que notre place est à sa place et non toute la place est une leçon de vie. L’école y a sa part, mais la grande partie appartient aux parents et à la société.

Bertrand (@BDmoi)

Le peuple est-il divisé?

Le peuple est-il divisé? La réponse est oui. Tout le monde est différent. Mais la vraie question est: le monde est-il si divisé? Je ne crois pas. Les médias en font leurs choux gras (pluriel).

Plutôt que de se demander ce que le gouvernement ne fait pas de correct, ne faudrait-il pas se demander, s’exiger même: qu’est-ce que je ferais de différent et qu’est-ce que ça changerait? Honnêtement.

Je ne dis pas que le gouvernement ne fait pas d’erreurs, je dis qu’il agit. Il agit en donnant la chance aux coureurs. Ce que je ne ferais pas. Je lui couperais les jambes. Un gouvernement doit trancher. C’est son rôle. Il le fait. Suivons ses directives. On a beau jaspiner et chialer mais la réalité est la réalité, on la voit aux USA , le virus coure quand il en a la chance.

Le confinement, en plus des autres mesures, a prouvé, à date, son bienfait. Traiter les itinérants en sous-citoyen n’est pas une solution démocratique. Il subissent les affres de leurs décisions, conscientes ou non, et le fait de leur remettre des tickets, ce qui arrive très peu, n’a pas d’incidence sur leur vie. On ne les emprisonne toujours pas.

Présumer que nous sommes les seuls à avoir LA solution, est présomptueux. Chialer est signe de division. Alors ceci étant dit, nous avons le droit de penser différemment mais, le virus lui s’en fout. Il est là, tapi, n’attendant que le contact. Alors faites ce que vous voulez et endurez-en les conséquences. Le résultat final de la démocratie, c’est ça et uniquement ça.

Bertrand (@BDmoi)